OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 En défense du porno http://owni.fr/2011/06/19/en-defense-du-porno/ http://owni.fr/2011/06/19/en-defense-du-porno/#comments Sun, 19 Jun 2011 13:58:40 +0000 Didier Lestrade http://owni.fr/?p=70486

Note: certains liens de cet article sont NSFW

Le porno est partout. Ça effraye beaucoup de monde parce que les gens n‘ont toujours pas compris à quoi ça sert. Et cela fait des années que j’écris sur ça, que d’autres le font aussi, et les préjugés sont toujours les mêmes. Et même si certains de ces préjugés sont absolument recevables, il y a certaines choses qu’il faudrait mettre au clair, parce que l’époque a changé, parce que le porno a changé, et que tout ça va devenir de plus en plus important.

Pour commencer, quand j’écris sur le porno dans mon site perso, les pics de visites sont énormes. Ça monte tout de suite, dans l’heure. Cela finit même par m’amuser. Je passe quelque temps sans rien écrire sur ce site, ou alors je publie des textes qui ont un rapport avec des archives, la musique ou le sida, mais rien n’attire les internautes autant que le porno. Cela ne veut pas dire que ce que j’écris est intéressant en soi, cela veut dire que la curiosité est intense et que beaucoup de personnes ont envie de lire un point de vue différent sur le porno, parce que ça les excite, ou qu’ils veulent apprendre. Car malgré le nombre important de blogs qui traitent de ce sujet, il y a relativement peu d’analyse sur l’actualité, ou sur ce que ça veut dire.

Récemment, il y a eu un échange assez vif sur Facebook avec des amis que j’aime beaucoup qui me mettaient en face de mes contradictions. Comment moi, quelqu’un très engagé sur la prévention, le consumérisme gay, la compulsion, la morale, la vie intime, pouvait encourager et légitimer une telle industrie basée sur la prostitution, parfois la drogue et le sida ? Comment pouvais-je trouver ça excitant tout en connaissant le background et le symbole culturel que cela représente ? Et surtout, est-ce que ça n’allait pas me retourner dans la figure ?

Je suis absolument conscient de toutes ces questions. Elles sont dans tout ce que j’écris, depuis plus de 15 ans sur le porno car mes considérations positives sont toujours équilibrées avec la description du côté sombre de cette production. Alors je vais essayer d’être clair et même si je me doute que cela ne fera pas changer d’avis les copains qui sont contre le porno, au moins cela mettra les choses en perspective.

D’abord, j’ai absolument pas peur d’un quelconque backlash. Allez-y, je vous attends. Dès la création de Têtu, en 1995, nous avons parlé du porno parce que nous avions décrété que c’était un sujet important, non seulement au niveau de l’actualité de la production (chroniquer les films qui sortent), du fonctionnement des réalisateurs en les interviewant au même niveau que des stars de la chanson ou du cinéma normal, et en consacrant des dossiers à l’histoire de ce mouvement chez les gays. Il y avait une idée politique dans le fait d’analyser la sexualité dans les films en revendiquant que c’est un aspect fondamental de la culture gay, qui a eu l’impact que l’on sait sur tout le reste. La mode de Jean-Paul Gaultier, les shows de Madonna, les dessins de Tom of Finland, la littérature, la photographie de mode, l’art contemporain, le design, la drague sur Internet, tout est influencé par le porno. Il n’y aurait jamais des phénomènes culturels gays comme le cuir, les clones, les bears, les hipsters aujourd’hui sans le porno. Regardez la première vidéo de Frankie Goes To Hollywood, Relax, et dites-moi que le porno n’est pas la source principale d’influence. C’est quand même effarant d’avoir à rappeler ça dans une culture homosexuelle où le sexe est absolument central, et pas dans sa version douce de l’érotisme. Non, c’est de la pornographie.

Les secrets de l’homosexualité

Tout ce qui était underground chez les gays est devenu majeur culturellement grâce à l’influence du porno. Maintenant que Taschen a vulgarisé les plus grands secrets de l’homosexualité, et on ne cessera de les remercier pour ça, la sexualité gay est devenu un sujet d’art et de consommation quotidienne. Et pourquoi ? Parce que le porno est un des domaines où les gays ont été les plus innovants et, dans ce domaine, ils sont toujours à la pointe de la création. Cela ne se voit pas seulement à l’activité sexuelle qui est montrée dans les films, c’est tout ce qui l’entoure : les génériques, la musique (parfois), la qualité de l’image, le design, le contenu des bonus, le développement marketing des marques des studios, leurs logos, le look des acteurs, leurs personnalités, etc.

Bien sûr, pour un bon porno il y en a dix qui sont mauvais et parfois très mauvais, mais c’est pareil dans toute forme de création et surtout, surtout : c’est toujours intéressant de décrire un porno nul, car il y a aussi beaucoup de choses à exprimer et à décrire – et parfois très drôles.

Donc si le porno est capable de créer un fusion entre le sexe et l’art (ce qu’on voit très bien à travers l’essor de Tumblr, qui va prendre de plus en plus la place de Facebook pour certains d’entre nous, parce qu’on y découvre plus de choses), il faut se poser des questions sur cette capacité qu’a le porno gay de sortir de sa mauvaise réputation – et je trouve que sur ce point, le porno hétéro a encore beaucoup de travail à faire.

Car mon point de vue est très différent de ce qui se passe dans le porno hétéro. Je parle ici d’une sexualité entre hommes. Et nous sommes des hommes, bordel. On ne va pas commencer à avoir des jugements à chaque fois qu’on voit un mec en train de sucer une bite ou un anus avec une bite dedans. On n’en a rien à foutre des considérations féministes dans le porno gay, OK ? On ne va pas s’excuser pour quelque chose que des femmes pourraient nous reprocher dans la sexualité entre hommes, OK ? Si elles ne comprennent pas, on s’en branle. Et si certains gays pensent comme des féministes, très bien, mais à mon avis il y a d’autres domaines dans lesquels ils feraient mieux d’intervenir avant de cracher sur le porno. Commencez par DSK.

D’une manière générale, le porno est un moyen évident pour comprendre l’évolution des pratiques sexuelles. On peut être d’accord ou pas avec certaines attitudes et il y a beaucoup de choses qui me gênent énormément dans les pratiques, comme le fait de se cracher dessus et la prévention que j’aborderai plus loin dans ce texte, mais je pense sincèrement que c’est une chose de critiquer ces pratiques et de refuser de les regarder quand si peu d’études comportementales abordent le sexe gay tel qu’il se pratique.

Oui, le porno influence notre manière d’aborder le sexe, mais le porno est aussi influencé par ce que font déjà les gays. C’est un miroir déformant, mais cela reste un miroir pour beaucoup d’entre nous qui n’allons pas sur les sites de rencontre, qui n’ont pas une sexualité débordante et qui se contentent très bien de ce qu’on appelle le vanilla sex (le sexe basique). Il ne faudrait pas oublier que le porno est à la base du sexe par procuration. On regarde souvent ce que l’on ne fait pas soi-même, soit parce que la vie est comme ça, ou parce que d’autres (les acteurs porno en l’occurrence) sont meilleurs que nous et sont capables de performer d’une manière qui les met vraiment à part.  Et même si tout le monde, en particulier les jeunes, s’avère très technique aujourd’hui, c’est parce que la pratique de la sexualité s’est effectivement libérée, même si tout le monde est loin d’être aussi performant que dans le porno.

Donc on pourrait presque dire que les acteurs sont des virtuoses de la sexualité, ils sont des artistes de leur genre, ils ne deviennent pas célèbres uniquement parce qu’ils sont jolis ou parce qu’ils ont une grosse bite. Et je crois que c’est une des raisons principales de la gêne que procure le porno à certains, et même chez les fans, c’est que cela nous met dans une position d’infériorité, forcément, parce qu’on a beau être bon dans le sexe, le porno présente toujours une version améliorée, comme un Best Of, puisqu’on ne garde que le meilleur (enfin, pas toujours). C’est un peu comme quand vous allez voir un concert : vous êtes émerveillé par le talent de l’artiste, mais cette supériorité vous rappelle forcément que vous ne seriez pas capable d’atteindre un tel niveau d’excellence.

Le bus et le taxi

Il y a une chose qui m’a toujours fascinée. Il y a beaucoup de gays qui n’aiment pas le porno parce qu’ils n’en ont pas besoin. Ils peuvent se branler mentalement, sans avoir à recourir à des images ou à des films. Je trouve ça normal mais, d’un autre côté, j’ai toujours vu ça comme une limite. C’est comme ce que me dit toujours un de mes amis: « À quoi bon attendre le bus quand on peut appeler un taxi ? » Bien sûr, tout le monde n’a pas l’argent du taxi, et je prends toujours le bus et le métro, mais vous comprenez l’idée. Pourquoi refuser quelque chose qui est conçu pour apporter du plaisir ? Il y a assez de catégories différentes de porno pour trouver un réalisateur qui produit exactement le sexe que vous aimez.

Il y a aussi ceux qui disent qu’ils ne comprennent pas cette obligation gay à encourager une uniformité physique, un idéal de la beauté et de la musculature. Il y a 30 ans, quand j’ai commencé Magazine, j’étais tout le temps effaré quand quelqu’un me disait: « Mais quel est l’intérêt de montrer des hommes toujours musclés, avec la peau huilée pour mettre le corps en valeur ? »

Hello ? Oui, c’est un idéal, et alors, il faudrait s’empêcher de le voir ? On a beau être des crevettes, si on avait le choix, je suis persuadé que tout le monde serait content de vivre avec des abdos et des biceps qui ressemblent à quelque chose. Et le sport, on ne va pas commencer à dire que c’est mal de faire du sport, OK ? Et oui, il y en a pour qui ça devient une obsession, qui se rasent tous les poils et qui veulent se conformer à ce que les médias gays nous présentent, mais on est sorti de ça depuis pas mal de temps et aujourd’hui, les gays ne se sont jamais autant montrés tels qu’ils sont, pas rasés, pas musclés, et les bears, c’est surtout un phénomène culturel et esthétique qui valorise l’embonpoint, donc même la culture gay a évolué, et le porno a contribué à ce besoin de voir des hommes différents.

La photographie masculine a toujours été une recherche de l’extraordinaire. Que serait le travail de Bob Mizer, de Robert Mapplethorpe, de Pierre & Gilles et de Wolfgang Tillmans sans cette recherche de la beauté ? Tout ça est de l’Art avec un grand A désormais. Je refuse catégoriquement de m’excuser pour cette recherche de la beauté, elle est à la base de toute ma passion de vie, et je ne suis pas un pervers qui fait des choses condamnables dans ma vie privée. Le porno est une chance unique de voir ces hommes, célèbres ou pas, nous inviter dans l’intimité de ce qui est le plus profond chez eux, le sexe, le plaisir, l’orgasme.

Et ce n‘est même pas du voyeurisme, bien que je n’ai aucun problème avec ça non plus, c’est la modernité de notre époque qui fait que les hommes se livrent au regard extérieur et c’est aussi toute la base des sites de drague, de Tumblr, de Facebook et du porno. C’est la société qui nous empêchait, avant, de communiquer cette nudité et ce sont toujours les forces réactionnaires qui veulent nous empêcher de partager quelque chose que l’on n’avait pas le droit de montrer avant. C’est pourquoi Porno Is The New Black, c’est le phénomène culturel le plus important de notre époque car Internet est derrière. Et c’est juste le début.

Alors, bien sûr, quand on en arrive à ce niveau de pudeur perdue, on arrive évidemment à des excès et j’en ai assez parlé dans mon livre The End, sur l’influence que cette valeur marchande peut avoir sur la prévention du sida. Quand j’ai chroniqué les premiers films de Treasure Island Media sur mon site, même mes amis m’ont dit que c’était dangereux, que c’était contraire à mes convictions.

Il se trouve que TIM m’a envoyé depuis des années presque tous leurs DVDs donc je commence à avoir une idée complète de ce qu’ils font. C’est un studio leader qui montre des trucs qui me donnent la gerbe et vraiment, qui ne m’excitent pas. Pour rester pudique, je me contenterai de dire que j’y arrive pas. Et je suis totalement conscient de tout ce qu’écrit Madjd Ben Chickh dans cette Revue 86 de Minorités, je le sais, je le pense. Ce délire sur le fait de contaminer les autres, le sperme qu’on congèle pour l’inoculer avec des grosses éprouvettes, c’est un cauchemar. Mais TIM sait sortir aussi des films qui sont filmés différemment, avec des plans plus larges, et alors là, c’est objectivement la bombe.

Treasure Island et la vanille

Mais c’est ce que beaucoup de gays font aujourd’hui, même à moindre dose. Je ne sais pas si Paul Morris [en], le patron de TIM, a convaincu les gays de le faire ou si ce sont les gays qui ont demandé à Treasure Island de faire ça, la poule et l’œuf, le fait est, la fascination pour le sperme existe aujourd’hui comme elle n’a pas existé depuis les années 70.

Et si cela était réservé aux méchants barebackers lipodystrophiés de Treasure Island, ça serait facile à mettre de côté, dans une case. Mais les jeunes d’aujourd’hui sont les leaders de cette obsession du sperme. Elle est réelle. Elle ne va pas partir. Les traitements contre le sida ont à nouveau changé notre vision du sperme. Et même si moi je ne touche pas le sperme des autres à moins d’avoir une perche de 5 mètres (j’exagère), je sais que le sperme est redevenu central pour une majorité de gays, même ceux qui sont dans le sexe vanille.

Donc, encore une fois, il est intéressant de se demander quelle est la vocation du porno et dans quelle mesure ce qui est dangereux n’est pas fait par procuration, comme tout le reste du porno est fait par procuration. Sans mentionner que notre regard sur ces films bareback n’est même plus celui que l’on avait au début des années 2000, quand Dustan a défendu l’abandon de la capote pour admettre, avant de mourir, que « ça allait trop loin ». Dix ans ont passé et on ne s’est pas « habitué » au bareback, mais il est tout autour de nous, exactement comme le cinéma a poussé de plus en plus loin l’illustration de l’horreur avec des films vraiment effrayants comme  Saw et The Human Centipede. Car à côté de ça, TIM c’est presque de la rigolade.

Je voudrais vraiment insister sur un point. Depuis 1987, les films pornos américains, et les autres qui ont suivi, ont été safe. Cela fait donc 25 ans qu’une grande majorité du porno officiel, celui des grands et petits studios, est safe. Bien sûr, il y a toujours un ou deux films chez Raging Stallion ou ailleurs qui débordent, où les mecs sucent la bite après avoir joui, ou jouissent sur des muqueuses à éviter. Mais quand ça arrive, on le note toujours.

Il y a réellement un glissement qui s’opère, on ne sait pas si les grands studios vont persister à rester safe quand les grands profits se font avec les films non-safe des petits studios, mais pour l’instant, ça tient toujours. Et cela ne veut pas dire que les acteurs sont safe dans d’autres films ou qu’ils le sont dans la vraie vie. Moi je pars toujours du principe qu’ils ne le sont pas. Mais je reste fasciné, et émerveillé, et reconnaissant de voir qu’une partie énorme de la production porno, et la plus prestigieuse, parvient à produire encore et encore des films excitants qui sont safe.

Donc les gens qui disent le contraire ne connaissent pas le porno comme je le connais. Je reçois ces films depuis trop longtemps pour voir la constance du safe sex, malgré des pratiques qui évoluent, dans un marché énormément mouvant, avec des studios majeurs qui sont rachetés par d’autres et une influence du téléchargement toujours plus rapide, instoppable. Et ce n’est pas uniquement une vitrine. Ces grands studios, ces grands acteurs, performent toujours du safe sex. Une scène de pipe, maintenant, c’est 20 solides minutes. Une pénétration, ça dure des heures. Les occasions de ne pas être safe se présentent à chaque seconde. Et le minuteur s’allonge, et le film se termine, tout a été safe ET excitant, la preuve, vous avez joui, et avec le sourire s’il vous plait. Donc il faudrait quand même reconnaître cette constance d’esprit et quand on me reproche de « cautionner cette industrie », je la cautionne aussi pour ce maintien de l’effort de la prévention.

Sur FB, mes amis Anglais ont été les plus catastrophistes sur les liens entre le porno et la prostitution. Moi je trouve ça étrange car c’est à Londres qu’on a vu en premier, en Europe, des cabines de téléphone remplies d’annonces de nanas à poil, alors qu’on France, la prostitution chez les gays est un phénomène assez récent. D’ailleurs, il serait intéressant de voir s’il y a un lien de causalité entre cette émergence de la prostitution de masse à Londres à une époque où les vidéos et les revues pornos étaient toujours interdites mais bon. Dans tous les gratuits gays de New York ou de Londres, il y avait alors des pages et des pages et des pages d’escorts dès les années 90. En France, vous pouvez toujours chercher, mais il n’y en a toujours pas dans les canards gays. C’est passé directement sur Internet.

Et là aussi, je pense que la prostitution pour les hommes, c’est pas pareil que pour les femmes. Je me suis payé un mec que deux fois dans ma vie, une fois à New York et une fois à Marrakech, avec des hommes adultes à chaque fois. Et ça n’a pas été renversant, mais je n’ai pas de blocage là-dessus. J’ai même une idée sur ça : pour moi, le porno gay est beaucoup moins associé à la prostitution que le porno hétéro. On voit certains acteurs porno disparaître d’une manière violente, mais j’en vois aussi beaucoup qui sont capables de sortir de cette époque de leur vie sans qu’ils se fassent hara-kiri. C’est parce qu’ils ont intégré, eux aussi, la banalité de la pornographie et de la prostitution et qu’ils ont été capables de dépasser toutes les cochonneries éthiques que l’on ne voit pas dans le porno, qui sont off caméra, même si les bonus de making-of dans les DVDs nous ont montré aussi que vraiment, c’est pratiquement plus cool que beaucoup de choses qui se passent dans les backrooms. C’est plus propre d’abord, plus boring, et plus professionnel.

Le bio et McDo

Enfin, pour finir, parce que je pourrais parler de ça pendant des heures et ce texte est déjà trop long. Si vous voulez dire que lorsqu’on est un vrai écolo, on ne va pas chez McDo pour manger un burger, je suis d’accord. Mais je vais au McDo une ou deux fois par mois parce que j’aime vraiment trop ça et pourtant je recycle tout, j’ai mon compost, j’économise l’électricité, je débranche mes appareils domestiques, je ne chauffe pas ma maison comme un branque et je ne roule pas beaucoup, par choix.

Donc si on défend la prévention du sida, on n’encourage pas l’industrie porno, on retourne aux vieux Honcho des années 90 ou, mieux, on passe sa vie dans les bars et les lieux de drague  à attendre Mr Right. Bullshit to that. On verra comment vous serez à 53 ans avec 25 ans de vie séropositive derrière vous. Les filles, dans ce cas, je vous propose de faire un petit tour des autres industries et vous conviendrez, comme moi, qu’elles sont toutes aussi pourries que l’industrie porno.

La musique ? Pfff, regardez Universal et le mal que ça a fait à la musique. Le cinéma ? C’est aussi un outil de propagande. L’édition ? Je ne sais même pas comment j’arrive à publier des livres avec toutes les choses affreuses que j’ai pu écrire sur le monde de l’édition. Les médias ? C’est devenu une profession détestée, à juste titre. L’agriculture ? Ce sont les agriculteurs qui ont créé la malbouffe, pas les industriels. Le sport ? C’est la FIFA. L’art ? Give me a break, ce sont les pires. La politique ? Vous rigolez j’espère. Toutes ces industries, car ce sont des industries, ont perdu toute valeur morale en l’espace de 15 ans seulement.

Et franchement, je ne suis pas obsédé ou quoi, mais un DVD porno me donne plus de satisfaction qu’un CD, qu’un film, qu’un livre, qu’une revue, qu’un repas, parce que le caca qui est derrière est finalement tellement moindre que le caca énorme qui existe derrière toutes les autres industries. Au moins, c’est un caca toujours minoritaire, gay, et qui me ramène toujours, inconsciemment ou pas, à mes origines. Rick Wolfmier, Mike Betts. Maintenant, essayez de faire mieux que ces deux hommes.

Billet initialement publié sur Minorités

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Coming out by Google http://owni.fr/2011/06/10/coming-out-by-google-gay/ http://owni.fr/2011/06/10/coming-out-by-google-gay/#comments Fri, 10 Jun 2011 09:02:39 +0000 Didier Lestrade http://owni.fr/?p=67257 Donc Le Monde a publié le 15 février dernier un article sur les Français qui semblent être obsédés à l’idée de savoir quelles sont les personnalités juives du pays. Il suffit d’aller sur Google et de taper le nom de telle ou telle personnalité, politique ou pas, et de voir quel est le premier référencement qui apparaît à côté de ce nom. Un autre article du Nouvel Obs signalait que les Français ont l’air de s’intéresser à d’autres questions curieuses assez proches.

Et maintenant, un autre scandale éclate en France sur un ancien ministre qui aurait participé à des sauteries avec de jeunes garçons au Maroc. Comme la vie privée est particulièrement bien gardée dans ce pays, que les médias ne sont pas vraiment connus pour leur curiosité, et que le Off the record est comme une double personnalité, on dirait que la soif de curiosité commune à tous, c’est l’homosexualité. Vous voyez quelqu’un qui vous intrigue à la télé ou dans la presse, c’est parfois une grosse folle qui n’a pas fait son coming-out et vous réalisez que pas un journaliste n’a eu le courage de lui demander quoi que ce soit. Moi homosexuel ? Mais enfin, cela ne vous regarde pas!

Mais Google est là et merci quoi. Google révèle ce que vous voulez savoir. Pour chaque personne qui demande au devin Google de lui dire si Lambert Wilson est gay ou pas, le moteur de recherche comptabilise la demande. Et plus les demandes sont nombreuses et plus les réponses montent en première page. Cela ne veut pas dire qu’on a la réponse à la question. Cela veut dire que vous n’êtes pas le seul à vous la poser, loin de là. On arrive au stade évident où Google est l’agrégateur favori du coming-out. Il suffit de taper le nom de quelqu’un pour vérifier la puissance statistique de la « rumeur » et si on peut se faire une idée.

Ce qui est fascinant, c’est que pas un seul groupe gay n’a vraiment utilisé cet outil. Il y a des dizaines et des dizaines de gays et de lesbiennes qui ne font pas leur coming-out et qui, pire encore, remplissent des fonctions où leur inaction en faveur des gays et des lesbiennes les met dans une position de lâcheté politique. Pire encore, certains utilisent le secret qui entoure leur identité pour imposer encore plus le tabou autour d’eux, dans leur entreprise, dans leur parti politique. Ils travaillent dans l’éducation, mais se désintéressent de l’homophobie à l’école, au lycée, à la fac. Ils sont chefs d’entreprise, mais cautionnent le bullying et la discrimination. Ils sont journalistes, mais évitent soigneusement toutes les news liées à l’actualité LGBT. Ils font partie de l’élite, mais menacent d’action juridique quand on leur dit qu’on est au courant de toutes leurs pratiques sexuelles – dont certaines ne sont pas safe.

Folles ≠ Geeks ?

Ces associations LGBT soit-disant « radicales » n’ont jamais pensé à utiliser Google comme base d’un argument politique. OK les Panthères Roses ont peut-être du mal avec Safari ou Firefox. OK, Act Up, ou ce qu’il en reste, doit avoir tous ses ordis en panne. Et les célébrités en question n’ont toujours pas compris comment on fait, techniquement, pour disparaître de certaines questions posées par les moteurs de recherche. Ou alors, pensent-ils, c’est une manière de faire leur coming-out sans le faire. Imaginons qu’ils se disent “Bah, je ne l’ai jamais caché, il suffit de taper mon nom sur Google et vous avez la réponse !”. Cela devient le coming-out non officiel, l’affirmation en demi-teinte, le Who’s Who underground, l’identité gay du pauvre, le Facebook des non-amis, l’antichambre de la vérité. Le problème, c’est que nous, les gays, on a développé le gaydar, cette intuition qui nous permet de reconnaître (presque à 90%) qui est gay ou pas. Le reste des mortels a besoin de Google. Parfois, c’est le gaydar des hétéros.

Arrêtez de pleurer. C’est ce qui se passe quand on devient une personnalité publique. Les gens disent n’importe quoi sur vous. Ils croient que vous leur appartenez. Et ça ne part pas d’un mauvais sentiment, ils sont souvent fans vous savez. Bien que je me sois toujours demandé comment on pouvait être fan de Marc-Olivier Fogiel. Mais comme le militantisme gay d’aujourd’hui est au point mort dans ce pays, puisque le coming-out a été mis à la trappe du calendrier homosexuel, puisque le PS a vraiment d’autres chats à fouetter que de pousser un ou deux députés à faire leur coming-out (pas un seul député gay à l’Assemblée Nationale, bravo), puisqu’on persiste à vouloir se moquer de nous en disant que la sexualité n’est pas un sujet d’intérêt dans la République laïque, que c’est même grossier de poser des questions intimes vous devriez avoir honte, alors il ne faut pas s’étonner quand les gens prennent le contrôle de leurs doigts sur le clavier de l’ordi et cherchent les noms des personnes les plus lâches de l’élite. S’ils sont pathologiques sur leur identité, nous ne le sommes pas.

Bah, vous avez bien compris, je ne suis pas en train de faire de l’outing, hein ? Si Le Monde a le droit de publier un article sur papier, diffusé, vendu sur la judéité de personnalités publiques qui n’ont peut-être pas envie d’aborder ce sujet en public (bien que je ne vois pas où est le problemo), mais qui suscite la curiosité de centaines de milliers de personnes, c’est pareil avec les gays et les lesbiennes célèbres. Si vous regardez sur Internet, vous finirez par découvrir qui passe son temps au Crillon avec des tapins qui coûtent très cher car il y a toujours un groom qui a vu le petit manège.

Si vous avez un présentateur télé qui va au Dépôt et qu’il se fait sucer par 3 mecs, faut pas s’étonner si ces trois homosexuels vont raconter les détails. Vous croyez qu’on vit dans un monde qui n’est pas influencé par la pipolisation encouragée à longueur de journée par ces personnalités elles-mêmes ? Ce n’est pas moi qui parle de faits divers et de célébrités, moi je ne suis intéressé que par le sida, les minorités et la culture homosexuelle. Je ne sais même pas qui sont ces gens qui sont jurys de X Factor ! Vous pouvez me chercher sur Google, je ne suis pas dans le carré VIP moi. Je suis juste un journaliste sans travail qui passe sa journée devant l’ordi à taper les noms des célébrités politiques et je suis étonné de voir le mot gay attaché à leur nom. Faites un procès à Google, pas à moi.

Le pouvoir de la rumeur

Mais tout ceci tombe à pic alors qu’un autre scandale sexuel éclate en France et que les éditorialistes s’insurgent encore contre le pouvoir de la “rumeur”. Après DSK qui a fait effet de catalyseur, selon Valérie Touranian [EN] de Elle, et instaure un « avant et un après » (on attend les preuves tangibles de l’après), après Tron qui démissionne, Arrêts Sur Images persiste à enquêter sur les scandales  sexuels politiques. Car toute la classe politique a déjà oublié son mea culpa post –DSK et ses promesses de cohérence. La vie privée doit être protégée ! Caroline Fourest défend DSK en disant qu’il ne faut pas fouiller dans les poubelles, Roméro appelle au coming out des parlementaires après avoir été lui-même outé, Patrick Bloche ne sait pas pourquoi il n’y a pas un seul député gay en France.

Pas étonnant qu’on n’avance pas sur le mariage gay quand les leaders LGBT ont une vision politique si étriquée. 40 années de militantisme gay, et une lesbienne défend un homme accusé de tentative de viol. Un gay qui a été planqué une grande partie de sa vie (c’était pour sa mère vous comprenez) fait la leçon aux autres. Et ce Bloche, qui est dans le milieu politique depuis le XIXème siècle (non c’est pas une erreur de typo) n’a TOUJOURS pas une idée de la source de lâcheté politique de ses semblables à l’Assemblée Nationale. Super, pas besoin de s’offusquer des déclarations de la députée UMP Brigitte Barèges si vous sortez des énormités encore pires, vu votre background.

Alors, on remercie Google d’être le meilleur ami de l’outing. Tapez le nom de l’homme ou de la femme politique qui vous intrigue le plus parce que votre gaydar vous dirige dans la bonne direction et voyez ce que ça donne. Le mot gay apparaît en premier ? Bingo. Attendez, parfois il y a le nom de son partenaire dans la vie tout de suite en dessous de “gay” ! Mais ne vous arrêtez pas en si bon chemin. Dans la première page, ou la seconde, vous aurez peut-être la chance de découvrir le témoignage d’une personne naïve et de bonne foi qui, sans malice, a écrit dans son blog : “Wow, je ne savais pas que XX était gay ! Je l’ai rencontré dans un club gay du sud de la France, on a discuté et il m’a dit lui-même qu’il était gay !“. Ou mieux, vous aurez le témoignage du tapin qu’il s’est fait en 2009 ou 2010.

Et surtout, surtout : ce n’est pas parce qu’ils sont mariés et qu’ils ont deux enfants qu’ils ne sont pas gays, vous comprenez. Il y a même des présidents de grandes fédérations de sport qui sont concernés. Merci Google. Comme le rappelait Albert R. Hunt dans un édito [EN] du New York Times que l’on aurait bien aimé lire dans Têtu : “Ce que les électeurs ne pardonnent jamais, c’est l’hypocrisie“.  Avec un peu de volonté, ceci pourrait être le nouvel âge d’or du militantisme LGBT. Il n’y a qu’à se baisser… et tendre la main pour trouver les infos.

Article initialement publié sur “Minorités” sous le titre “Google, le meilleur ami de l’outing“.

Photos Flickr CC PaternitéPas d'utilisation commercialePartage selon les Conditions Initiales par CarmanAvenue et PaternitéPas d'utilisation commerciale Eric Constantineau

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Le porno américain a peur de la fuite http://owni.fr/2011/04/05/wikileaks-porn-sexe-identite-droit-oubli/ http://owni.fr/2011/04/05/wikileaks-porn-sexe-identite-droit-oubli/#comments Tue, 05 Apr 2011 17:04:51 +0000 Olivier Tesquet http://owni.fr/?p=55322 C’est l’un des effets pervers de WikiLeaks, sans mauvais jeu de mots. Alors que le site d’Assange “fait des petits” un peu partout dans le monde, des activistes de tous bords s’approprient la terminologie pour lancer des initiatives aux desseins troubles. Dernier en date, Porn WikiLeaks, une plate-forme qui reprend l’architecture de WikiLeaks, en allant jusqu’à emprunter son nom. Mais ici, il n’est nullement question de révéler les secrets des Etats ou les coulisses de la diplomatie: au lieu de ça, des justiciers de la bonne morale ont décidé de jeter en pâture au public les véritables noms de 15.000 acteurs et actrices de la Porn Valley californienne. Et ce n’est pas tout.

Tandis que certains s’interrogent – légitimement – sur “la fin de l’anonymat dans le X”, d’autres évoquent une industrie “enragée” par ce dévoilement massif. En effet, non contents de détruire les personnages que se sont créés les professionnels du porno pour protéger leur vie privée, les créateurs de Porn WikiLeaks y ont ajouté des adresses, des photos, ou, summum du malaise, une liste “des acteurs gay infectés par le VIH et travaillant dans des productions hétérosexuelles”. Comme des Anonymous intégristes tenants de la bonne morale, ils ont tout fait pour stigmatiser l’activité de ceux qu’ils cherchent visiblement à discréditer.

Sur les 23.807 entrées que compte la partie “wiki” du site, tous les acteurs et toutes les actrices sont qualifiés de “pornographic whore” (putain du porno) ou de “hooker” (prostituée), ces deux qualificatifs étant réduits à des définitions lapidaires qui ne nécessitent même pas de traduction: “a pornographic whore is someone who is a whore for porn”, “a hooker is someone who has sex for money!”. En creux, c’est leur activité professionnelle qui est attaquée.

Piratage de base de données

Comment en est-on arrivé là? Actif depuis plusieurs semaines, suivi de loin par les spécialistes du milieu, Porn WikiLeaks est apparu en pleine lumière quand le blogueur star Mike South – sorte de Perez Hilton du X – a fini par évoquer frontalement le site. Il croit notamment savoir comment son concepteur s’est procuré les dossiers médicaux de milliers de hardeurs et hardeuses, en piratant la base de données qui agrège les informations sur l’ensemble de la profession.

Les 15.000 personnes ciblées ont pour point commun d’avoir fréquenté l’AIM (Adult Industry Medical Associates), une fondation qui affiche son credo d’emblée: “Vous faites l’amour, nous surveillons vos arrières”. Fondée en 1998 par Sharon Mitchell, une ancienne star du X reconvertie dans l’accompagnement thérapeutique des travailleurs du cul, cette clinique est notamment chargée des tests de dépistage de MST, nécessaires à la validation d’un casting pour n’importe quel tournage. Dans un communiqué du 31 mars, l’AIM se défend d’avoir transmis volontairement des informations confidentielles relatives à ses patients, et évoque un acte malveillant:

[Nous] étudions la possibilité d’une intrusion criminelle dans notre base de données médicale. Une masse substantielle d’informations postée sur le site en question ne peut pas provenir de cette base de données car nous ne les possédons pas. Spécifiquement, les adresses ne figurent pas dans les fichiers de l’AIM.

Pour South, comme pour le Daily Beast, qui détaille l’affaire dans un long article, l’identité de cet Assange “justicier” ne fait plus de doutes. Il s’agirait de Donald Carlos Seoane, alias Donny Long, un ancien acteur et réalisateur de films pornographiques. Sur sa page Porn WikiLeaks, qui ressemble à un easter egg de très mauvais goût, il se décrit comme “le dernier hétéro à se dresser contre la mafia gay du porno”. Une tonalité homophobe qu’on retrouve dans les propos d’une revendication anonyme au Daily Beast. Quand on lui demande pourquoi elle a créé le site, la personne, qui se défend d’être Long, répond dans ces termes:

Pour dégager les gays du porno hétéro, ainsi que les maqueraux gay qui ont ruiné la profession en imposant le port du préservatif. L’engouement pour les tapettes doit cesser. La Californie est pleine de Mexicains gay qui peuvent même se marier, ce qui est mal.

Allégorie du droit à l’oubli

Outre-Atlantique, la révélation de l’affaire commence à faire grand bruit, et les médias généralistes s’en emparent, en s’interrogeant sur ses répercussions. A cela rien d’étonnant. Fondée en bonne partie sur la confidentialité, l’industrie du X n’est pas seulement une cible privilégiée pour les whistleblowers mal intentionnés qui veulent un y voir un énième complot reptilien. C’est aussi une allégorie cruelle du droit à l’oubli.

Lors du débat sur WikiLeaks, à la fin de l’année 2010, de nombreux politiciens, et aussi quelques éditorialistes, se sont emportés contre le caractère permanent des fuites. Sur Europe 1, Catherine Nay regrettait par exemple que “rien ne soit jamais effacé [sur Internet]”, et qu’on y fasse l’expérience de “la damnation éternelle, comme l’oeil dans la tombe qui regarde Caïn”.

A l’époque, cet argument n’était pas vraiment recevable, parce qu’il faisait l’amalgame entre la protection de la vie privée des individus et la bonne marche des Etats. Pourtant, il touche un point déjà évoqué lors de l’affaire Jessi Slaughter, cette préadolescente américaine qui avait été prise pour cible par les petits malins de 4chan après avoir posté une vidéo sur YouTube: Jusqu’où peut-on aller sur Internet? A quand un listing complet des fidèles de Youporn, identifiés après avoir été piégés par un script malicieux?

Dans un monde où les pédophiles sont désormais géolocalisés, certains estimeront sûrement que la révélation systématique des coulisses du porno relève d’une démarche presque normale. Pour certains blogueurs, l’offuscation (et non l’obfuscation) n’est que le paravent de l’hypocrisie. Pourtant, le porno n’est pas interdit par la loi, et son seul tort est d’être une industrie “stigmatisante”. L’occasion de rappeler que sur les 15.000 noms fournis par Porn WikiLeaks, bon nombre d’entre eux mènent aujourd’hui une nouvelle vie, loin des plateaux.

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Crédits photo: Flickr CC janale1, Wikimedia Commons

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Sidaction: des sous, on verra après ? http://owni.fr/2011/04/05/sidaction-des-sous/ http://owni.fr/2011/04/05/sidaction-des-sous/#comments Tue, 05 Apr 2011 06:30:05 +0000 Didier Lestrade http://owni.fr/?p=55106 Vous avez passé un bon week-end ? M’enfin, c’était le Sidaction ! Cachez votre joie ! Oui, je sais, c’est totalement soporifique. Et le pire, c’est que plus c’est ennuyeux, et plus les gens donnent. Donc, il n’y a pas eu à mettre un échec des donations sur le Pape cette année, ou sur la Libye, ou même sur le Japon. Tout c’est bien passé. Et, comme chaque année, le sujet des gays, champions des contaminations par VIH dans notre pays, est resté à la trappe. Trop stigmatisant dit-on.

Alors, le VIH explose-t-il chez les gays ou pas ? Le Sidaction ne nous l’a pas dit. Pourtant, d’un pays à l’autre, les chiffres ne se ressemblent pas et malgré des pratiques sexuelles globalement équivalentes, l’épidémiologie se différencie d’année en année. Explications.

En Angleterre, les dernières données montrent que le nombre de gays séropositifs a doublé en dix ans. À Amsterdam, les gays qui se contaminent par le virus de l’hépatite C (VHC) se re-contaminent une seconde fois après traitement avec des souches résistantes. En Suisse, 84% des personnes nouvellement contaminées (surtout les hommes) le sont par un virus résistant aux principaux antirétroviraux.

A force de choper des gonorrhées (chaude-pisse), les traitements standards sont moins efficaces chez les hommes. Et la meilleure (si on peut dire) : à force de sucer tout et n’importe quoi, le lien entre fellation et cancer se précise. Mais à San Francisco, pour la première fois, le nombre des nouvelles contaminations a chuté de 36% en deux ans, — et c’est un chiffre très important, une tendance à la baisse qui semble se remarquer aussi au Canada et en Australie. En France, on est toujours dans la stabilité avec 7.000 nouvelles contaminations, dont la moitié pour les seuls homosexuels, concentrés dans des régions ciblées comme Paris.

Que faut-il en penser ? Est-ce que les gays de certains pays ont davantage de pratiques à risque ? Est-ce que les campagnes de prévention et le Traitement en tant que prévention (TasP) commencent à produire des effets en Californie ? Est-ce que les gays anglais sont plus idiots qu’ailleurs ? Et les Allemands? Comment expliquer ces disparités régionales ?

Réponse: les gays prennent d’énormes risques sexuels partout.
Certaines grandes capitales ont beau disposer de sexshops, de backrooms, de bordels et de lieux de drague en extérieur – ne parlons même pas d’Internet – , les pratiques sexuelles sont homogènes chez les gays des pays riches. De plus en plus de partenaires qui choisissent de ne pas utiliser le préservatif, pour des raisons multiples, des jeux érotiques à base de sperme dans les fellations, une banalisation des fists et des godes qui ne sont pas anodins en termes de fissures de l’anus et du colon, beaucoup de bouffage de cul (rimming), beaucoup de sexualité de performance avec des séances qui durent longtemps, voire tout un week-end.

Les gays organisent leur sexualité d’une manière toujours plus sophistiquée, selon un agenda serré, avec parfois plusieurs partenaires par jour, certains réservés à l’avance comme lors des week-ends passés à l’étranger. Quand on va à Berlin, on a déjà préparé depuis sa maison un plan cul à 11h, un autre à 16h, un dernier à 23h. Un million et demi d’homosexuels sont déjà sur Grindr, l’application de géolocalisation qui permet de trouver un mec n’importe où, même pendant les week-ends chez ses parents. Il n’y a pas de temps à perdre, c’est la beauté du tableau de chasse et de l’accumulation.

Avec une telle multiplicité des rapports sexuels, dont une grande part de rapports à risque, les taux de contamination devraient logiquement exploser. Or, 10% d’augmentation par an en Angleterre n’est pas réellement ce qu’on appelle une « explosion ». Ce n’est pas le taux de progression dont je parlais dans mon livre The End (vers 2005, il y avait des progressions de 12 à 15%), mais à l’époque je redoutais surtout un taux de progression de 15 à 20% avec une épidémie qui doublerait tous les 5 ans, ce qui aurait été symboliquement désastreux. Les gays anglais sont « parvenus » à doubler leur épidémie du sida en une décennie alors que les premiers cas datent de 1981. Ce qui veut dire, à la louche: 1981 / 2001 = 2001 / 2011.

Ce qui est déjà inquiétant, mais je veux ici revenir sur quelque chose que je ne cesse de répéter depuis des années. Dans les pays comme l’Angleterre ou l’Allemagne, l’épidémie n’a jamais été aussi puissante qu’en France car les gays ont été particulièrement safe pendant les vingt premières années de l’épidémie et il y avait cinq fois moins de sida qu’en France. Pareil en Espagne aussi où la majorité des cas de sida provenait de la communauté toxico.

Amsterdam, le VHC, la syphilis, le LGV… « Gezellig ! »

Amsterdam, c’est différent car la Hollande dispose depuis toujours d’une scène cuir et SM très active. L’épidémie de LGV, une infection extrêmement rare en Europe il y a encore 10 ans, est apparue là-bas et ce n’est pas un hasard. Avec des sex clubs hard dans lesquels on ne rigole pas, des pratiques insertives audacieuses, des contaminations par VHC exacerbées par des muqueuses malmenées, tout concourt à faciliter les portes d’entrées du VIH et de tous les autres petits germes et virus qu’il faut ensuite soigner.

Pourtant, l’article d’Aidsmap montre un effet nouveau. Les gays hollandais attrapent le VHC, sont dépistés, disposent d’un traitement lourd contre l’hépatite C. Parmi eux, certains ont de la chance : les nouveaux traitements puissants, mieux tolérés, fonctionnent, ils guérissent leur hépatite. Mais cela ne leur a pas servi de leçon et ils attrapent à nouveau le VHC, très contagieux, et en plus – surprise, avec des souches résistantes qu’ils contribuent à répandre. C’est la preuve flagrante que pour certains le fait d’attraper une gonorrhée, une syphilis ou une (rare) LGV n’est pas toujours un rappel à l’ordre de la prévention.

Ils reviennent à leurs pratiques à risques avec l’avantage d’avoir été dépistés à temps, bien soignés et dès leur convalescence terminée, ils chopent à nouveau l’infection dont ils viennent de se débarrasser. Si l’hépatite C ne fait plus peur aux gays, alors que faut-il leur montrer comme épouvantail ? C’est un des grands paradoxes de ce moment dans l’épidémie: les traitements marchent, même pas peur, on poursuit les mêmes risques, précisément parce que les médicaments sont là. Talk about santé publique.

À SF, le TaSP, le Prep et TIM…

San Francisco est à part. Là on est dans un Amsterdam +++. Non seulement la scène hard est institutionnalisée, des sex-clubs qui se targuent d’être les plus érudits avec des machines qu’on n’a pas ici, des sites Internet avec les plus beaux mecs du monde, une disponibilité sexuelle qui fait partie de l’identité de la municipalité. Et il a, bien sûr, l’effet d’entraînement de toute l’industrie porno gay qui est basée en ville avec l’influence déterminante de Treasure Island Media, le studio bareback le plus connu au monde.

La ville a toujours été le laboratoire d’idées pour le sexe pas safe, mais c’est aussi un laboratoire d’idées pour les campagnes de prévention, de testing, de dépistage rapide, de TasP et de PreP – même s’ils ont du travail à faire sur le traitement post-exposion, le TPE. On peut donc imaginer que les initiatives massives d’information parviennent à réduire l’augmentation des contaminations, malgré une sexualité encore plus hard qu’ailleurs.

Tout ceci devrait nous inciter à surveiller toujours plus davantage ce qui se passe dans nos pays voisins ou même éloignés. En France, le milieu associatif semble se mobiliser lors du Sidaction, mais surtout pour se plaindre de la baisse des crédits accordés par le gouvernement aux associations. Bien sûr, ils ont raison. Mais leur travail est si pathétique que l’on se demande s’ils ne prêtent pas eux-mêmes le flanc à de telles restrictions budgétaires.

Quelle est leur réussite sur la prévention ? À part le SNEG, qui affronte les vrais sujets ? A-t-on déjà oublié le scandale des finances de Aides ? Et surtout, qui fait du dépistage rapide de nos jours ? On nous fait croire que le dépistage rapide avance, mais il fait du surplace. À Marseille ou dans les villes de province, c’est pratiquement un secret. Est-ce que les gays sont au courant ? Et s’ils le sont, sont-ils vraiment poussés à recourir au dépistage rapide ? Est-ce que les rares adresses de dépistage rapide à Paris sont prises d’assaut par les gays ? Est-ce que l’on utilise cet outil fantastique pour dépister davantage dans les Antilles et en Guyane ?

Non à toutes les questions.

Dépistage en France ? Le plan galère

En Afrique, il est possible de se dépister soi-même, via son téléphone portable, ce qui permet de ne pas faire des kilomètres et des kilomètres pour atteindre un centre de dépistage. Et les africains le font, sans être obligés. Voilà des initiatives modernes via portable qui font avancer le schmilblic de la prévention bien mieux que le pilulier électronique à la mord-moi le nœud.

Le TasP, ou Traitement as Prevention, est un canard boiteux en France, avec une ministre de la santé si inefficace que tout le monde se désintéresse d’elle, attendant les prochaines échéances électorales. Résultat: encore une année de prévention perdue pour tous. Pour que le TasP soit efficace, il faut à la fois dépister en masse et offrir des traitements à toutes les personnes séropositives qui le veulent. Comme à San Francisco.

Mais ceux qui sont chargés du dépistage rapide en France font semblant de rejeter la faute sur Bachelot, alors qu’on sait bien qu’ils marchandent leurs offices pour recevoir de l’argent. « Mais il faut former tous ces volontaires pour le counseiling ! » disent-ils. « Il faut pérenniser l’action ! ». Comme s’il fallait une maîtrise en communication pour parler de gay à gay et leur donner le résultat d’un test en leur faisant tout le topo de prévention. On sait déjà tout ce qu’il faut dire. Pendant ce temps, une infime partie des gays ont recours au dépistage rapide. Même autour de moi, les gens sont tellement peu motivés qu’ils continuent à aller où ils allaient avant. Et chaque test au Chemin Vert coûte beaucoup plus cher qu’un simple piqûre au doigt, je vous assure.

Les associations se « mobilisent » pour le Sidaction avec toujours les mêmes jérémiades. On parle toujours et encore d’un vaccin qui n’arrivera JAMAIS et Sidaction cautionne ça au lieu de parler des sujets vraiment importants. Parler des gays à heure de grande écoute et dire que c’est le groupe qui nourrit la contamination en France ? Mais ce serait de la discrimination ! Comment voulez-vous envoyer de l’argent difficilement gagné de nos jours à une structure qui, année après année, reste si aseptisée qu’elle a du mal à prononcer le verdict le plus important de l’épidémie française ? C’est ça l’urgence, pas le vaccin qui n’intéresse que l’industrie pharmaceutique et qui détourne des millions d’euros qui devraient être dépensés ailleurs, sur le terrain, tout de suite !

Vous voulez dire que vous nous demandez de l’argent qu’on devrait donner au Japon ? Tout ça pour financer des associations que personne n’écoute et qui bénéficient des 35 heures et des appartements de fonctions pour leurs anciens présidents ? Mais ce mouvement associatif montre bien son visage, un an avant l’arrivée possible de la gauche à la présidentielle. Il est mou, incroyablement mou. On commémore trente années d’épidémie à travers le monde et que les chiffres et les mots deviennent vides de sens, comme les personnes qui les prononcent.


Article initialement publié sur Minorités

Photos flickr CC Stéfan Le Dû ; José Orsini

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Changer son corps — ou pas http://owni.fr/2011/02/19/changer-son-corps-%e2%80%94-ou-pas/ http://owni.fr/2011/02/19/changer-son-corps-%e2%80%94-ou-pas/#comments Sat, 19 Feb 2011 08:57:58 +0000 Didier Lestrade http://owni.fr/?p=46952

La dernière discussion sur le bébé médicament est vraiment un symbole de la gêne typiquement française sur le corps humain. Je ne sais pas si tout le monde s’est élevé contre cette histoire parce que ce bébé venait d’une famille française de Turcs qui parlent encore le turc dans l’espace familial, mais nous avons eu droit à des déclarations catastrophistes de tous les côtés et la Boutin a critiqué ces possibilités thérapeutiques comme des idées contraires à la République, pas moins. Dès qu’on parle des droits des transsexuels ou du corps qui change d’une manière plus générale, c’est comme si l’on pénétrait dans le domaine de l’eugénisme ou d’autres grands mots qui n’ont pas grand chose en commun avec la fascination que procure le corps humain de nos jours.

Le corps des gens change. À Minorités, on ne sait pas pourquoi, mais le texte qui a le mieux marché depuis deux ans, et de loin, c’est celui de Laurent Chambon sur « Vie de merde, bouffe de merde, corps de pauvres » . Le titre était accrocheur, mais c’est le contenu qui a fait peur. Notre corps évolue et comme toutes les choses qui changent, ça terrorise tout le monde.

Chirurgie esthétique, tatouage, piercing…

Les jeunes n’ont jamais été aussi grands en France et à travers le monde. Dans les pays riches, les doigts de pieds sont de moins en moins développés car nous avons accumulé plusieurs générations de chaussures de bonne qualité qui facilitent le travail de ces orteils. Les vrais blonds seraient une catégorie humaine en voie de disparition. Le tatouage est partout, les kids se font élargir les trous des lobes de leurs oreilles avec des bijoux qui ressemblent aux artefacts d’Afrique et d’Amérique latine. Les femmes ont de plus en plus recours à la chirurgie esthétique du vagin et pourquoi pas, qui ne voudrait pas avoir un organe sexuel plus joli ? Je ne dispose pas de chiffres exacts mais une personne calée sur le sujet m’a dit que pour la première fois dans l’histoire de la chirurgie esthétique masculine, les interventions les plus populaires concernent le sexe, pas le visage.

Bien sûr, ces derniers n’en parlent pas beaucoup car peu d’hommes (y compris les gays) ont envie de claironner sur tous les toits qu’ils se sont fait opérer pour avoir une bite plus harmonieuse ou plus longue. Il y en a beaucoup qui se sont fait circoncire à l’âge adulte parce que leur frein les dérange ou les fait jouir trop tôt, et puis il y a tout cet imaginaire inconscient qui sous-entend que la circoncision fait gagner ce petit centimètre en plus qui fait parfois toute la différence entre une bite moyenne et une belle bite.

Ma question : malgré Tumblr, Grindr [en], les sites de cul et de drague, le porno, le sexting, l’art érotique, la mixité raciale (le fait de découvrir d’autres corps), les partouzes des ados, l’excitation perpétuelle de la société qui nous vend du corporel à chaque seconde, pourquoi avons-nous tant de peur de la vitesse à laquelle nos corps évoluent ? La mode de la barbe, par exemple, qu’est-ce que ça veut dire sur ce besoin très facilement identifiable de séparer l’homme de la femme au moment où la transsexualité n’a jamais été autant visible ? Nous venons de traverser dix douloureuses années sur la métrosexualité, est-ce que nous allons revenir à une vraie virilité qui serait la prochaine étape du surhomme, l’Übermensch ?

Les gens n’ont jamais autant dépensé et investi dans leurs corps. Il y a encore vingt ans, on se moquait de ceux qui avaient recours à la chirurgie esthétique. Avec les progrès de la médecine réparatrice et un lobby médiatique redoutable via des dizaines d’émissions à travers le monde sur l’idée de Miss Swan et Relooking Extrême, tout le monde a désormais envie de changer ceci ou cela — et ça marche et ça coûte moins cher. Chez les gays, personne n’est dupe. Si chaque enfant coûte une moyenne de 385.000 dollars à ses parents au long de sa vie, alors un gay sans enfant peut théoriquement dépenser cette somme pour lui-même, pour son corps. Tout est alors possible. Vous avez remarqué sur Tumblr le nombre de mecs qui se sont tatoués la bite ? Personne ne faisait ça il y a encore dix ans !

Human enhancement

En 2007, le magazine Wired avait consacré sa couverture à l’amélioration du corps (humain enhancement) avec un titre qui résumait parfaitement l’idée: Beyond The Body [en]. L’expérience des sportifs nous montre que les joueurs de golf comme Tiger Woods recourent souvent à la chirurgie afin d’avoir une vision oculaire de 50/20 qui leur permet de voir très loin la balle de golf. Le plaisir sexuel de la femme peut être développé en insérant un implant au bas de la colonne vertébrale qui facilite électriquement l’orgasme. Pour solidifier les genoux, les sportifs bénéficient d’implants en métal et plastique qui assurent une meilleure liaison entre le tibia et le fémur. Ceux qui souffrent d’arthrite sévère aux mains améliorent leurs poings avec des os en métal, ce qui permet aux joueurs de piano ou de guitare de jouer plus rapidement. De même, les ligaments du coude peuvent être remplacés par d’autres ligaments prélevés sur une autre partie du corps. Certains marathoniens choisissent de courir sans chaussures [en], ce qui a un impact direct sur la morphologie du pied.

To poil...

Dans le cadre du sida, les programmes massifs de prévention sont en cours en Afrique pour circoncire des millions d’hommes (les hommes circoncis ont statistiquement moins à risque de devenir séropositifs que les hommes non circoncis). Ainsi, en Tanzanie, c’est 2,8 millions d’hommes [en] qui vont passer sur la table d’opération. On voit ainsi que des sujets de santé publique peuvent massivement changer la morphologie humaine. Sur Tumblr, on voit parfois apparaître des séries entières de portraits d’hommes pakistanais qui popularisent une beauté physique qui est souvent mise de côté dans les médias quand on parle d’un pays critiqué pour des raisons politiques. Sur Facebook et Tumblr aussi, certains se consacrent à promouvoir l’évolution récente de la morphologie des Asiatiques. C’est presque un travail de propagande, mais on peut voir ça aussi comme un outil qui encourage une meilleure connaissance de l’immense diversité des looks asiatiques et combattre ainsi les préjugés physiques qui contribuent à une forme de racisme.

Depuis l’année du Brésil en 2005, l’érotisme brésilien a eu un tel impact à travers le monde que les femmes se font épiler de manière à porter le string, c’est le désormais célèbre maillot brésilien. La mode hallucinante de l’eyewear fait que désormais des personnes qui n’ont pas de problème de vue se mettent à porter des lunettes qui ressemblent à celles que portent les myopes — ce qui d’ailleurs a fortement tendance à énerver ces derniers qui se passeraient bien de lunettes. Dans le porno, on utilise moins le Viagra et ses produits équivalents pour injecter directement dans le pénis un produit qui prolonge et développe l’érection. De même, dans le porno aussi, on voit de plus en plus d’hommes qui s’injectent du liquide physiologique dans les testicules pour avoir des trucs énormes qui ressemblent à de petits melons.

Le tatouage est devenue tellement industriel (voir l’immense succès de la série de MTV, Miami Ink) que l’on voit partout sur Tumblr des dessins et des idées totalement inimaginables il y a encore cinq ans. Les gangs mexicains et californiens imposent de plus en plus la beauté du tatouage sur le visage (voir le film de Christian Poveda et Sin Nombre de Cary Fukunaga) et n’oublions pas que le crâne tatoué de François Sagat a été un élément déterminant dans la promotion de son image.

Quand Britney Spears a décidé de se raser les cheveux en 2007, ce ne fut pas forcément le geste le plus idiot de la pop, mais la déclaration d’indépendance d’une superstar à travers un geste presque anarchiste. Madonna vient  de rajeunir ses mains pour y faire disparaître toutes les marques de son âge (53 ans). Les hommes imberbes qui veulent absolument avoir des pecs poilus n’hésitent plus à prendre des hormones mâles. En France, l’establishment médical est farouchement contre, mais l’hormone de croissance est largement disponible en Grèce et dans les pays voisins et a prouvé son statut de produit miracle dans la régénération de l’ensemble des tissus (peau, organes, cheveux), surtout chez les personnes âgées.

Les repères changent

Or not to poil ?

Sans arrêt, nous sommes confrontés à des images d’hommes et de femmes qui, par leurs différences physiques, nous amènent vers un monde moderne plus ouvert, plus tolérant. Caster Semanya a été au centre de polémique sur le statut d’hermaphrodite [en], peu discuté dans la société, et très différent du débat autour des personnes transgenres. Et puis,  comment un champion de cricket comme Hashim Amla avec sa barbe de musulman croyant devient un sex symbole dans son pays et bien au delà ? Pourquoi Thierry Henri est surnommé Anaconda sur ce que vous savez et cela reste au niveau d’un murmure underground ? Pourquoi l’acteur principal du film Submarino a attiré un public très gay uniquement parce que l’acteur avait un look de gay nordique alors que le film n’a rien à voir avec les gays ? Est-ce que le succès de Facebook est indépendant du sex appeal nerdy mais tenace de Mark Zuckerberg, ce qui a facilité la sortie d’un blockbuster ?

Au moment où Tron sort, l’idée du corps bionique n’a jamais été aussi séduisante à travers le monde et le succès des Daft Punk (artistes cachés par des masques de robot) touche désormais les 10-15 ans, alors que le public originel des Daft approche la quarantaine. I Sing the Body Electric [en] de Walt Whitman, repris par Weather Report [en] en 1972 est devenu réalité aujourd’hui. Les vidéos pop et la presse people imposent une morphologie humaine photoshopée, où la cellulite a été gommée et la peau est éclaircie pour tous (Noirs et Blancs). On est loin du désastre esthétique de Michael Jackson. On est dans une modification du corps améliorée, qui amène au succès.

Notre dilemme futur sera dans la conviction qu’un corps naturel, sans tatouage et sans rasage représente ce qui est le plus beau, mais qu’un corps modifié et amélioré concentre ce qui est le plus admirable.

Alors comment résoudre cette contradiction ?

Allons-nous devenir tous fous ?

Billet initialement publié sur Minorités

Images CC Flickr Glenn E. Malone BerlinMoritz et Pensiero

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[LeWeb] Open source sex – Sur le divan avec Violet Blue http://owni.fr/2009/12/10/leweb-open-source-sex-sur-le-divan-avec-violet-blue/ http://owni.fr/2009/12/10/leweb-open-source-sex-sur-le-divan-avec-violet-blue/#comments Thu, 10 Dec 2009 15:24:59 +0000 [Enikao] http://owni.fr/?p=6063 violet-blueChaque année, Loïc et Géraldine Le Meur invitent des personnalités qui sortent des champs habituels technophiles et hyperconnectés à l’événement LeWeb. Après Philippe Starck et Paolo Coelho, cette année parmi les surprises “outside of the box” figure en bonne place la sexologue, blogueuse et auteur Violet Blue. Son approche de la sexualité et des relations humaines, pour le moins originale et décalée, rapproche technologies informatiques et sexualité sous une formule devenue célèbre : Open source sex.

Disponible et curieuse, Violet Blue a accepté de répondre longuement à mes questions pour la soucoupe, dont voici un (trop court) résumé.

Quel est le principe de l’Open source sex ? D’où vient cette idée ?

Je suis de San Francisco, je baigne donc dans l’univers technologique mais aussi dans la contre-culture de la cote Ouest, où la liberté sexuelle a un sens tout particulier. Le rapprochement des deux univers me paraît naturel pour peu qu’on regarde à travers le prisme des problématiques et des réponses pratiques.

Au cœur de la sexualité et de la technologie, il y a des enjeux communs comme le mystère, la peur de la technique, la honte de ne pas savoir, l’expérience et la pratique régulière ou occasionnelle, mais aussi l’accès aux informations et aux outils de compréhension.

Une fois que l’on a établi ces parallèles, ce qui fonctionne pour la technologie doit pouvoir fonctionner pour le sexe. Certaines problématiques comme la monétisation (prostitution, porn business), l’évangélisation, ou l’ouverture de la technique au grand public sont tout à fait actuelles pour les deux sujets.

Comment devient-on une sexologue médiatisée, écoutée et respectée ?

L’exercice est toujours un peu périlleux mais il y a quelques règles de base à suivre pour rester crédible, protéger sa vie intime et continuer à porter un discours clair. Finalement ça tient en peu de choses : ne pas juger, ne pas se présenter comme un exemple, dépassionner, prévenir des risques à tous les niveaux (santé, émotions, famille, réputation personnelle), être descriptif et non prescriptif, et répéter aux gens qu’il n’y a rien d’anormal à partir du moment où il s’agit de choix de personnes conscientes, adultes et responsables.

Je m’occupe d’une hotline (rire) qui vient en aide à des personnes qui se posent des questions, et je dois me montrer à l’écoute avant de parler. Analyser les besoins doit intervenir avant le conseil lui-même. Il faut illustrer les choses avec des exemples, mettre la “mécanique” au second plan.

Je donne les outils, j’explique enjeux et usages, après c’est à chacun de s’amuser et de faire ses propres expériences. Je suis un peu comme un service qui propose une API du sexe à des développeurs, avec comme leitmotiv un classique de la culture informatique et punk : do it yourself. C’est en quelque sorte du hacking : bidouillez, explorez des choses imprévues, mais évaluez les risques et prenez vos responsabilités.

Vous avez pourtant des opposants très déterminés, que vous reprochent-ils ?

Qu’il s’agisse de ligues familiales, de mouvements religieux de type new-born christian, d’associations prônant l’abstinence ou de conservateurs plus traditionnels, ils font l’amalgame entre pornographie et éducation ce qui est particulièrement dangereux. Maintenir les gens dans l’ignorance, c’est garder un pouvoir sur eux et surtout générer une forme de frustration pour vendre des béquilles aux blessés de la vie ou aux gens fragilisés à un moment donné.

Le problème c’est qu’ils dissocient, parce que ça fait partie de la tradition occidentale depuis longtemps, le corps et l’esprit. Je suis désolée, mais le software ne peut exister sans un bon hardware, et il faut en prendre soin ! Mon rôle est de faciliter le rapprochement des deux en prenant le parti de l’expérience personnelle. Je rappelle qu’il faut prendre des précautions : safe sex, ne pas piéger et ne pas se faire piéger, gérer ses émotions, parler à son partenaire avant de lui faire une surprise trop importante (chérie, devine qui vient avec nous dans notre lit ce soir ?), ne pas avoir peur de faire marche arrière et de dire stop, ne pas maltraiter son corps, dire si quelque chose ne convient pas et parler si cela a été traumatisant.

Vous êtes attaquée personnellement ? Comment réagissez-vous ?

Le fait d’intervenir régulièrement dans les médias, par exemple dans des tribunes pour le San Francisco Chronicle ou à la radio, fait de moi une cible de choix. Je reçois un courrier abondant, parfois aussi des menaces de mort. Surtout, je fédère des inimitiés de la part de groupes qui deviennent des alliés objectifs, par exemple les ligues féministes m’en veulent autant que les groupes religieux et s’associent parfois à eux parce que je ne m’inscris pas dans leur rejet frénétique de la femme-objet. Les gays de San Francisco ne comprennent pas que je m’insurge contre leur pression à l’encontre des bisexuel. Ils leur intiment l’ordre de choisir leur camp, on croit rêver !

Je suis souvent calomniée ou interprétée, dans le mauvais sens bien entendu. Quand je parle du “sexe positif“, les gens entendent “la porte ouvert à tout et n’importe quoi“. Face à tout cela, il n’y a qu’une ligne qui tienne : les faits, les données, les exemples non personnels, la constance, et aussi une petite dose de paranoïa pour protéger efficacement sa vie privée. Heureusement, je suis souvent soutenue par les éditeurs, ce qui est souvent un bon signe (sourire).

Vous parlez des féministes avec distance, vous ne vous sentez pas proche d’elles ?

Pas du tout ! Elles s’entredéchirent pour des prises de position qui sont légèrement différentes, le mouvement est morcelé et s’est aussi énormément radicalisé. Pour faire un parallèle, elles sont dans le logiciel et non dans le processus. Elles se disent de la première vague, ou de la troisième, la cinquième… avec des querelles de clocher sans fin, un peu comme ceux qui préfèrent la version 1.5 à la version 3.2.

Mais la vie est un processus évolutif, en temps réel ! Je me sens bien plus près de l’Electronic Fronteer Foundation (une association de protection des libertés numériques), avec laquelle je collabore, que des féministes. Leur combat est un combat d’arrière-garde largement mythifié sur certains plans comme la femme-objet. Surtout, elles sont aussi contestables dans leurs amalgames que les ligues pour l’abstinence. Elles souhaitent par exemple criminaliser la pornographie en s’appuyant sur des récits d’anciennes actrices X qui ont affirmé (puis se sont rétractées) avoir été contraintes de tourner après avoir pris de la drogue. C’est ridicule.

Le sexe est encore un tabou très fort et source de débats très virulents aux Etats-Unis, le web libère-t-il la parole ?

En un sens oui parce que l’anonymat favorise l’échange sous forme de questions ouvertes et secrètes à la fois, mais le tabou est à différents niveaux et révèle des tabous plus profonds dans la société américaine. Le marketing de l’industrie pornographique est un signe intéressant à analyser : parler de “sexe interracial”, par exemple.

Je suis plutôt nominaliste, alors je ne comprend pas quand une amie me dit : “ce soir je coucherai avec mon premier partenaire noir”. Il reste sans doute des traces dans l’inconscient collectif qui datent de l’époque de la ségrégation, ce qui donne un goût d’interdit à quelque chose pourtant simple : deux personnes vivent quelque chose ensemble.

Pour prendre un exemple plus large de rejet mental, presque partout dans le monde les transsexuels sont perçus comme des être étranges alors que dans certaines cultures, dans certaines région du Mexique ou en Thaïlande, le troisième sexe fait partie de la société sans jugement moral. L’âme et le corps ne coïncident pas, alors la personne s’adapte et adopte un corps plus en harmonie avec son esprit.

Voilà le sens de mon approche : parler, expliquer, laisser les gens décider, ne pas juger.

Comment se fait-il que dans la culture populaire américaine, la France soit autant objet de fantasmes sur notre rapport à la sexualité ?

Il y a un rapport de répulsion et d’admiration à la fois, c’est sûr. Vous nous avez apporté des choses étonnantes comme Sade, le ménage à trois (en français dans le texte), l’esprit libertin, la soubrette, et le chic à la française. En tout cas nous avons une représentation très romantique et pleine d’allure, de panache et d’érotisme autour de votre hédonisme, qui lui est attesté. Nous envions vos vacances, votre gastronomie, votre patrimoine historique et touristique, vos discussion, les déjeuners tardifs avec des croissants, le vin… Tout cela rend le stéréotype du mode de vie français particulièrement attractif par le mélange d’intellect et de mystère.

Pour prendre un exemple évident, vos présidents ont des mœurs bien plus libérées que les nôtres, par exemple, et ça ne choque pas autant. Bill Clinton a dû s’excuser platement et publiquement, même si Hillary l’a soutenu.

Savez-vous pourquoi il n’y a quasiment pas de blogs d’hommes hétérosexuels parlant de leur sexualité à la première personne ?

C’est une question que je me pose souvent. Il y a en effet des blogs gays, des blogs de sexologues masculins, et parfois de temps en temps des blogs anonymes qui apparaissent et disparaissent très vite. Ces derniers ressemblent à des exutoires ou bien à compétitions façon tableaux de chasse ou concours de lieux, mais il n’y a pas de suivi et très peu d’engagement avec l’audience dans les commentaires.

Je crois que les hommes hétéros se protègent pour ne pas montrer leurs faiblesses, les émotions qu’ils ressentent, leur empathie. Ils intériorisent et ne montrent à l’extérieur que l’aspect compétition et performance. Tout ce qui ne correspond pas au stéréotype traditionnel du “mâle” est perçu comme autre chose qu’un homme. Entendre par là, un” sous-homme”, une “tafiole”, une “gonzesse”… C’est tout ou rien, il faut remplir toutes les conditions.

Je trouve cela dommage car c’est le genre d’écrits que j’aimerai bien lire !

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