OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 La police contre les écoutes http://owni.fr/2012/12/06/la-police-contre-les-ecoutes/ http://owni.fr/2012/12/06/la-police-contre-les-ecoutes/#comments Thu, 06 Dec 2012 16:07:41 +0000 Pierre Alonso http://owni.fr/?p=127023

“C’est du délire, du délire !” Après les magistrats, les policiers haussent à nouveau le ton contre le futur système d’écoutes judiciaires. Dans leur ligne de mire : la main mise d’une entreprise privée, le géant Thales, sur des données extrêmement sensibles centralisées en un lieu.

La plateforme nationale des interceptions judiciaires (Pnij de son petit nom) devrait entrer en phase de test au premier semestre 2013, après plus de six ans dans des cartons scellés confidentiel-défense. Il est piloté par la délégation aux interceptions judiciaires, une structure du ministère de la Justice.

A l’Intérieur, tout le monde ne voit pas d’un bon œil une telle intrusion de la place Vendôme dans les enquêtes, comme l’a raconté Le Canard Enchaîné. Le géant français Thales a remporté l’appel d’offre en 2010, ce que les actuels prestataires ont contesté devant le tribunal administratif. Sans succès.

Dans le secret des écoutes

Dans le secret des écoutes

Une plateforme pour centraliser les écoutes, scruter le trafic Internet... Ce projet entouré de secret verra bientôt le ...

Des “réserves”

Dans quelques mois, le lien entre les officiers de police judiciaire et les opérateurs sera automatisé au sein de la PNIJ [Voir notre infographie]. Une réforme qui rassure fournisseurs d’accès à Internet et opérateurs de téléphonie, sujets à de fausses demandes de réquisitions. Mais la PNIJ stockera aussi le contenu des réquisitions. Impensables de confier des données aussi sensibles à une entreprise privée estiment de concert policiers et responsables nationaux de la cybersécurité.

Dans un courrier au secrétaire général du ministère de la justice daté de décembre 2011 qu’Owni a consulté, le directeur général de la police national d’alors, Frédéric Péchenard, se faisait l’écho de ces critiques. M. Péchenard écrit :

L’ANSSI [L’agence nationale en charge de la cybersécurite, NDLR] a émis des réserves sur l’infogérance et l’hébergement de la PNIJ par la société Thales.

Cette “fragilité” est aussi soulignée par “les services utilisateurs”, les policiers donc. Ils “s’interrogent sur la confidentialité du site d’Elancourt proposé par Thales et sur les mesures de sécurité qui seront prises, sachant que la PNIJ est une cible potentielle, du fait même de la concentration de données sensibles” indique Frédéric Péchenard dans son courrier.

Thales, gardien des clefs du temple

Au même moment, à l’automne 2011, un autre service s’est également “étonné” qu’un tel trésor atterrisse entre les mains d’une entreprise privée. La raison est un peu différente. Ce service parisien traitant de la délinquance financière craint que le gardien des clefs du temple, Thales, puisse avoir accès au contenu, les réquisitions et interceptions, ces “données sensibles” qu’évoquait pudiquement Frédéric Péchenard dans son courrier.

En creux, les craintes concernent l’étendue du pouvoir des administrateurs du système, des salariés de Thales qui auront accès à l’ensemble du système. Le projet prévoit pourtant que toutes les données soient chiffrées. En septembre, la délégation aux interceptions judiciaires évoquait devant Owni “un bunker sécurisé en béton armé”, certifié par les superflics de la DCRI (le FBI à la française). Insuffisant pour ses détracteurs : celui qui a créé le chiffrement pourrait le déchiffrer.

Le ministère de la Justice a-t-il pris en compte ces “réserves” ? Aujourd’hui, la délégation aux interceptions judiciaires “ne souhaitent pas répondre à nos question” arguant que “la relation de confiance” a été rompue avec la publication d’un document confidentiel-défense. Même son de cloche à l’ANSSI :

– Pas de commentaire.
- Pour quelle raison ?
- Pas de commentaire.

Nouvelle salve

Le nouveau gouvernement est décidé à poursuivre le projet. Selon nos informations, le cabinet du ministre de Manuel Valls l’a expliqué fin octobre lors d’une réunion consacrée à la PNIJ. La place Beauvau serait convaincue qu’il s’agit de la meilleure solution. Quitte à désavouer les futurs utilisateurs, consultés par les nouveaux grands chefs policiers.

La direction générale de la police nationale a demandé des rapports à plusieurs services dont la DCRI, la PJ et la préfecture de police de Paris, qui ont tiré une nouvelle salve de critiques. Remis au début de l’automne, les enquêteurs rappellent à nouveau le risque de concentrer en un seul lieu les données sensibles, évoquant le précédent WikiLeaks. A nouveau, ils rappellent le risque de les confier à une entreprise privée.

Thalès terre les écoutes

Thalès terre les écoutes

C'est sur son site d'Elancourt que Thalès, le géant de la défense française, garde précieusement la Plateforme nationale ...

Les services de police relèvent aussi que la PNIJ devra fonctionner 24h sur 24, 7 jours sur 7, sans souffrir de la moindre exception. La France ne compte que cinq systèmes avec de telles contraintes : la dissuasion nucléaire, la bourse, les réseaux électriques, la SNCF et l’aviation civile. Un défi technique, soulignent les policiers, que le personnel actuel ne pourra relever dimensionner ainsi en terme d’effectifs. Sauf bien sûr à recruter davantage ce qui augmenterait sensiblement l’ardoise, déjà salée.

Et encore, les coûts cachés sont nombreux. Le matériel qu’utilisent aujourd’hui les OPJ appartient aux quatre prestataires privés sous contrat avec l’Intérieur. Du matériel qu’il faudra renouveler. La PNIJ nécessitera aussi “une refonte totale du réseau national de transmission” écrivait Le Canard Enchaîné, citant “de grand chefs policiers”. Difficile d’obtenir une estimation du montant nécessaire, mais le ministère de l’Intérieur s’est dit conscient des coûts supplémentaires lors de la réunion de fin octobre.

Calembour

Un syndicat de police, Synergie Officiers (classé à droite) a pris la tête de la fronde contre la PNIJ, en interpelant par écrit le ministre de l’Intérieur [PDF]. Francis Nebot, le secrétaire national, redoute aujourd’hui de n’avoir pas été entendu. “Nous n’avons aucune information et sommes pourtant les premiers utilisateurs de la PNIJ” déplore-t-il.

Le système actuel ne fait pourtant pas l’unanimité, y compris au sein de la police. Certains proposent de garder le principe de la PNIJ pour des tâches de gestion. L’envoi des réquisitions passerait par la plateforme, mais le contenu serait directement renvoyé à l’officier traitant.

La plateforme ne contiendrait alors plus les précieuses “données sensibles”, sur lesquelles les policiers veulent garder la main mise exclusive, craignant une intervention de Thales, voire de l’exécutif. Ce qui a donné naissance à un calembour dans les services de police : “La PNIJ, c’est la plateforme de négation de l’indépendance de la justice”.


Photo par Misterbisson (cc-byncnsa) remixée par Owni /-)

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L’asile pour les doigts brûlés http://owni.fr/2012/01/11/asile-ofpra-conseil-etat-ministere-interieur/ http://owni.fr/2012/01/11/asile-ofpra-conseil-etat-ministere-interieur/#comments Wed, 11 Jan 2012 17:49:49 +0000 Pierre Alonso http://owni.fr/?p=93555

Le Conseil d’Etat a suspendu aujourd’hui la note de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) qui demandait aux officiers d’opposer un rejet systématique aux demandeurs d’asile ayant des “empreintes altérées”.

L’ordonnance de la plus haute juridiction administrative met fin à une bataille juridique de plusieurs semaines entre l’Ofpra et les associations réunies au sein de la Coordination française pour le droit d’asile (CFDA). “L’Ofpra prend acte de cette décision. Nous l’appliquons bien entendu, et procédons à une analyse juridique avec notre service” nous a expliqué Pascal Baudouin, directeur de cabinet du directeur général de l’Ofpra.

Sans doigt ni droit

Sans doigt ni droit

Une note interne de l'Office des réfugiés montre un nouveau durcissement, visant les demandeurs dont les empreintes ...

Dans son ordonnance, le juge des référés du Conseil d’Etat, Jacques Arrighi de Casanova, considère que “l’instruction contenue dans la note du 3 novembre 2011 (…) a eu systématiquement pour effet (…) de conduire à des décisions de rejet des demandes d’asile”. Dans son mémoire et lors de l’audience, lundi 9 janvier, l’Ofpra s’en était défendu, indiquant que l’examen de la demande d’asile ne se limitait pas à l’audience avec l’officier de protection.

La secrétaire générale de l’Ofpra, Agnès Fontana, avait soutenu à cette occasion que l’examen de la demande d’asile commençait “dès que le dossier était confié à un officier de protection”. Le rejet fondé sur l’altération d’empreintes” ne s’apparentait donc pas, de son point du vue, à un rejet sans examen de la demande d’asile. L’ordonnance du juge des référés considère au contraire qu’en violation de plusieurs textes de lois :

La note contestée fait obstacle à l’examen individuel des demandes d’asile.

Caractère systématique

L’Ofpra réfutait le caractère systématique de ces rejets, mais sans être en mesure d’appuyer sa démonstration d’exemples concrets : depuis l’entrée en vigueur de cette note interne, tous les demandeurs aux “empreintes altérées” se sont vus opposer un refus. Dans son ordonnance, le juge rappelle que ni “la procédure écrite [ni] les indications recueillies à l’audience” n’ont pu étayer ces affirmations de l’Ofpra. Plus important, la lutte contre la fraude ne peut expliquer une telle consigne. Le Conseil d’Etat écrit :

L’intérêt public qui s’attache à la lutte contre la fraude n’est pas susceptible de justifier une atteinte aussi grave aux intérêts des demandeurs d’asile concernés.

Un revers pour l’Ofpra. Lors de l’audience, le juge des référés avait demandé des précisions sur les causes de ces altérations d’empreintes digitales. Les associations avaient insisté sur les mauvaises conditions de vie des demandeurs d’asile, souvent à la rue, et sur les mauvaises informations qui circulent parmi les demandeurs d’asile. L’altération des empreintes entraine un placement dit en “procédure prioritaire”, ce que certains demandeurs d’asile interprètent comme un moyen d’accélérer leur dossier selon les associations.

La CFDA ont surtout rappelé le peu de zèle dont feraient preuve les préfectures pour procéder aux relevés d’empreintes. Jean-Pierre Alaux, du Groupe d’information et de soutiens des immigrés (Gisti), a rapporté le cas d’un Erythréen convoqué cinq fois à la sous-préfecture de Calais alors que ses empreintes étaient “lisibles mais légèrement altérées”. Un exemple qui illustre selon lui “les interprétations abusives des préfectures”.

Fraude volontaire

De son côté, le ministère de l’Intérieur, à qui le Conseil d’Etat avait demandé de présenter ses observations sur ces altérations, ne retient que la fraude volontaire. Dans ce document, que nous publions ci-dessous, le secrétariat général à l’immigration et à l’intégration justifie la note de l’Ofpra :

Cette note fait suite à l’apparition d’une pratique à compter de l’année 2009, consistant pour certains demandeurs d’asile, à s’altérer volontairement les empreintes digitales.

L’objectif serait de passer à travers le règlement Dublin II, en vertu duquel un demandeur d’asile doit déposer son dossier dans le premier pays qui a prélevé ses empreintes, généralement les pays en périphérie de l’Union européenne, très restrictifs sur l’asile. Selon cette note du ministère de l’Intérieur, les consignes du directeur de l’Ofpra permettraient donc d’éviter “l’ « asylum shopping » ainsi que l’ « asylum in orbit » (les multiples demandes dans différents Etats membres peuvent entrainer le non examen de la demande d’asile, ce qui est une garantie pour le demandeur d’asile).” Le même document énumère les “techniques pour empêcher l’exploitation des empreintes” (page 3 du document) :

Soit le demandeur d’asile altère l’épiderme, par abrasion ou par brûlure le plus souvent ; soit le demandeur d’asile utilise un produit lui permettant de combler les sillons (…), tel que du vernis ou une colle quelconque ; soit, et plus exceptionnellement, le demandeur d’asile se fait greffer la pulpe d’un autre de ses doigts.

Le ministère de l’Intérieur insiste sur l’augmentation du phénomène d’“altération des empreintes” depuis 2009 citant les chiffres des “taux de rejet des relevés d’empreintes digitales” pour 2009, 2010 et 2011.

Extrait des observations du ministère de l'Intérieur, page 3 dans le document reproduit en intégralité ci-dessous

L’ordonnance du Conseil d’Etat met fin à une série de contentieux juridiques. Le tribunal administratif de Melun avait été saisi par le CFDA qui contestait plusieurs refus motivés exclusivement par les “empreintes altérées” des demandeurs. Dans sa décision, il considérait cette pratique de l’Ofpra comme une “atteinte manifestement grave et illégale [au] droit constitutionnel d’asile”.

Saisi dans le même temps pour se prononcer sur la légalité de la note, il s’est déclaré incompétent, renvoyant l’affaire au Conseil d’Etat. Le 28 décembre, le juge des référés du Conseil d’Etat avait cassé, sur la forme, la décision du tribunal administratif de Melun. Il considérait que cette décision était de la compétence de la Cour nationale du droit d’asile, et non du tribunal administratif.

Conseil d’Etat Ofpra Asile

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Sécurité privée d’État http://owni.fr/2012/01/09/etat-cnaps-alain-bauer-securite-privee-claude-gueant/ http://owni.fr/2012/01/09/etat-cnaps-alain-bauer-securite-privee-claude-gueant/#comments Mon, 09 Jan 2012 15:00:33 +0000 Sabine Blanc http://owni.fr/?p=91832

Aujourd’hui le ministre de l’Intérieur Claude Guéant installe le premier organisme de contrôle dédié au marché de la sécurité privée : le Conseil national des activités privées de sécurité (Cnaps), opérationnel depuis le 1er janvier. Voté par amendement dans le cadre de la seconde Loi d’orientation et de programmation et de performance pour la sécurité intérieure (Loppsi), ce Cnaps sera chargé d’assainir un secteur en pleine expansion mais gangréné par de mauvaises pratiques, tant des prestataires que des donneurs d’ordre, y compris publics. Et il sera présidé par Alain Bauer, le consultant en sécurité le plus familier des salons de l’Élysée.

Il devra ainsi mettre fin à un paradoxe : celui d’un secteur censé aider à lutter contre la délinquance mais qui compte, pour reprendre les propres termes du ministre de l’Intérieur Claude Guéant, des “entreprises délinquantes”. Un organisme bienvenu à l’heure où la privatisation de la sécurité est à l’ordre du jour, pour des questions budgétaires, et dans un contexte de demande croissante de sécurité. Le délégué interministériel à la sécurité privée Jean-Louis Blanchou détaillait ainsi dans Sécurité privée :

Nul doute que des évolutions sont à prévoir. Le besoin de sécurité de nos concitoyens évolue au rythme des changements qui affectent notre société (vieillissement par exemple), de la perception des risques ressentis par les particuliers et les entreprises ainsi que de l’évolution des formes de délinquance, et des innovations technologiques.
Tous les besoins ne pourront pas être couverts par les formes traditionnelles de sécurité publique (police et gendarmerie nationales) ni par les polices municipales. Les sociétés privées de sécurité doivent anticiper, se préparer à répondre à ces nouveaux besoins.
Il n’est pas exclu par ailleurs que certaines activités actuellement dévolues à la police et à la gendarmerie nationales soient, dans le futur, confiées au secteur privé, dès lors que celui-ci aura fait la preuve de son professionnalisme et éradiqué les pratiques douteuses et les entreprises délinquantes.

“Pratiques douteuses et entreprises délinquantes”

L’idée de cet organisme est née au début des années 2000 se souvient Alain Bauer, le monsieur sécurité de Nicolas Sarkozy, inspirateur du virage sécuritaire et cheville ouvrière de ce Cnaps, “après une réunion avec Claude Tarlet, Éric Chalumeau, Jean-Marc Berlioz et quelques autres au début des années 2000 à l’INHES”. Soit respectivement le président de l’Union des entreprises de sécurité privée (USP), le principal syndicat de la surveillance humaine, le président du tout jeune Syndicat des conseils en sûreté et l’ancien conseiller spécial pour la sécurité au cabinet du ministre de l’Intérieur.

Au plan du droit, le Cnaps est une personne morale de droit public et non pas une autorité administrative indépendante (AAI), entre autres parce que des dirigeants d’entreprises siègent à son collège. Il comprend onze représentants de l’État, huit personnes issues des activités privées de sécurité et quatre “personnalités qualifiées nommées par le ministre de l’Intérieur.” Si les syndicats déplorent d’être minoritaires, leur présence est loin d’être négligeable et ils ont déjà pesé de tout leur poids pour infléchir le Cnaps dans leur sens.

Selon le décret d’application paru le 23 décembre dernier, il couvrira les activités visées aux titres Ier et II de la loi du 12 juillet 1983 : “les entreprises de sécurité privée, les agences de recherches privées, les entreprises assumant pour leur propre compte des activités privées de sécurité, les opérateurs privés de vidéoprotection définis à l’article 11-8 de la loi du 12 juillet 1983, les dirigeants, les associés et les salariés de ces entreprises.” Selon les estimations du Cnaps, à partir de recoupements, il y aurait 4 500 entreprises avec au moins un salarié et 5 000 entreprises sans salarié (donc des auto-entrepreneurs) dans la sécurité privée, et quelques centaines d’agents de recherches privées (ARP), détective privé, enregistrés comme indépendants. Et ces chiffres ne tiennent pas compte du travail au noir, sur lequel le Cnaps n’a pas d’évaluation.

Un Cnaps, des craps, pour faire le ménage

Pour faire face à son ample tâche, ce bébé-lobbying disposera dans sa configuration initiale de 214 agents, répartis dans une commission nationale et douze commissions inter-régionales et locales (Craps), déployées d’ici la fin de l’année. Ils seront chargés de deux missions opérationnelles principales.

La première, de police administrative, était jusqu’à présent assurée par les préfectures : la délivrance des agréments, des autorisations et des numéros de cartes professionnelles, mises en place en 2009. Les autorisations et les agréments des entreprises et de leurs dirigeants devront être renouvelés dans les trois mois suivant la publication du décret. Le directeur général du Cnaps, le préfet Jean-Yves Latournerie indiquait [payant] attendre 6 à 7 000 dossiers. Et “en marche normale, environ un millier de nouveaux dossiers par an”. 80 à 90 agents s’en chargeront.

110 personnes assureront le contrôle des entreprises et le cas échéant, prononceront des sanctions. À terme, un code de déontologie sera mis en place. Jean-Louis Blanchou a beau se défendre que le Cnaps ait “une mission d’épuration”, il s’agit bien, de “faire le ménage”, pour reprendre les termes de Jean-Emmanuel Derny, le président du Snarp et membre du collège du Cnaps, au titre des ARP . Les contrôles dureront trois à quatre jours, avec une visite sur place d’un à deux jours, et seront effectués en binôme. Le directeur général du Cnaps, le préfet Jean-Yves Latournerie, nous a indiqué que 4 000 contrôles par an pourront être effectués et que la profession sera donc couverte en deux ans maximum.

Cette première configuration a été déterminée par le mode de financement, qui met à contribution uniquement les entreprises et les donneurs d’ordre. Le secteur aurait souhaité que l’État mette la main au pot ; cette demande leur a été refusée. Une taxe de 0,5% HT des ventes de prestation de service d’activité de sécurité privée, qui s’ajoute au montant de la prestation, conformément au souhait du secteur. Une taxe sur les services internes de sécurité, fixée à 0,7 % de leur masse salariale. En année pleine, le budget sera de 18 millions d’euros. “A priori nous sommes dans l’épure”, avait indiqué Alain Bauer. Qui se montre plutôt satisfait : “Le CNAPS existe, avec un certain consensus et une base d’accord plus large qu’imaginée. Je ne crois pas nécessaire de créer une usine à gaz pour pratiquer pédagogie, prévention et répression dans le domaine de la sécurité privée.”

Les différents représentants préfèrent voir le verre à moitié plein plutôt qu’à moitié vide et salue que leur profession soit reconnue par l’État. “C’est une avancée considérable, avant il n’y avait rien, renchérit Claude Tarlet. Il faudra deux à trois années de travail pour en tirer un enseignement. Il devrait permette des résultats à courts termes.” Selon lui, un premier nettoyage devrait avoir lieu grâce au renouvellement des autorisations et agréments. Il estime que le phénomène de concentration en marche va s’accélérer, précisant que “tout le monde aura sa place, petits, moyens et grands”. Précision pas inutile car d’aucuns craignent que le Cnaps servent aussi à ce que les gros tuent les petits.

“Un jeune ARP a maladroitement évoqué le manque de moyens et s’est fait retoquer par le préfet interministériel. Sur le fond, l’ARP avait tout à fait raison, mais ce n’était ni le lieu, ni le moment”, explique Jean-Emmanuel Derny, dans un ouvrage à venir consacré à sa profession. “Il faut bien commencer avec quelque chose, c’est vrai qu’il faudrait un outil plus puissant. On ne peut pas avoir le beurre et l’argent du beurre. C’est une opportunité très innovante qu’il faut savoir saisir. Le gouvernement a écouté nos doléances.”

Contrôle et dénonciation

Il met aussi en avant le fait que n’importe quel citoyen pourra saisir le Cnaps. Mais cette opportunité sera-t-elle saisie ? Feu la Commission nationale de déontologie de la sécurité, créée en 2000 et remplacée par le Cnaps, n’avait, en 2010, était saisie que quatre fois à propos d’entreprises de sécurité privée.

Un travail de communication sera fait, par exemple lors des campagnes de recrutement, avance Claude Tarlet. Pas question de dénoncer les mauvais confrères, précise-t-il, “on n’est pas au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Les contrôles ne seront pas répressifs mais aussi préventifs, pour aider les entreprises à améliorer leurs pratiques.” Pourtant Jean-Louis Blanchou avait bien évoqué cette possibilité lors d’une réunion d’information organisée par le Snarp [payant] :

Nous aurons besoin de contrôler ceux que nous ne connaissons pas parce qu’ils ne sont pas enregistrés par exemple. Pour cela, il faudra que vous nous montriez les entreprises du doigt.


“Nous sommes d’une façon générale satisfaits, nous avons été consultés, pas toujours écoutés, mais ça va dans le bon sens. Cela permettra un changement de mentalité rapide. Toutefois nous aurions préféré un ordre professionnel”, complète Olivier Duran. Ordre professionnel refusé, en raison de l’immaturité du secteur. Il estime que le chiffre des 0,5% est suffisant et espère même qu’il sera revu à la baisse. Et de préciser qu’ils veilleront à ce que “l’argent soit utilisé à bon escient, car c’est le rôle citoyen des organisations patronales”. Dans le collimateur, la possibilité que la taxe ne soit pas intégralement affectée “au Cnaps ou à des actions pour le secteur de la sécurité”. “Nous n’avons pas toutes les garanties de Bercy.” En effet, il était initialement prévu que la taxe passe par un circuit court, en allant directement au Cnaps, elle sera en fait reversée via une dotation budgétaire. Jean-Yves Latournerie nous a assuré qu’il y aura un réajustement de la taxe en cas de trop-perçu.

Autre point d’achoppement, cette taxe laisserait la porte ouverte à des fraudes, selon les syndicats : “N’est ce pas l’un des grands risques que court le CNAPS i.e. l’évasion d’une partie du chiffre d’affaires vers des prestations non taxées ? L’exemple le plus évident est celui de la problématique sûreté/sécurité incendie [...] qui peut potentiellement réduire le budget de financement prévisionnel du CNAPS de 30 à 40 % ?” Les impôts seront là pour contrôler, nous a dit Jean-Yves Latournerie.

Si l’heure est globalement à l’expectative neutre, la puissance publique est attendue au tournant. Olivier Duran prévient :

L’État va devoir faire en sorte que cela marche, il est face à ses responsabilités.

Sans faire un procès d’intention, on peut analyser l’expérience britannique. En 2003 était créé le Security Authority Industry (SIA), chargé de réguler 2 500 entreprises. Il compte 212 salariés dont 169 permanents pour contrôler la validité de cartes professionnelles de 365 000 personnels de sécurité privée (dont 225 000 estimés actifs) pour un budget de 33 millions d’euros provenant d’une taxe entre 0,9% et 1% du chiffre d’affaires du secteur (hors fabricants de matériels).

Son bilan est mitigé. Lors du discours de clôture de la conférence 2010 du SIA, son directeur Bill Butler avait reconnu :

Nous avions dit que nous allions créer un âge d’or de l’industrie où les paies augmenteraient, où il y aurait des opportunités sans limite d’emploi. Il me semble qu’avec le temps les standards et l’approche du secteur peuvent s’améliorer mais je pense que c’était une promesse irréaliste et malgré ce que nous avons dit dans le passé, je retire la promesse.

Le Cnaps saura-t-il éviter de suivre la destinée décevante de son homologue ? Claude Tarlet répond : “très sincèrement, nous n’en savons rien. Nous n’allons pas vendre du rêve.” Même prudence du côté du Syndicat national des entreprises de sécurité (Snes) : “cela prendra du temps pour avoir des résultats concrets, nous y veillerons par l’intermédiaire de nos représentants”, complète Olivier Duran, directeur de la communication délégué. Jean-Yves Latournerie préfère nous parler de l’exemple espagnol, qui a su selon lui remplir sa mission, sur une constat initial assez proche de celui de la France.

Le Cnaps après 2012

Si la gauche devait gagner à la prochaine présidentielle, le Cnaps n’a pas trop d’inquiétudes à se faire. Jean-Jacques Urvoas, en charge de la sécurité au Parti socialiste a beau jeu de dire que le Cnaps “servira d’expédient de l’État pour masquer les conséquences de ses 13 338 suppressions de postes en cinq ans dans la police et la gendarmerie”, sur le fond il ne remet pas en cause la notion de coproduction de la sécurité et donc la nécessité de réguler :

La sécurité privée a un apport indéniable, par exemple dans les banques, les galeries commerciales, on ne va pas remettre des policiers. C’est un métier que l’État aura tendance à choyer. L’enjeu, c’est le contrôle. Nous aurons des chantiers plus urgents que de le refondre entièrement, dans un premier temps on va le laisser vivre et le réformer, le moduler, en fonction de la pratique et non pas sur des a priori.

Les critiques portent donc à la marge, sur le manque d’indépendance et le financement, qui ne laisse pas entièrement l’État libre de disposer comme il l’entend de la taxe. De toute façon, comme le souligne Olivier Duran, le paramètre règlementaire n’est pas le seul curseur. La loi du marché joue aussi, dans un contexte où les marges sont très faibles :

La qualité des services sera un peu plus contrôlée mais on restera dans un secteur concurrentiel où le pire et le meilleur se côtoie. La professionnalisation reste du ressort de la profession.


Photos et illustrations par Dunechaser et Lord Dane

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Un doigt d’asile sauvé au tribunal http://owni.fr/2011/12/13/ofpra-demande-asile/ http://owni.fr/2011/12/13/ofpra-demande-asile/#comments Tue, 13 Dec 2011 14:02:25 +0000 Pierre Alonso http://owni.fr/?p=90202

Le Tribunal administratif de Melun vient de condamner l’Office de protection des réfugiés et des apatrides (Ofpra) pour “atteinte grave et manifestement illégale [au] droit constitutionnel d’asile”, selon une ordonnance du 8 décembre 2011 que nous mettons en ligne. En cause, une note interne, dont OWNI avait révélé l’existence. Dans ce document, le directeur général, Jean-François Cordet, demandait aux officiers d’opposer un rejet systématique aux demandeurs d’asile dont “l’extrémité des doigts est délibérément altérée” avant même que les demandes soient examinées.

En se mutilant les doigts, à l’acide ou au fer rouge, les “doigts brûlés” tentent d’échapper aux procédures dites de Dublin II. En vertu de ces accords européens, les demandeurs d’asile doivent déposer leur dossier dans le premier pays à avoir pris leurs empreintes. Mais ces pays périphériques de l’Union européenne, la Grèce, la Slovénie ou la Bulgarie, acceptent peu de demandes. D’où la volonté d’y échapper en tentant sa chance ailleurs.

Motif humanitaire

Dans sa défense, reproduite dans l’ordonnance du juge (voir ci-dessous), l’Ofpra a déclaré “qu’il convenait de décourager la pratique dégradante de mutilations des demandeurs d’asile en rejetant les demandes sur lesquelles on ne pouvait avoir des éléments concernant l’identité de l’auteur”. Un motif humanitaire qui fait sourire Gérard Sadik, responsable de l’asile de l’association La Cimade…

Saisi sur un cas individuel, le Tribunal administratif s’est opposé à cette nouvelle politique de l’Ofpra. Dans son ordonnance le juge des référés rappelle :

Le droit de solliciter le statut de réfugié et de demeurer en France le temps nécessaire à l’examen de la demande constituent pour les étrangers une liberté fondamentale.

La décision de l’Ofpra de ne pas examiner la demande d’asile de M. A. est dès lors suspendue et le juge des référés “enjoint au directeur général de [l'Ofpra] de statuer sur la demande d’asile de M. A. dans un délai de quinze jours”.

Prérogatives outrepassées

À l’Ofpra, le directeur de cabinet, Patrice Baudouin nous a expliqué avoir convoqué l’intéressé pour examiner sa demande, comme l’ordonne le tribunal administratif. Il ajoute :

Il n’est pas impossible que nous fassions appel de cette décision devant le Conseil d’Etat. Le service juridique étudie toutes les possibilités.

Ni l’avocate de M. A., Me Mazas, ni Gérard Sadik ne s’avancent sur la direction que pourraient prendre les juges de la plus haute juridiction administrative en appel. Pour Me Mazas, l’Ofpra a outrepassé ses prérogatives avec cette note interne. “Si la législation doit changer, c’est au législateur de se prononcer ! Un débat doit avoir lieu au Parlement” plaide-t-elle.

Selon Patrice Baudouin, de l’Ofpra, des centaines de cas de demandeurs aux doigts mutilés auraient été recensés ces derniers mois :

Il s’agit surtout de Somaliens, d’Erythréens et de Soudanais. Ces six derniers mois, les préfectures en ont compté entre 500 et 600.

Une réalité que nuance Me Sophie Mazas. Au-delà des “doigts brûlés”, les demandeurs d’asile vivant dans la rue ont souvent les mains abîmées, rendant leurs empreintes illisibles.

Des dizaines de requêtes à venir

Au moins cinq requêtes ont été déposées depuis cette date et ont abouti à l’annulation des rejets a priori au motif que les empreintes étaient altérées. Des dizaines suivront dans les jours qui viennent, indiquent La Cimade et le Gisti, une autre ONG de défense des immigrés. Le tribunal administratif de Melun a aussi été saisi pour faire suspendre cette note, de façon collective et non plus individuelle comme dans l’ordonnance de M. A. Il s’est déclaré incompétent, renvoyant la requête devant le Conseil d’Etat.

Cette condamnation de l’Ofpra intervient alors que se durcit la demande d’asile. Le 2 décembre, le conseil d’administration de l’Ofpra a ajouté quatre pays à la liste des pays sûrs : l’Arménie, le Bengladesh, la Moldavie et le Monténégro. Cette liste comprend les pays qui veillent “au respect des principes de la liberté, de la démocratie et de l’Etat de droit, ainsi que des droits de l’homme et des libertés fondamentales”.

Les demandes des ressortissants sont examinées en procédure prioritaire qui garantit moins de droits aux demandeurs (voir la visualisation en bas de l’article). Cette décision a provoqué l’ire des organisations de défense des immigrés qui ont rappelé que cette notion était discriminatoire et contraire au principe de l’asile, fondé sur l’individu et non la nationalité.


Illustration de Loguy et Marie Crochemore [cc-byncsa]

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Sans doigt ni droit http://owni.fr/2011/11/23/asile-ofpra-ministere-interieur/ http://owni.fr/2011/11/23/asile-ofpra-ministere-interieur/#comments Wed, 23 Nov 2011 17:22:48 +0000 Pierre Alonso http://owni.fr/?p=87920 Dans une note interne dont OWNI a obtenu copie, le directeur de l’Office de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) demande aux officiers d’opposer des refus à tous les demandeurs d’asile ayant “pris le parti d’altérer délibérément l’extrémité de leurs doigts”. Donc : de se brûler au feu ou à l’acide, ou de s’entailler au rasoir ou avec des morceaux de verre le bout des doigts. Jean-François Cordet, directeur général de l’Ofpra écrit :

Cette absence manifeste de coopération place en définitive l’Office dans l’impossibilité de se prononcer en toute connaissance de cause (…) Par conséquent, vous voudrez, bien, pour toutes les demandes d’asile en cours relevant de ce cas de figure, statuer sans tarder par la prise d’une décision de rejet.

La lettre type de refus est jointe au document (voir ci-dessous). Exit les demandeurs d’asile aux doigts “délibérément altér[és]“, que les associations appellent “les doigts brûlés”.

Auxiliaire de justice

“L’Ofpra adopte l’attitude de la préfecture. Il devient l’auxiliaire de la justice” réagit Jean-Pierre Alaux, le responsable du droit d’asile de l’ONG Gisti qui défend les droits des immigrés. A l’Ofpra, Pascal Baudouin, directeur de cabinet, se défend de restreindre les droits des demandeurs d’asile :

Ce n’est pas sur ce motif que le directeur a pris cette décision. Il s’est basé sur l’augmentation du nombre de cas de fraudes à l’identité (…) Depuis plusieurs mois, nous avons observé un phénomène nouveau des demandeurs d’asile qui s’altèrent les doigts pour que leurs empreintes ne soient pas exploitées dans Eurodac.

Eurodac est un fichier européen qui recense les empreintes digitales des demandeurs d’asile. En vertu de la procédure dite de Dublin II, les demandes d’asile doivent être déposées dans le premier pays qui a pris les empreintes du demandeur. Ces pays sont généralement à la périphérie de l’Union Européenne : la Grèce, mais de plus en plus la Slovénie et la Bulgarie, connaissent un très grand nombre de demandes d’asile dont très peu sont acceptées. En se mutilant les doigts, les demandeurs d’asile tentent d’échapper à ces mesures de renvoi dans le premier pays d’entrée, anti-chambre vers le pays d’origine.

Continuellement, un feu est gardé allumé. Il permet de chauffer l’eau, mais également d’y faire brûler des barres en fer avec lesquelles les migrants se mutilent le bout des doigts pour effacer leurs empreintes digitales.

Interrogé sur la nouveauté d’un phénomène dont la presse s’était fait l’écho dès septembre 2009, Pascal Baudouin reste évasif :

Des rapports de préfectures nous ont alerté de l’augmentation de cette pratique.

Sans être en mesure de nous préciser de quelles préfectures il s’agissait, hormis “la préfecture de Paris”, ni du nombre de cas observés.

Nouveaux droits

La note du directeur de l’Ofpra tombe à point nommé après d’importantes décisions juridiques depuis le début de l’année. Toutes ouvraient des droits aux demandeurs d’asile, dont certains sont aujourd’hui restreints par les nouvelles consignes de l’Ofpra. En janvier, la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) avait condamné la Grèce pour ne pas avoir hébergé un demandeur d’asile. Les magistrats avaient considéré qu’il s’agissait de “traitements inhumains et dégradants”, soit une violation de l’article trois de la Convention.

En France, la plus haute juridiction administrative s’est prononcée à deux reprises en juillet et août dernier sur l’hébergement et les allocations attribués aux demandeurs d’asile. Dans des arrêts du 21 juillet et 5 août 2011, le Conseil d’Etat affirme qu’ils doivent obtenir une allocation et un hébergement “quelle que soit la procédure d’examen de sa demande”. Une petite révolution que Jean-Pierre Alaux, du Gisti explique par la jurisprudence européenne et “la campagne de harcèlement juridique” lancée par plusieurs ONG et association.

La préfecture peut décider de placer un demandeur d’asile en procédure normale ou en procédure prioritaire. Avant les décisions du Conseil d’Etat, les demandeurs en procédure prioritaire ne recevaient ni hébergement, ni l’allocation temporaire d’attente d’un montant de 310 euros par mois. En cas de rejet, les demandeurs d’asile peuvent faire appel devant la Cour nationale du droit d’asile (CNDA), mais l’appel n’est pas suspensif en procédure prioritaire. Le ministère de l’intérieur incitait d’ailleurs en avril dernier les préfectures à délivrer des Obligations de quitter le territoire français (OQTF) :

Le demandeur d’asile placé en procédure prioritaire et débouté du droit d’asile après la décision de l’OFPRA n’ayant plus de droit à se maintenir sur le territoire, je vous encourage à notifier une mesure de refus de séjour et une OQTF immédiatement après la notification du rejet de la demande d’asile par l’Ofpra. [En gras et souligné dans la circulaire, ndlr]

Mais le rejet coupe surtout les demandeurs d’asile d’un hébergement et d’une allocation pendant l’examen de leur appel. Des rejets simplifiés avec ces nouvelles consignes données aux officiers de l’Ofpra.


Crédits photo CC Julie Rebouillat / Contre-Faits [by-nc-nd]

Infographie CC Marie Crochemore /-)

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La France équipe la police iranienne http://owni.fr/2011/10/19/la-france-coopere-avec-la-police-iranienne/ http://owni.fr/2011/10/19/la-france-coopere-avec-la-police-iranienne/#comments Wed, 19 Oct 2011 06:27:40 +0000 Pierre Alonso http://owni.fr/?p=83882 En toute discrétion, la France coopère avec les services de police iraniens, par l’entremise de la société de conseil et de service du ministère de l’intérieur français. Contacté par OWNI, un responsable de la société, Civipol, confirme l’envoi de 20 chiens renifleurs. Cette première livraison, sur un total de 52 chiens, sera effectuée le 25 octobre. Elle est financée par le Quartier général de contrôle de la drogue (Drug Control Headquarters) iranien qui dépend du président de la République.

Officiellement, il s’agit de lutter contre le trafic d’héroïne importée d’Afghanistan et transitant par le sol iranien avant d’abreuver les marchés européens. Mais ces chiens pourraient avoir d’autres usages répressifs.

L’opération fait grincer des dents jusqu’au sein du ministère français de la défense, à qui revient la charge de former les chiens en collaboration avec la police nationale. La transaction n’est pas du goût de la Grande Muette, peu encline à endosser la responsabilité de la coopération en matière de sécurité alors que les relations avec Téhéran sont pour le moins tendues. Sans compter le sort – expéditif – réservé aux trafiquants de drogue en Iran…

Vindicte des capitales occidentales

Dernier exemple en date des tensions diplomatiques, le Conseil des affaires étrangères de l’Union Européenne a voté le 10 octobre une nouvelle vague de sanctions. Elles ciblaient 29 responsables iraniens « impliqués dans la répression et la violation des droits de l’homme » a expliqué le Quai d’Orsay dans un communiqué. Deux jours plus tard, Washington accusait l’Iran d’être derrière une rocambolesque tentative d’assassinat de l’ambassadeur saoudien aux Etats-Unis.

Dans ce climat, la formation des chiens n’a pas fait consensus. C’est l’Etat-Major particulier, directement relié à l’Elysée, qui a donné le feu vert, nous a-t-on confié. Personne ne désirait endosser cette responsabilité au ministère de la défense. Un affront inhabituel d’une institution à la réputation moins rebelle, mais l’utilisation des chiens renifleurs inquiète. Il n’est pas impensable que les chiens renifleurs soient utilisés comme chiens mordants. Comprendre pour le contrôle des foules.

Un rapport d’information de la Commission des affaires étrangères de l’Assemblée, déposé le 5 octobre 2011, consacre un long développement à la « répression ferme, suivie d’une dégradation de la situation des droits de l’Homme » depuis 2008. Et de citer, rapports d’Amnesty International et Human Rights Watch à l’appui, « un système de répression massif dirigé contre tous les manifestants » que des chiens déjà dressés pourraient renforcer.

Plus inquiétant, les trafiquants de drogue arrêtés par le régime iranien sont promis à un funeste destin. Les députés de la Commission rapportent que l’ambassade de France en Iran comptait jusqu’à 360 exécutions entre le début de l’année et mi-juin 2011, dont 274 seraient confirmées, la différence étant liée aux « pendaisons de masse des trafiquants de drogue » partiellement confirmées.

En 2010, l’Iran arrivait juste derrière la Chine avec plus de 252 exécutions, contre plus d’un millier par Pékin. Un triste record ramené au nombre d’habitants. Le 13 mai dernier, le secrétaire général du Haut Commissariat pour les droits humains en Iran avait reconnu « le nombre élevé d’exécutions et les avait attribuées aux efforts pour combattre le trafic de drogue » précise un rapport du secrétariat général des Nations-Unies publié le 15 septembre 2011.

Coopérations culturelle et scientifique au point mort

La coopération a connu de meilleurs jours entre la France et l’Iran. Sur les plans culturel et scientifique, elle tourne au ralenti depuis la réélection jugée frauduleuse de Mahmoud Ahmadinejad en juin 2009. Côté iranien, un diplomate nous a assuré que la coopération s’était dégradée avec l’arrivée au pouvoir de Nicolas Sarkozy, unique responsable de l’actuel état des relations conformément à l’antienne diplomatique iranienne.

A propos de la coopération cynotechnique – les chiens, donc – le site de Civipol mentionne trois expériences passées : deux audits en janvier et septembre 2007, ainsi qu’une livraison de vingt chiens en septembre 2008. D’autres ont eu lieu, nous a assuré un responsable de la société, ajoutant que le site n’était plus à jour, sans préciser le détail des opérations antérieures. Les tensions apparues en juin 2009 avaient provoqué une interruption dans les livraisons de chiens. Une information dont le ministère des affaires étrangères assure aujourd’hui ne pas avoir connaissance : « Nous n’avons pas d’information sur l’interruption des livraisons ».


Photo via FlickR LeoAmadeus [by-nc-sa] Defence Images [by-nc]

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Amesys surveille aussi la France http://owni.fr/2011/10/18/amesys-surveille-france-takieddine-libye-eagle-dga-dgse-bull/ http://owni.fr/2011/10/18/amesys-surveille-france-takieddine-libye-eagle-dga-dgse-bull/#comments Tue, 18 Oct 2011 09:10:17 +0000 Jean Marc Manach http://owni.fr/?p=80092 Selon les registres des marchés publics consultés par OWNI, Amesys, la société française qui a fourni à la Libye de Kadhafi un système de surveillance globale de l’Internet, a également vendu ses matériels d’interception à la France de Sarkozy. Les comptes rendus de ces marchés montrent qu’Amesys a équipé les services français des ministères de la défense et de l’intérieur d’au moins sept systèmes d’interception et d’analyse des communications. Une réussite pour cette Pme très spéciale, qui a fait des systèmes de guerre électronique son cœur de métier.

Les grandes oreilles du renseignement français made in Amesys

En juillet 2007, Amesys décrochait en France un marché de 100 000 euros à la terminologie un peu technique. Il s’agissait de démodulateurs et logiciels de traitement de l’information dans le cadre de l’”acquisition d’une chaine d’interception DVB“, pour Digital Video Broadcasting, la norme de diffusion vidéo numérique, qui sert aussi à la transmission des données par satellite.

La Direction du renseignement militaire (DRM) était l’acquéreur. Avec la DGSE, la DRM opère le système Frenchelon d’interception massive des télécommunications. Le nom de ce service de renseignement n’apparaît pas en toutes lettres. Mais marc_badre@yahoo.fr, l’adresse e-mail générique utilisée pour l’appel d’offres remporté par Amesys, est bien celle de la DRM.

Plus tard, en novembre 2008, Elexo, l’une des filiales d’Amesys, emporte un marché de 897 000 euros au profit, là aussi, de la DRM, qui voulait se doter de “démodulateurs routeurs IP satellite et analyseurs” dans le cadre d’une “acquisition de matériels pour plate forme de réception satellite TV“. Dans ce même marché, la DRM a aussi investi 837 200 euros dans des “antennes de réception DVB et matériels connexes“.

D’aucuns objecteront que 837 200 d’euros, ça fait un peu cher l’antenne satellite pour recevoir la télévision. Le lieu de livraison, la base militaire de Creil, est cela dit connue pour accueillir le Centre de Formation et d’Emploi relatif aux Émissions Électromagnétiques (CFEEE) et le Centre de Formation et d’Interprétation Interarmées de l’Imagerie (CFIII), les “grandes oreilles” et les “gros yeux” de la DRM, dont le travail repose sur l’interception et l’analyse des télécommunications et images émanant des satellites.

Un hacker, fin connaisseur des satellites, a bien ri en découvrant ces appels d’offres, dans la mesure où ce sont typiquement des systèmes d’espionnage des flux de données (TV, téléphonie, Internet) transitant, en clair, par les satellites. Sans compter que d’autres hackers ont récemment démontré que pirater un satellite était simple comme bonjour. Mieux: on pourrait faire pareil, mais en beaucoup moins cher… à savoir “une cinquantaine d’euros, neuf, dans n’importe quelle grande surface de bricolage, au rayon antennes et TV satellite“.

Le ministère de l’Intérieur, aussi

Les services de renseignement militaire ne sont pas les seuls clients d’Amesys : en juin 2009, la société emportait un appel d’offres de 430 560 euros, initié par le ministère de l’Intérieur, qui cherchait des enregistreurs numériques large bande. Amesys en vend deux : l’ENRLB 48, qui permet “l’acquisition ou le rejeu en temps réel de plusieurs types de signaux” et qui est commercialisé en tant que système de SIGINT (pour Signal Intelligence, renseignement d’origine électromagnétique, ou ROEM, en français), et l’ELAN-500, qui permet de faire de l’”analyse tactique d’environnement ELINT” (Electronic Intelligence).

Tous deux, comme le précise Amesys dans sa fiche de présentation, sont soumis à une “autorisation R226“, doux euphémisme pour qualifier les systèmes d’écoute et d’interception : les articles R226 du Code pénal, intitulés “De l’atteinte à la vie privée“, portent en effet sur “la fabrication, l’importation, l’exposition, l’offre, la location ou la vente de tout appareil susceptible de porter atteinte à l’intimité de la vie privée et au secret des correspondances“.

La vente de ce système au ministère de l’Intérieur a donc été soumise à une autorisation délivrée par le Premier ministre, après avis d’une commission consultativerelative à la commercialisation et à l’acquisition ou détention des matériels permettant de porter atteinte à l’intimité de la vie privée ou au secret des correspondances“.

Aucune information ne permet de savoir à quoi ils servent ou ont servi. Contactée, l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (ANSSI), dont le directeur général préside la commission consultative chargée d’émettre des autorisations sur ce type de technologies, répond que la vente de ces systèmes a “forcément” été validée par la commission consultative, mais refuse d’en dire plus.

Contactés pour savoir à quoi pouvaient bien servir ces systèmes, et s’ils avaient bien été autorisés, les ministères de la Défense et de l’Intérieur n’ont pas souhaité répondre à nos questions. Les seules données publiquement accessibles sont ces appels d’offres, les technologies utilisées, et leurs donneurs d’ordre. Impossible de savoir s’ils permettent d’espionner des Français, si ces écoutes sont contrôlées, et si oui par qui…

Matignon, à qui nous avons demandé si le Premier ministre avait bien, comme le veut la loi, dûment autorisé ces contrats, n’a, lui aussi, pas daigné répondre à nos questions. Les termes employés dans les appels d’offres montrent bien, pourtant, qu’il s’agit de matériel de surveillance et d’interception massive des télécommunications.

Aintercom, Ramius, Proxima, Ecofer, Marko…

Amesys a vendu plusieurs autres systèmes à l’armée française. En décembre 2006, I2E, qui deviendra Amesys lors de sa fusion avec la société de conseil en haute technologies Artware, emporte ainsi, en tant que mandataire d’EADS Defence & Security et Bertin Technologies, un marché de 20 millions d’euros portant sur la démonstration d’architecture modulaire d’interception de communications (Aintercom).

Le client : le service des programmes navals de la Direction Générale de l’Armement (DGA), chargée, au sein de la Marine, de la “lutte au-dessus de la surface” et donc, en matière de guerre électronique, des “grandes oreilles” chargées des interceptions radio et radar.

Dans le cadre du contrat Aintercom, Amesys et la DGA ont financé plusieurs travaux de recherche universitaire, et organisé un séminaire, afin d’identifier des moyens d’être mieux à même de déchiffrer les communications interceptées.

Ce même mois de décembre 2006, I2E remporte un autre marché, portant sur un système d’écoute de signaux radar et télécommunication appelé “Ramius”, à destination du Centre d’électronique de l’armement (CELAR).

Renommé DGA Maîtrise de l’information fin 2009, le CELAR est le laboratoire de recherche et développement de la Direction Générale de l’Armement (DGA), spécialiste de la guerre électronique et des systèmes d’information chargé, notamment, de l’évaluation des systèmes de renseignement.

Un appel d’offres initial évoquait “un ensemble d’enregistrement de signaux de type impulsionnel et continu avec une bande de fréquence de 0,1 à 20 GHz“, et un autre appel d’offres, relativement similaire, portant sur un autre système (Proxima), précise que ce type de matériel “sera utilisé à des fins d’expérimentation de récepteur d’Elint (électronique intelligence) et de maquettes de récepteurs Elint“, du nom donné à ces renseignements que l’on obtient à partir des émissions électromagnétiques d’appareillages électroniques (voir la fiche sur le renseignement d’origine électromagnétique sur Wikipedia).

En décembre 2007, la société française emportait un marché de 471 750 euros, portant cette fois sur un “système d’interception de faisceaux hertziens numériques ECOFER“, et porté par la Direction interarmées des réseaux d’infrastructure et des systèmes d’information (DIRISI) au profit de l’état-major des armées.

En décembre 2009, Amesys emportait un autre marché pour le compte du CELAR, portant sur 620 482euros d’outils d’analyse et récepteurs, sous l’intitulé “Projet Marko : Enregistrement de signaux électromagnétiques” qui, d’après cette offre de stage, serait le nom de code donné à un système d’analyse de signaux radar.

Aintercom, Ramius, Proxima, Ecofer, Marko… cette liste n’est probablement pas exhaustive : il faudrait aussi y rajouter les appels d’offres classifiés, portant sur des systèmes probablement plus intrusifs. Pionnière de la guerre électronique, la France est aussi l’une des rares puissances à disposer d’un système global d’espionnage des télécommunications, surnommé Frenchelon en “hommage” à son modèle anglo-saxon Echelon, et dont les stations d’écoute profitent largement de ses anciennes colonies (voir la carte des stations Frenchelon et, plus bas, un diaporama Google Maps).

Bernard Barbier, le “directeur technique” de la Direction Générale de la Sécurité Extérieure (DGSE), expliquait ainsi en décembre 2010 que s’il avait fallu attendre l’arrivée d’un jeune ingénieur télécom, Henri Serres, en 1983, pour que la DGSE décide de se doter d’une “direction technique“, et que la France avait donc près de 40 ans de retard sur les anglo-saxons, “aujourd’hui, on est en première division“.


Retrouvez tous nos articles concernant le dossier Amesys.


Image de Une par Loguy /-) Illustrations et photos via FlickR Factoids [cc-by-nc]  ; Thomas Hawke pour les visuels d’Obey [cc-by-nc]
;  et captures extraites d’une présentation faite au séminaire aIntercom.

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http://owni.fr/2011/10/18/amesys-surveille-france-takieddine-libye-eagle-dga-dgse-bull/feed/ 48
La police du chiffre se calcule http://owni.fr/2011/09/22/la-police-du-chiffre-se-calcule/ http://owni.fr/2011/09/22/la-police-du-chiffre-se-calcule/#comments Thu, 22 Sep 2011 08:25:24 +0000 Pierre Alonso http://owni.fr/?p=80381

La politique du chiffre dans la police s’arrête à Coulommiers. Comme OWNI a pu le constater après avoir pris connaissance de plusieurs documents émanant du commissariat de cette ville de Seine-et-Marne, promise à avoir valeur d’exemple. À l’origine, la semaine dernière, le site Mediapart révélait des propos peu diplomatiques échangés à l’intérieur de ce commissariat, entre un commandant de police et un brigadier chef excédé. Lequel a enregistré la conversation. Tout en nuances, le brigadier affirme:

La politique du chiffre de merde, c’est de la merde.

Nous avons voulu en savoir plus. Ces derniers jours, nous avons obtenu, pour cette ville, les objectifs chiffrés de 2008 définis dans deux notes de service, l’une de la Direction Départementale de la Sécurité Publique (DDSP) de Seine-et-Marne, et l’autre du commissariat de Coulommiers lui-même. Les deux documents énumèrent chiffres, indices et objectifs que les policiers du secteur sont supposés devoir respecter.

Les taux d’élucidation, mesures de l’efficacité exigée des services de police, donnent le ton. Détaillés, catégorie par catégorie, ils forment une drôle de liste à la Prévert. 15,5% pour les vols et les recels, 41,2% pour les infractions économiques et financières, 58,5% pour les autres infractions dont les stupéfiants. Et pour atteindre un taux d’élucidation de 54,5% pour les atteintes volontaires à l’intégrité physique, les fonctionnaires concernés du commissariat de Coulommiers sont sommés d’y “apporter toute leur attention”.

Cibler les stupéfiants et les étrangers

A travers ces chiffres se dessine la politique sécuritaire du gouvernement. L’accent est mis sur les fameuses “infractions révélées par l’action des services” (IRAS) que le brigadier V. dénonçait avec véhémence dans l’entretien avec son commandant. Les trois objectifs particuliers assignés pour l’année concernent la lutte contre les violences faites aux personnes (1), contre l’immigration clandestine et le travail clandestin (2), contre les violences urbaines (3) et contre les trafics de stupéfiants et l’économie souterraine (4).

L’objectif des “mis en cause pour infractions aux conditions générales d’entrée et de séjour des étrangers” est revu à la hausse, on exige l’arrestation de 1698 personnes contre 1633 en 2007. Le document ajoute de menus détails : 24 mis en cause pour “aide au séjour irrégulier” soit une augmentation de 12,5% par rapport à l’année précédente, 99 mis en cause, dont un tiers d’étrangers, pour “travail clandestin et emploi d’étranger sans titre de travail”.

Sur les modes d’action, la DDSP révèle quelques surprises : le “taux de signalisation des gardes à vue” (sic) doit passer à 100% en 2008, alors qu’il est de 95,2% en 2007. Les déplacements sur les lieux de vols par effraction et véhicules volés découverts doivent être systématiques conformément aux objectifs fixés par la Direction Centrale de la Sécurité Publique – les policiers ne se déplaçaient pas une fois sur quatre en 2007. Les fonctionnaires de police sont invités à conserver un “taux d’activité hors des locaux de police” de 41% et un “taux d’occupation de la voie publique” de 6%.

A l’échelle de Coulommiers, le commandant de police égraine les résultats attendus. Entre 2006 et 2007 le nombre d’interpellations pour “infraction à la législation sur les étrangers” est multiplié par 2,3 passant de 29 à 67, un niveau “[qu’] il conviendra de maintenir” précise le document. Et de détailler les moyens pour y arriver : “au moins 6 opérations de contrôle aux de fins de rechercher des travailleurs clandestins et des étrangers sans titre de travail” sont imposées à la brigade de sécurité urbaine. Même précision chiffrée pour la lutte contre le trafic de stupéfiants. A la première personne du singulier, le commandant écrit :

Je fixe à la CSP [Circonscription de Sécurité Publique] de Coulommiers pour l’année 2008 l’objectif de constater au moins 2 faits de trafic, 8 faits d’usage-revente et 160 faits d’usage.


Enquête réalisée avec Jean-March Manach.
Crédits Photo FlickR CC by-nc-nd MatHelium / by Conner395

Illustration de Une Marion Boucharlat

Retrouvez le dossier complet :
La note à l’origine de la politique du chiffre
Plus la délinquance baisse, plus la violence augmente
Fillon a abrogé la culture du chiffre de Sarkozy #oupas

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Boulin appelle Guéant http://owni.fr/2011/09/21/claude-gueant-boulin/ http://owni.fr/2011/09/21/claude-gueant-boulin/#comments Wed, 21 Sep 2011 11:23:53 +0000 Francis Christophe http://owni.fr/?p=80177 L’épisode est connu depuis quelques années, mais jamais le témoignage sonore d’un ministre de l’époque n’était venu préciser les fonctions de Claude Guéant au moment de la mort de Robert Boulin, en octobre 1979.

Plusieurs contre-enquêtes sur l’affaire ont montré que c’est durant la nuit du 29 au 30 octobre 1979 que l’assassinat du ministre du travail Robert Boulin a été maquillé en suicide. Et que des membres de l’appareil d’État pourraient être impliqués dans les événements de cette nuit-là. La version officielle a, elle, retenu que le gouvernement a été informé dans la matinée du 30 octobre, vers 8h40 seulement, de ce suicide.

Mais la thèse contradictoire, argumentée, met en évidence des menaces de mort adressées à Robert Boulin par des membres du SAC – un mouvement paramilitaire présidé par Charles Pasqua et soupçonné d’avoir accompli les basses œuvres du RPR. Alors même que Robert Boulin avait rassemblé des éléments de preuve sur le financement illicite des partis politiques.

Guéant témoin pertinent

Le témoignage sonore que nous mettons en ligne est celui de Christian Bonnet, ministre de l’intérieur de mars 1977 à mai 1981. Donc responsable des services susceptibles de connaître le mieux la réalité des faits survenus pendant la nuit du 29 au 30.

Dans cette conversation, enregistrée en janvier 2011 par notre consœur Sylvie Matton, l’ex-ministre giscardien explique le fonctionnement de son cabinet ministériel, sa hiérarchisation et définit la position qu’y occupait Claude Guéant, alors âgé de 34 ans. Il le présente comme son bras droit, en charge des questions de sécurité, et placé sous l’autorité de son directeur de cabinet, l’ancien préfet de police Jean Paolini.

Christian Bonnet, jamais entendu par un magistrat, confirme également en 2011 avoir été réveillé par son directeur de cabinet aux environs de 3h du matin pour l’informer de la découverte du cadavre de Boulin. Vous pouvez écouter ci-dessous ses confidences.

Extraits :

Christian Bonnet : “J’ai appris la mort de Robert Boulin, alors que j’étais dans mon lit, dans mon sommeil, la nuit du drame. On m’a appelé, mais on avait pas beaucoup de mal, puisque j’étais au ministère de l’Intérieur”.

-Vous souvenez-vous de l’heure exacte ?

CB : “Au petit matin, (…) vers 3 h“.

-Pouvez-vous préciser qui vous annonce ça ?

CB : “le directeur de cabinet

- Pas le permanencier ?

CB : “Vous savez, c’est une chaine, on ne réveille pas le ministre comme ça, on passe par son collaborateur le plus immédiat, qui habitait également le ministère“.

- Est-ce que vous vous souvenez du nom du permanencier ?

CB : “Pas du tout

-On a entendu le nom de Claude Guéant comme permanencier ce soir-là ?

CB : “C’est possible…

-Claude Guéant était membre de votre cabinet ?

CBAh oui, tout à fait, c’est lui qui, à mon cabinet était chargé des problèmes de sécurité, aux côtés de M. Paolini, le directeur de cabinet, ancien préfet de police (…)

Le procureur général ne connaît pas Bonnet

Lorsque le 16 octobre 2007 le procureur général Laurent Le Mesle décide de rejeter la demande de réouverture de l’instruction judiciaire sur la mort de Boulin, Claude Guéant est depuis cinq mois secrétaire général de l’Élysée.

Dans ses conclusions, Le Mesle ne tient aucun compte des faits mentionnés dans les mémoires de l’ancien Premier Ministre de l’époque, Raymond Barre, établissant formellement la découverte du cadavre de Boulin à environ 7 heures d’intervalle.

Dans sa décision, le procureur général de Paris n’hésite pas à mettre en doute la parole et les écrits de l’ancien Premier Ministre, décédé le 25 août précédent. Pour cause de grande vieillesse. Et le procureur général s’est abstenu d’entendre Christian Bonnet.

Claude Guéant, lui, dans les années 80, s’est rapproché de Charles Pasqua, qui en fit son directeur adjoint de cabinet, puis le plus jeune Directeur Général de la Police Nationale.


Retrouvez l’ebook de Francis Christophe sur l’affaire Boulin, disponible sur le shop d’OWNI.

Crédits Photo FlickR CC by-nc-nd Tomé Jorge / Wikimedia Commons CC by-sa Citron.

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NOISE : un Teknival légal mais surveillé http://owni.fr/2011/05/04/un-teknival-legal-mais-surveille/ http://owni.fr/2011/05/04/un-teknival-legal-mais-surveille/#comments Wed, 04 May 2011 15:09:15 +0000 Charly Andral http://owni.fr/?p=31714 L’année dernière le grand rassemblement Techno du premier mai vivait un exil forcé aux confins de l’Ariège. En 2009, le Teknival était interdit et certains véhicules transportant les sound systems saisis selon le Procureur de la République « afin notamment de rechercher les auteurs d’infractions d’actes de terrorisme […]». Cette année, stupeur : l’évènement réputé « à haut risque » se déroulera à moins de deux heures de Paris. Il sera massif. Les camions convergent depuis la Bretagne, l’Est, la Belgique. Certains ont fait la route depuis la République Tchèque, d’autres sont partis d’Italie. Les Anglais, nombreux et organisés, se sont regroupés en convois et ont loué un bateau pour arriver avec tout leur matériel.

Ce week-end, ce sont près de 170 sound systems qui s’installeront sur la base aérienne de Laon Couvron. Un pareil rassemblement, la planète Techno n’en avait pas vécu depuis des années. Face aux murs d’enceintes bricolés, des dizaines de milliers de teuffeurs vont danser sous les étoiles, deux jours durant… avec la bénédiction du Ministère de l’Intérieur. 2011 fera date. Pour la première fois autorités et collectifs de sound systems se dirigent vers une co-organisation, une révolution lorsque l’on connait le fossé culturel qui les sépare. On respire, un peu perplexe : les rassemblements Techno ne seraient plus, soudain, synonymes d’excès et de drogues ? Quelle mouche a donc piqué le nouveau locataire de la place Beauvau pour qu’il renonce ainsi à la matraque ?

Sortir de l’impasse

Chaque année, légalement ou non, le Teknival du premier mai rassemble des milliers de participants. Coup d’envoi de la saison des fêtes en plein air, il a toujours constitué un point de repère quasi sacré pour la frange la plus revendicative des cultures électroniques, une forteresse imprenable pour les pouvoirs publics. Au-delà des reportages à sensations et des faits divers sordides, le Teknival fait peur. Spectacle de la catharsis, de la transe, musique répétitive, l’évènement suscite l’inquiétude de l’opinion.

En 2007 le rapport du député Jean-Louis Dumont, bat pourtant en brèche nombre d’idées reçues et invite à la dédramatisation, statistique à l’appui. Seulement, expliquer « qu’on se bat infiniment moins dans une fête techno que dans une fête de village » est peu télégénique. Ni média ni gouvernement n’infléchissent leurs discours. Les uns insistent sur les drogues , les autres invoquent impréparation et risques d’accident. Entre interdictions et coups tordus, les dernières éditions avaient mis les sound systems dos au mur.

« Il fallait que les choses bougent » explique Mickaelle Thibault, porte voix du mouvement. Quarante-sept ans et toujours passionnée, la teuffeuse exhorte l’ensemble des collectifs de musiciens amateurs à monter une organisation irréprochable. Le projet doit permettre d’éviter le pire, la saisie du matériel des artistes. Elle résume : « Notre boulot c’était que les sound systems puissent venir sans avoir la boule au ventre ». Peu à peu les collectifs se fédèrent et montent un dossier exemplaire : accueil, prévention, gestion des déchets et des risques, le tout adossé à une structure associative qui prendra en charge une partie des coûts liés à l’évènement.

Alors que depuis des années les politiques déploraient le caractère incontrôlable du mouvement, une telle initiative force cette fois le Ministère de l’Intérieur à jouer le jeu. Après d’âpres négociations il se résout à réquisitionner un terrain et invite les pouvoirs locaux à coopérer. Demeure néanmoins une équation politique difficile à résoudre : comment donner des gages à la scène Techno sans se départir du traditionnel discours de la fermeté ?

Le NOISE, la chèvre et le chou

En proposant de rebaptiser l’évènement, les médiateurs offrent aux pouvoirs publics la possibilité de ménager la chèvre et le chou. « Ça fait longtemps qu’ils nous reprochaient d’appeler ça Teknival » explique Ivan Boureau, impliqué dans l’organisation depuis plusieurs années. Aux yeux du grand public le terme est trop connoté. Son abandon permet aux responsables politiques de coopérer avec les organisateurs sans perdre la face, rendant le projet possible. Cette année le Teknival est donc rebaptisé le « NOISE ». Un nom-symbole est perdu mais la fête, elle, peut vivre. « Et quelle fête ! » Devant le nombre de sound systems ayant répondu à leur appel les portes paroles du mouvement sont enthousiastes. L’esprit de l’évènement semble bel et bien intact : gratuité et droit d’accès à n’importe quel collectif musical souhaitant participer. Ivan Bourreau insiste : « C’est le festival de la culture libre ! C’est libre ! ».

Quel impact sur le mouvement Free ?

Une fois passé le NOISE, les organisateurs espèrent un « effet boule de neige » sur une myriade de rassemblements de petite ampleur. Difficile cependant de partager leur optimisme alors que s’annoncent d’importantes échéances électorales, avec leurs cortèges de postures sécuritaires. Si par un tour de passe-passe l’État est parvenu à lâcher du lest sur un évènement phare, le parti majoritaire se refuse à repenser en profondeur son approche des scènes alternatives. Le cadre juridique dans lequel s’inscrit le mouvement Techno n’est d’ailleurs pas appelé à changer. Depuis 2001, la loi de Sécurité Quotidienne donne aux préfets le pouvoir d’interdire les « rassemblements exclusivement festifs à caractère musical ». Un pouvoir dont les représentants de l’État usent et abusent, maintenant en marge de la légalité une composante importante des cultures jeunes.

Au fil de son rapport Jean-Louis Dumont questionne :

« Comment pouvons-nous demander à ces jeunes gens de prendre leurs responsabilités si notre seule réponse à leur aspiration est ‘’Non’’. Les législations, les réglementations doivent être pensées pour que globalement les événements puissent avoir lieu, le possible devant être le cas majoritaire, l’impossible le minoritaire. Encadrer, ce n’est pas interdire. »

C’était il y à trois ans. Depuis, aucune des propositions de l’élu n’a été adoptée. Le Teknival, lui, change de nom mais pas d’autorité de tutelle : les rassemblements technos sont toujours les seuls évènements musicaux qui ne dépendent pas du Ministère de la Culture, mais de l’Intérieur.

Article initialement publié sur OWNI

> Illustrations CC Flickr par keyveeinc et Xavier Spertini

Vous pouvez retrouver nos articles sur le dossier festivals : Jeunes artistes : laissez-les chanter et De Woodstock au Printemps de Bourges Crédit Mutuel

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