OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Breivik, les limites de la surveillance http://owni.fr/2011/07/28/breivik-les-limites-de-la-surveillance/ http://owni.fr/2011/07/28/breivik-les-limites-de-la-surveillance/#comments Thu, 28 Jul 2011 14:45:15 +0000 Olivier Tesquet http://owni.fr/?p=74886

L’incertitude du danger appartient à l’essence du terrorisme.

La sentence est de Jürgen Habermas, un philosophe honni par Anders Behring Breivik, un de ces “marxistes culturels” issus de l’Ecole de Francfort que le criminel norvégien assassine dans son manifeste décousu. Sa phrase ressemble à un truisme: une bombe en temps de paix frappe toujours par surprise. Mais à l’heure des espaces semi-publics et du data mining généralisé, les opinions publiques tolèrent de plus en plus mal l’irruption d’un tireur solitaire ôtant la vie à 76 de ses concitoyens dans l’une des démocraties les plus abouties d’Europe.

Devant l’imprévisible, plusieurs pays ont manifesté leur désir de prévenir des événements similaires, en améliorant leurs systèmes d’alerte en ligne. Immédiatement après l’attaque, le patron de la police finlandaise a plaidé pour une surveillance plus efficace des signes avant-coureurs. Traumatisée par une fusillade dans un lycée en septembre 2009 (dont l’auteur avait été interrogé par les autorités avant son passage à l’acte), la Finlande traque déjà les “signaux faibles” sur Internet.

En Allemagne, plusieurs parlementaires poussent à la roue pour relancer le débat sur la rétention des données, que le Tribunal constitutionnel allemand a pourtant rejeté en 2010. “Nous [en] avons besoin”, a estimé Hans-Peter Uhl, un député de la coalition chrétienne-démocrate. “C’est à ce prix que des enquêteurs pourront retracer des communications pendant la préparation des attaques, contrecarrer de tels actes et protéger la vie des gens.”

“Banal et sans histoires”

Touchée par la tuerie la plus tragique de son histoire, la monarchie scandinave a fait savoir par la voix de son Premier ministre Jens Stoltenberg qu’elle ne répondrait pas à la mort de 76 personnes par un durcissement sécuritaire. “La Norvège répond à la violence par plus de démocratie, plus d’ouverture et une plus grande participation politique”, a-t-il déclaré, tout en affirmant qu’il est possible “d’avoir une société ouverte, démocratique et inclusive, tout en prenant des mesures de sécurité”. Comment expliquer cette résilience?

“Sous les apparences d’un type banal et sans histoire, le Norvégien Anders Behring Breivik a passé près du tiers de son existence à mûrir un projet extrémiste”, écrit l’AFP. Banal et sans histoire, Breivik s’est attaché à le devenir aux yeux de tous, en ourdissant son plan pendant de longues années. Dernièrement, il avait même fait l’acquisition d’une exploitation agricole dans la bourgade d’Åmot, à 150 kilomètres d’Oslo, avec un objectif aussi simple que machiavélique: acheter six tonnes d’engrais chimique destiné à la confection de ses charges explosives, sans jamais éveiller les soupçons.

Cum hoc ergo propter hoc

Sur son blog, Rick Falkvinge, le fondateur du Parti pirate suédois, dresse les “leçons sécuritaires” d’Utoya. D’emblée, il rappelle l’inanité d’une surveillance généralisée :

Tant que vous gardez votre horrible plan pour vous, vous échapperez aux écoutes et à la rétention des données. Le plus vaste programme d’espionnage civil de l’histoire est inutile contre des individus tels que Breivik.

Puisque la précognition n’existe que dans les romans de science-fiction de Philip K. Dick et dans les films avec Tom Cruise (Minority Report, donc), les velléités d’anticipation des démocraties occidentales pourraient survirer dans une chicane idéologique avant même de percuter un mur technique. De la même manière qu’il est difficile de prédire les révolutions par les données, devancer les terroristes relève de la gageure pure.

En 2008, l’Université d’Alabama avait été mandatée par l’US Air Force pour concevoir un algorithme capable de prévenir les attaques terroristes. Comment? En créant une base de données de plusieurs milliers d’attaques récentes, en recensant leur mode opératoire et en cherchant les corrélations. Problème : cum hoc ergo propter hoc. Corrélation n’est pas causalité.

Comme le rappelle Falkvinge en citant Benjamin Franklin – “Ceux qui sacrifient la liberté pour la sécurité ne méritent ni l’une ni l’autre” -, les pays nordiques sont parmi les plus avancés au monde en matière d’écoutes légales – la Suède notamment. Ce qui n’empêche pas les pires tragédies.


Crédits photo: Flickr CC electriksheep,chez_worldwide


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“Pourquoi j’ai nominé WikiLeaks au Nobel de la paix” http://owni.fr/2011/02/04/pourquoi-jai-nomine-wikileaks-au-nobel-de-la-paix/ http://owni.fr/2011/02/04/pourquoi-jai-nomine-wikileaks-au-nobel-de-la-paix/#comments Fri, 04 Feb 2011 09:41:26 +0000 Snorre Valen http://owni.fr/?p=45293 WikiLeaks, l’organisation conspuée par tout ce que la planète compte de diplomates, inscrira-t-elle son nom au palmarès du prix Nobel de la paix ?

C’est tout en cas le souhait de Snorre Valen, un jeune député de la gauche norvégienne. C’est en bonne et due forme qu’il y a quelques jours, ce député / blogueur / musicien de 26 ans a soumis au Comité Nobel norvégien la candidature du site qui fait trembler la Maison-Blanche.

Députés et membres de gouvernements du monde entier, recteurs d’université, anciens récipiendaires du prix… Ils sont nombreux à pouvoir proposer aux membres du comité le nom d’un individu ou d’une organisation. Ces derniers les passeront en revue, pour un résultat début octobre, où l’on connaîtra alors le successeur de Liu Xiaobo.

Si WikiLeaks venait à recevoir ce prix, ce ne serait pas la première fois qu’une organisation serait récompensée : depuis 1901, 20 organisations différentes ont été distinguées (la Croix Rouge – à trois reprises –, Médecins sans frontières, Amnesty International ou encore le GIEC, dernière en date…).

Même si cette nomination fait beaucoup de bruit, ce n’est pas non plus la plus atypique jamais enregistrée par les sages norvégiens, puisque des personnages aussi fameux pour leur apport à la paix mondiale qu’Adolf Hitler, Benito Mussolini ou Joseph Staline figurent dans liste des nominés – heureusement – jamais récompensés.

Contacté par OWNI, Snorre Vallen s’explique sur cette nomination.

« J’espère susciter le débat autour du dilemme entre le besoin légitime des gouvernements démocratiques à classifier l’information, et le besoin tout aussi légitime du public de rendre ses gouvernants responsables. En Norvège, le débat autour de la liberté d’expression a longtemps été dominé par les caricatures de Mahomet, mais j’ai toujours trouvé que le cas de WikiLeaks était plus intéressant, parce qu’il concerne le pouvoir et ses abus. Est-ce que l’on veut protéger la liberté d’expression même quand cela menace notre propre gouvernement ? C’est une sorte de ‘litmus test‘ des idéaux démocratiques ».

En théorie, la liste des nominés reste secrète dans les cinquante années consécutives à son dépôt. Si le silence lie les membres du comité, rien n’interdit les dépositaires de rendre leur choix public. Snorre Valen a donc pris les devants en annonçant publiquement sa démarche.

« J’ai décidé de rendre ma démarche publique parce que j’ai peur de la novlangue qui progresse dans notre scène politique. Quand des politiciens américains qui normalement défendent les droits de l’homme et la liberté d’expression affirment que Moubarak ‘n’est pas un dictateur’ mais considèrent WikiLeaks comme des ‘terroristes’, quelque chose ne va vraiment pas »

Quand on lui demande s’il pense que WikiLeaks a des chances de recevoir le prix, sa réponse est sans appel : « Complètement. C’est un très bon candidat ».

Mercredi, Snorre Valen publiait sur son blog une tribune (en) dans laquelle il expliquait pourquoi il avait pris cette décision. Nous l’avons traduite en intégralité.

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C’est toujours plus facile de soutenir la liberté d’expression quand celui qui parle est d’accord avec vous. C’est un des tests des valeurs démocratiques et libérales auxquels les gouvernements ont tendance à échouer. Ainsi, les gouvernements occidentaux ont généralement été tolérants vis-à-vis des régimes répressifs « amis ». Des entreprises du secteur de l’Internet aident la Chine à censurer les moteurs de recherche. Et beaucoup de pays veulent « tuer le messager », quand WikiLeaks publie du contenu d’intérêt public.

Publier des documents confidentiels est un droit évident que les médias et les journaux ont exercé depuis des décennies. De cette manière, le public a été informé d’abus de pouvoir dont les gouvernements devaient être tenus responsables. Internet ne change pas la donne, il rend juste l’information plus accessible, plus facile à distribuer et plus démocratique dans le sens où théoriquement, quiconque est doté d’un accès Internet peut y contribuer.

« Déterminer quels crimes doivent être rendus publics et par quel média ne doit jamais être le privilège des politiciens. »

Cependant, beaucoup cherchent à redessiner la carte de la liberté d’information avec l’émergence d’organisations comme WikiLeaks. Les pouvoirs politiques et les institutions qui d’ordinaire protègent la liberté d’expression avertissent soudain du danger, de la menace à la sécurité, oui, même du terrorisme que Wikileaks représente. En faisant cela, ils ne peuvent prétendre défendre les valeurs démocratiques et les droits de l’homme. En réalité, ils font même le contraire. Déterminer quels crimes doivent être rendus publics et par quel média ne doit jamais être le privilège des politiciens.

Liu Xiaobo a reçu le prix Nobel de la Paix l’année dernière pour sa lutte pour les droits de l’homme, la démocratie et la liberté d’expression en Chine. De même, WikiLeaks a contribué à la lutte pour ces valeurs au niveau mondial, en exposant (entre autres) la corruption, les crimes de guerre et la torture – parfois perpétrés par les alliés de la Norvège. Et plus récemment, en dévoilant les petits arrangements économiques de la famille du président Ben Ali en Tunisie, WikiLeaks a apporté sa toute petite contribution à la chute d’une dictature vieille de 24 ans.

Ce serait un crime que de bannir ou d’interdire la publication de telles informations. Cela doit au contraire être protégé, quoique l’on puisse penser du contenu de certains, voire de la totalité, des documents publiés.

Je suis fier de nominer WikiLeaks pour le prix Nobel de la Paix.

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Snorre Valen est député du parti socialiste norvégien. Il est également blogueur depuis 2004 et pianiste dans deux groupes. Il a aussi un compte Twitter.

Son billet a été initialement publié sur son blog.

Traduction et article : Martin Untersinger.

Crédit Photo CC : Nick Bygon, Ereneta.

Crédit photo Snorre Valen : Oskar Mellemsether.

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