OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Asie du Sud-Est: le sexe, voie royale de la censure d’Internet http://owni.fr/2010/07/21/asie-du-sud-est-le-sexe-voie-royale-de-la-censure-dinternet/ http://owni.fr/2010/07/21/asie-du-sud-est-le-sexe-voie-royale-de-la-censure-dinternet/#comments Wed, 21 Jul 2010 15:04:30 +0000 Mong Palatino, trad. Loïc http://owni.fr/?p=22590

Aujourd’hui, contrôler le contenu d’Internet est vu comme une pratique anti-démocratique mais les gouvernements d’Asie du Sud-Est la justifie en mettant en avant la nécessité de protéger les jeunes du fléau des “comportements indécents liés au sexe”.

Un projet indonésien consistant à filtrer le “mauvais” contenu du web via son Conseil de contrôle du contenu multimédia [en français] a été enterré en février dernier après l’opposition de la population. Aujourd’hui, ce projet est à nouveau d’actualité suite au scandale provoqué par une vidéo à caractère sexuel d’une célébrité indonésienne [en anglais] qui  choque à la fois les jeunes et les adultes. L’Indonésie est le plus grand pays musulman au monde. Après avoir instauré une loi anti-pornographie en ligne il y a deux ans, l’Indonésie désire maintenant ériger une liste noire des sites Internet [en anglais], à la demande des conservateurs qui désirent protéger le sens moral des jeunes générations.

Un scandale similaire autour de la vie sexuelle d’une célébrité a fait polémique aux Philippines l’année dernière [en anglais] ce qui a ouvert la voie au vote d’une loi contre le voyeurisme [en anglais]. Internet a également été critiqué pour la diffusion instantanée des vidéos de sexe, ce qui a incité les législateurs à créer un projet de loi contre le cyber-crime.

Contrôler tous les FAI

Au Cambodge, le gouvernement a proposé de mettre en place un nœud d’accès à Internet dirigé par l’État [en anglais] pour contrôler tous les fournisseurs d’accès à Internet du pays, pour “renforcer la sécurité sur Internet contre la pornographie, le vol et d’autres cyber-crimes”. Le texte n’est pas encore finalisé mais tout porte à croire que le gouvernement fera aboutir cette mesure, surtout après les remous provoqués par la mise en ligne d’une vidéo de femmes nues [en français] se baignant dans un monastère.

Les gouvernements d’Asie du Sud-Est n’ont pas toujours besoin de scandales pour censurer le web puisqu’ils peuvent avancer d’autres raisons, comme la sécurité nationale, pour filtrer et surveiller [en anglais] les contenus. Par exemple, la Thaïlande est devenu le premier pays au monde à fermer 100.000 sites Internet [en français] pour avoir hébergé du contenu “dangereux”. Des blogueurs, des journalistes [en anglais] et des administrateurs de sites Internet ont été sanctionnés pour crime de lèse-majesté [en français]. Le Vietnam a été accusé par Google et l’anti-virus McAfee de mener des attaques virtuelles [en anglais] contre certains sites, et plus particulièrement des sites qui militent contre l’exploitation minière du bauxite, un problème qui fait polémique dans le pays.

Cependant, la règlementation politique d’Internet se heurte souvent à de fortes oppositions de la part des internautes et provoque toujours des condamnations de l’étranger, notamment des médias et des organisations de défense des droits de l’homme. Les gouvernements du Sud-Est asiatique peuvent toujours ignorer ces critiques mais ils y perdent également leur crédibilité. Les gouvernements soucieux de leur image démocratique ne peuvent pas se permettre de censurer les médias en ligne sur une longue période. En revanche, règlementer le web pour combattre la pornographie et d’autres pratiques “contraires aux bonnes mœurs” génère seulement un chuchotement de protestation. C’est donc devenu le stratagème le plus sûr pour bloquer les sites “nuisibles”. La politique de règlementation d’Internet [en français] du Myanmar (Birmanie), imposée par la junte, a été décrite comme l’une des plus draconiennes. Mais sa décision d’interdire deux hebdomadaires [en anglais] pour avoir publié des photographies de mannequins en short n’a pas soulevé les mêmes protestations des groupes démocratiques.

Symptôme de la montée du conservatisme

La volonté d’éliminer le sexe et les images érotiques d’Internet peut être vue comme un symptôme de la montée du conservatisme dans plusieurs pays d’Asie du sud-est. La carte de la morale est jouée pour imposer des attitudes, des sentiments et des comportements parmi la population même si cette stratégie n’est pas en accord avec certaines cultures de cette région du monde. Quand l’Indonésie a voté la loi anti-pornographie, le gouverneur de Bali a élevé la voix car la loi est contraire à la tradition locale [en anglais] où la réalisation de statues historiques nues et les danses érotiques sont toujours répandues. Lorsque le Cambodge a bloqué l’accès à des sites [en français] présentant des images pornographiques ou érotiques, le site reahu.net [en anglais] a également été interdit pour cacher des illustrations artistiques d’anciennes danseuses Apsara dénudées [en anglais] et d’un soldat khmer Rouge.

Un autre problème est la définition approximative de ce qui constitue une image et une action qui est pornographique, indécente, immorale et obscène. Des activistes philippins sont préoccupés par le fait que le projet de loi contre le cybercrime [en anglais] rende illégal [en anglais] la publication ou la mise en ligne de contenus qui contredisent l’interprétation officielle de ce qui est moral et convenable.

Les gouvernements sont parvenus à maîtriser les outils et les techniques de censure pour les médias traditionnels. Ils sont maintenant en train de tester les limites de la règlementation en ligne. Le projet indonésien pour faire respecter une liste noire des sites Internet devrait être surveillé pour son impact dans la région. L’Indonésie a plus de 40 millions d’internautes et le pays est reconnu comme la capitale de Twitter en Asie [en anglais]. Si l’Indonésie réussit à filtrer le contenu du web, d’autres pays de la région suivront ce modèle.

La censure du web ne coupe pas seulement l’accès à l’information ; elle affaiblit également la possibilité pour les internautes de former des communautés solidaires en ligne. Pour réellement protéger les jeunes et les personnes vulnérables, la meilleure solution est de leur donner, à leurs parents et à leur famille en général, une bonne éducation sur ce thème et des informations pertinentes sur les aspects positifs et les risques liés à la navigation sur Internet.

Billet initialement publié sur Global Voices ; image CC Flickr remixée Alaskan Dude

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Saint Steve Jobs, priez porno http://owni.fr/2010/05/19/steve-jobs-offre-au-monde-de-le-liberer-du-porno/ http://owni.fr/2010/05/19/steve-jobs-offre-au-monde-de-le-liberer-du-porno/#comments Wed, 19 May 2010 09:59:06 +0000 Ryan Tate http://owni.fr/?p=16016

Je n’avais pas prévu de me battre avec Steve Jobs la nuit dernière. Voici comment c’est arrivé. Une publicité pour l’iPad m’a mis en rogne, j’ai envoyé au président d’Apple un e-mail énervé, il m’a parlé de “libération du porno”. Le débat est parti de là. Bien sûr, il y avait un peu plus que ça. Il y a le contexte : la bataille juridique de Jobs avec mon employeur Gawker Media à propos du recel d’un prototype d’iPhone, ma préoccupation croissante à propos du pouvoir grandissant d’Apple pour limiter l’expression personnelle via le verrouillage des application de l’iPad et le fait que ma femme, qui normalement (et de de façon plutôt raisonnable), oppose un veto à l’idée de passer la nuit du vendredi à envoyer des mails incendiaires, n’était pas là.

Donc rétrospectivement, j’étais chargé pour riposter. Mais il y avait aussi de la sérendipité : alors que je regardais un nouvel épisode de 30 Rock sur mon lecteur vidéo numérique, je n’ai pas réussi à sauter une pub Apple que je n’avais jamais vu avant, et qui vantait l’iPad comme rien moins qu’”une révolution”. Vous pouvez voir un extrait de cette publicité en bas de ce post.

Avec un cocktail Stinger à côté de moi, j’ai écrit en vitesse une question brève, sans équivoque, à l’adresse mail bien connue de Jobs. Quelques heures plus tard, minuit passé ici en Californie, il est revenu vers moi. Et je suis revenu vers lui. Et ainsi de suite.

Dans mon message initial, envoyé de mon e-mail ryantate.com, je ne me suis pas identifié comme rédacteur chez Gawker. Mais, comme vous le verrez dans l’échange ci-dessous, j’ai finalement explicitement mentionné mon affiliation, et Jobs n’a pas semblé dérangé. Entre ça, et le fait que Jobs utilise régulièrement les emails pour révéler des informations nouvelles au public, sachant pertinemment que les destinataires rendent les échanges public, je n’ai pas de problème à reproduire le fil ci-dessous.

C’est une discussion fougueuse, comme vous le constaterez. Et passionnée, particulièrement de ma part.

Rares sont les présidents qui croisent le fer en tête-à-tête avec des clients ou des blogueurs de cette façon. Jobs a le mérite de casser le moule du dirigeant américain typique et pas seulement parce que son entreprise fait des produits avec une telle longueur d’avance. Non seulement Jobs construit et reconstruit son entreprise autour de quelques opinions fortes sur la vie digitale, mais il est prêt à les défendre en public. Vigoureusement. Sans ménagement. À deux heures du matin, le week-end.

Autant Jobs et ses actions me mettent en colère, autant j’ai été dur envers lui: je suis sorti de l’échange impressionné par sa volonté d’engager le combat. Des notes sur le contenu final suivent après les mails.

Ryan Tate

Si Dylan avait 20 ans aujourd’hui, que penserait-il de votre entreprise ? Dirait-il que l’iPad a la moindre chose à voir avec une “révolution” ? Les révolutions sont liées à la liberté.

Steve Jobs

Oui, libération des programmes qui volent vos données privées. Libération des programmes qui flinguent vos batteries. La libération du porno. Oui, la liberté. Les temps changent et certains adeptes du PC traditionnel ont le sentiment que leur monde disparait. C’est ainsi.

Ryan Tate

Honnêtement, la batterie de mon MacBook Pro 13 tient bien le coup contre Flash. La batterie, ça fait tout. Il en va ainsi avec ma batterie d’iPad. Je ferais mieux d’avoir une app Wired avec de l’interactivité plutôt qu’une app qui soit un PDF amélioré. Alors pourquoi pas ? Uniquement parce qu’Adobe a essayé de vous avoir dans les années 90 ? Il ne s’agit pas d’une opposition pur Cocoa vs. Flash cross-compilé mais un contenu faible dans un emballage approuvé vs. quelque chose d’interactif en code cross-compilé.

Et vous savez quoi ? Je ne veux pas être “libéré du porno”. C’est super le porno ! Et je pense que ma femme serait d’accord.

Steve Jobs

Wired conçoit une app Cocoa native. Il en est de même avec quasiment chaque éditeur. Et vous vous inquiéterez plus du porno quand vous aurez des enfants.

Ryan Tate

Wired fait une app Cocoa native parce qu’ils DOIVENT le faire. Mais pourquoi devraient-ils gâcher tout effort porteur ? Ces gars du print devraient être encouragés à concevoir toute l’interactivité qu’ils souhaitent. C’est un miracle que quelqu’un de chez Condé Nast veuille faire plus qu’une simple reproduction de leur magazine, et vous rendez cela plus compliqué pour eux. Faites moi confiance, j’ai travaillé pour The Newshouses, chez SF Biz Times (San Francisco business Times, Ndlr), ils n’ont aucune ambition sur Internet au niveau de la direction. Tout ce que vous faites, c’est rendre plus compliqué pour des gars intelligents comme Chris Anderson de faire quelque chose d’intéressant. Ce n’est pas une question d’app native vs. app non native avec les vieux médias. C’est une question d’interactivité vs de la non-interactivité. XXX (nom flouté) à Time Inc pavoise pour avoir fait l’appli de merde du Time, puisque, techniquement, c’est de l’Objective-C, transporté par PDF de leur partenaire hollandais.

Mais vraiment, leur app, c’est l’équivalent de toutes ces app iPhone merdique… – à peine suffisament d’efforts pour l’intégrer dans le Store et gagner un peu d’argent. Je suis bien plus impressionné par des gens qui essayent de faire quelque chose de nouveau et d’intéressant, même s’ils doivent faire du code cross-compilé pour cela. Comme Wired.

Et j’ai fait pression sur Nick Denton (propriétaire du groupe Gawker Media, Ndlr) pour qu’il investisse dans le développement Apple iPhone/iPad depuis que j’ai commencé à travailler dans l’entreprise en 2008. Mais sans plus -je suis maintenant convaincu qu’Apple va nous faire chier sur la validation de l’app, comme ils en ont fait chier tant d’autres avec du contenu légèrement controversé. C’est mieux de faire directement du développement web.

Dites ce que vous voulez sur Schmidt mais il joue fair-play quand on parle de ce qui est indexé sur le web.

Ryan Tate

PS : je ne suis pas un ami du porno. Mais bon, je ne pense pas que ça va bousiller mes enfants si quelqu’un dans ma maison regarde un clip porno. Et si mes enfants ont un iPad, je peux vous garantir qu’il n’y aura pas de porno dessus ! Ma femme et moi l’envisageons d’ici un an, quand j’en aurai fini avec mon Harper Business sur les travaux ingrats. Comme FrontRow ! :->

Steve Jobs

Attendez. Évidemment qu’ils ne sont pas obligés de le faire. Ils ne sont pas obligés de publier sur l’iPad s’ils ne le souhaitent pas. Personne ne les force. Mais il s’avère qu’ils le VEULENT.

Il y a presque 200 000 apps dans l’App store, donc c’est que ça doit rouler. Les apps pour magazine seront bien mieux à la fin car ils sont écrits en code natif. On a déjà vu ce film.

Bon Dieu, pourquoi êtes-vous si amer sur un sujet aussi technique que celui-ci ? Il ne s’agit pas de liberté mais d’Apple essayant de faire le meilleur pour ses usagers. Les usagers, les développeurs et les éditeurs peuvent faire comme ils l’entendent, ils ne sont pas obligés d’acheter, de développer ou de publier sur iPad s’ils ne veulent pas. Il semble que ce soit votre sujet, par le leur.

Ryan Tate

Ce n’était qu’un “sujet technique” quand Microsoft essayait de faire en sorte que tout le monde écrive pour Windows API 32 ?

Étiez-vous content quand Adobe a fait avec ?

Vous avez la chance de donner le ton pour une plate-forme nouvelle. Pour la nouvelle plate-forme de téléphone et de tablette. La plate-forme du futur ! Je suis déçu de voir que c’est la même histoire à la con de revanche et de pouvoir.

Ryan Tate

PS: Et oui j’ai peut-être l’air amer. Parce que je ne pense pas du tout qu’il ne s’agisse que d’une question de technique – c’est vous qui imposez votre moralité, sur le porno, sur les ’secrets de commerce’, sur la pureté technique au sens le plus tordu du sens. Apple lui-même a utilisé des couches de traduction et d’API’s intermédiaires. L’Objective-C et iTunes pour Windows sont en train d’enterrer ça. N’importe qui qui a codé connait le pouvoir et l’importance des API intermédiaires.

Et je n’aime pas l’espèce de police d’Apple qui enfonce littéralement les portes de mes collègues. Mais je suppose que la justice aura le dernier mot sur ce sujet et je ne dirais pas que je suis inquiet.

Steve Jobs

Vous êtes si mal informé. Personne n’a enfoncé de portes. Vous croyez beaucoup les erreurs que racontent les bloggers.

Microsoft avait (a) tous les droits pour renforcer toutes les règles qu’ils veulent sur leur plate-forme. Si les gens n’aiment pas, ils peuvent écrire pour une autre plate-forme. Ou ils peuvent acheter une autre plate-forme, ce que font certains.

En ce qui nous concerne, nous faisons juste ce que nous pouvons pour essayer et réaliser (et préserver) l’expérience utilisateur que nous avons en tête. Vous pouvez ne pas être d’accord avec nous, mais nos motifs sont purs.

Au fait, qu’avez-vous fait de si fantastique ? Vous créez quelque chose ou vous critiquez juste le travail des autres et diminuez leur motivation ?

Quelques notes sur ces emails :

- Il y a quelque chose d’absurdement orwellien dans la ligne de Jobs selon laquelle iPad offre de “se libérer du porno“. C’est une affirmation qui, je le suspecte, le hantera.

- Ma phrase sur Flash et mon MacBook est stupide. Le plugin web Flash, comme je l’ai écrit moi-même, bouffe de la ressource, quelle que soit la manière dont la batterie miraculeuse dans mon portable Apple gère cette goinfrerie. Il est impossible de savoir comment Flash pourrait mettre à genou le processeur A4 de mon iPad. Mais les application Flash cross-compilées sont un tout autre sujet : ils fonctionnent comme du code Objective-C et Apple a une possibilité de les critiquer pour leur performance. Apple n’a jamais essayé d’argumenter que le Flash cross-compilé met les batteries à plat plus rapidement que d’autre code Objective-C, et dans les faits approuvé plus de deux douzaines de tels applications avant de changer leurs règles.

- En parlant de phrases regrettables : pourquoi diable ai-je mêlé ma femme avec “la libération du porno”? J’essayais de dire que c’est un bruit qui court que le porno fait du mal aux familles d’une manière ou d’une autre, ou est quelque chose de terrible et de honteux, donc j’ai mentionné l’autre moitié de ma famille.

- J’ai été un peu injuste en résumant mon contact avec Time Inc.; l’entreprise ne s’est pas vantée à propos de son logiciel d’aide à la publication pour iPad, et en fait a des plans pour améliorer progressivement son produit iPad. Cette phrase était basée sur un échange d’e-mail que j’ai eu avec un employé de Time Inc. qui s’exprimait en off et pas au nom de son entreprise. En conséquence, j’ai flouté un nom que je n’avais pas à donner. Mais je pense, comme je l’ai dit, qu’une application Objective-C native qui se contente de reprendre le contenu d’un magazine, comme celle du Times, est bien moins intéressante qu’une application qui offre une vraie interactivité, même si elle a été cross-compilée depuis Flash. Et voici la fin de la publicité pour l’iPad qui m’a énervé :

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Billet initialement publié en anglais sur Gawker ; image CC Flickr Sigalakos

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