OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Parti Pirate : “L’invention d’une culture politique” http://owni.fr/2012/05/16/parti-pirate-linvention-dune-culture-politique/ http://owni.fr/2012/05/16/parti-pirate-linvention-dune-culture-politique/#comments Wed, 16 May 2012 14:12:35 +0000 S.Blanc et G.Ledit http://owni.fr/?p=110313

Pierre Mounier à la rédaction d'Owni pendant son interview, Paris, Mai 2012

En juin, le Parti Pirate français, lancé en 2009, va vivre son premier vrai test électoral en présentant au moins une centaine de candidats aux législatives La jeune formation, comme ses alter ego des autres pays, décline la ligne de leur grand frère à tous, le PiratPartiet suédois, créé en 2006 : légalisation du partage en ligne, défense des libertés numériques, transparence de la politique, etc. Un programme qui commence à séduire comme en témoigne la présence de deux députés suédois au Parlement européen et leur entrée dans quatre parlements régionaux en Allemagne.

Le Parti Pirate a une image de rassemblement de jeunes geeks sympathiques et inexpérimentés. Pierre Mounier, qui se présente aux élections législatives dans le 20ème arrondissement de Paris (15ème circonscription), étonne : la quarantaine, professeur de lettres classiques, mais aussi fin connaisseur du numérique, puisqu’il est un fervent partisan des digital humanities, les humanités numériques, et tient un blog intitulé Homo numericus, un parfait résumé de son double profil. Comprendre le latin et le code, un cocktail rare. Son engagement auprès des Verts il y a une vingtaine d’année lui donne aussi du recul pour analyser le fonctionnement de sa nouvelle formation.

Il a pour suppléant un profil tout aussi atypique : David Dufresne, bien connu des lecteurs d’Owni, a créé en 1995 La Rafale, l’un des tous premiers webzines français, participé au mini-Rezo, “dinosaure” du web français des années 1990 ; il a co-écrit son Manifeste du web indépendant. Le texte défendait l’idée qu’Internet était le lieu où une information libre, indépendante, participative et pluraliste pouvait – devait – s’épanouir, face à la poussée consumériste.

Il a aussi trainé ses carnets de journaliste d’investigation dans plusieurs “prestigieuses” rédactions avant de partir en freelance pour explorer de nouveaux formats de journalisme sur Internet.

Ensemble, Pierre Mounier et David Dufresne ont décidé de “hacker les élections”, comme ce dernier s’en explique sur son blog :

De la politique, certes. Mais piratée, hackée, hâchée menue.
Ensemble, on écrivit ce petit bout de programme pour notre affiche :

Révolution numérique, mais appareils politiques restés à quai.
Nouveaux usages, mais contrôles d’un autre âge.
Cultures libres, mais marchands aux aguets.
Les nouvelles technologies changent le monde, et elles le font maintenant. Une possibilité s’offre désormais à nous tous: reprendre le contrôle de notre vie publique, ou laisser le Vieux Monde diriger toujours et contrôler encore.
Moussaillons ou vieux loups de mer, déçus de la politique ou utopistes, montez à bord.

La suite ici même. Très vite.
Code is poetic.

Derrière les élans lyriques, Pierre Mounier s’avance avec un discours bien construit, conscient des forces et des faiblesses du Parti Pirate français. Entretien.

Pour quelles raisons vous présentez-vous ?

Les motivations sont de deux ordres. D’une part, j’ai le sentiment que les questions liées au numérique, que ce soit la reconnaissance des nouvelles pratiques de partage culturel ou la défense des libertés numériques ne sont pas bien portées par les partis traditionnels. Les récentes déclarations (lien) de celui qui est devenu président de la République confirment ce sentiment. Il y a du travail, ce n’est pas parce qu’il y a un changement de majorité que tout va être réglé, loin de là.

Deuxième point, qui est tout aussi important, c’est l’impression que le jeu politique traditionnel représente de moins en moins bien les intérêts des citoyens, leurs aspirations et leurs besoins dans leur diversité. La solution ne réside ni dans l’abstention, c’est-à-dire de se dégager complètement, ni dans le vote protestataire, on est plutôt dans un surcroît d’engagement.

Si nous citoyens nous ne nous sentons plus représentés par le système politique actuel, ce n’est pas la faute des hommes politiques, “tous pourris” comme on dit, mais de la responsabilité des citoyens qui se sont dégagés progressivement de cette participation. La seule solution, c’est de participer : voice ou exit. Donc voice. C’est prendre les moyens, avec nos petits moyens, de retourner dans le jeu pour reprendre collectivement le contrôle de la vie publique.

Une des solutions, c’est de présenter des candidats citoyens qui ne sont pas des professionnels de la politique et qui ne le deviendront pas, quel que soit le résultat.

Bien sûr si quelqu’un est élu député, il s’engagera à fond pendant cinq ans, voire dix ans. Mais ça ne doit pas devenir le parcours d’une vie. Dans certains pays, comme en Allemagne ou en Scandinavie, il est normal d’alterner vie professionnelle et engagement public à un niveau local, national, on a même vu des ministres qui ensuite passent à autre chose quand ils ont fait leur temps.
Pour moi l’exemple, c’est Cincinnatus. C’est un modèle politique de la vieille république romaine, il cultive son jardin dans sa propriété pour améliorer la situation de sa famille. À un moment, la république est en danger et on vient le chercher parce qu’on a besoin de l’investissement d’un certain nombre de citoyens. Tite-Live raconte qu’on vient le trouver alors qu’il laboure, il laisse sa charrue au milieu de son champs pour aider la République puis il revient.
Nous ne sommes pas dans le cas d’une République en danger mais c’est important d’avoir cette possibilité.

On fait souvent le parallèle entre les Verts à leurs débuts et le Parti Pirate, vous le trouvez juste ?

Oui, car ils étaient alors peu structurés, très basiques et démocratiques. Il y avait cette possibilité lorsqu’on était simple militant de pouvoir peser sur le débat, d’avoir voix au chapitre. Avec un copain, j’étais engagé depuis un an, lors d’une AG locale à Paris, du temps où Waechter était à sa tête, nous proposons une motion intitulée “à gauche”. Tous seuls, sans appui, nous la présentons et elle passe. C’était la première fois qu’une motion en rupture avec la ligne “ni droite ni gauche” était adoptée. C’est très satisfaisant, cela donne foi dans le système politique de savoir que ce que l’on défend a une chance d’être pris en compte.

Pensez-vous que ce qui a manqué aux Verts, c’est l’Internet, qui facilite la mise en place d’une démocrative participative, comme on le voit avec LiquidFeedbackpar exemple ?
Le tournant des pirates allemands

Le tournant des pirates allemands

Ce dimanche, le Parti Pirate allemand est entré une quatrième fois dans un parlement régional. La petite formation ...

C’est un élément, mais je ne pense pas que ce soit le seul. Il y a toujours eu deux traditions chez les Verts, assez opposées. L’une libertaire, un peu anarchiste, prônant le partage du pouvoir, c’est “faire de la politique autrement” pour reprendre le slogan de l’époque.

L’autre tradition est liée à la thématique principale sur laquelle est les Verts, l’écologie. L’écologie politique est très liée à l’écologie scientifique, du coup il y a pas mal de scientifiques. Cette tradition que je vais appeler un peu scientiste, consiste à dire “il y a une crise écologique, il y a une vérité scientifique sur cette crise écologique, qui implique que l’on va prendre telles mesures”, et on peut pas discuter. Il existe donc une tradition autoritaire chez les Verts, en conflit avec la tradition libertaire. Et il me semble qu’à un moment, il y a eu un basculement.

De nouvelles traditions politiques sont aussi entrées chez les Verts à l’occasion du changement de majorité, en particulier lorsque Dominique Voynet a pris le pouvoir.

Les technologies toutes seules ne font rien, ce n’est pas parce qu’on a Internet que cela change fondamentalement le mode d’organisation d’un parti politique et qu’il est démocratique dans son fonctionnement interne, la culture politique des gens compte aussi.

Est-ce que le schéma que vous décrivez se reproduit au Parti Pirate, quelle est la culture politique des membres ? Est-ce qu’il y en a une ? Ou est-elle en perpétuelle invention ?

On est plutôt dans une phase d’invention d’une culture politique. La plupart des militants et des responsables sont très jeunes, la vingtaine. Je trouve cela très bien, ce ne sont pas des militants qui ont ce passé, parfois passif, de traditions politiques antérieures au Parti Pirate.

Ils sont frais mais cela ne signifie pas qu’ils sont dénués de culture politique.

Cette génération construit son expérience et sa culture politique à partir d’expériences fondatrices : la loi Dadvsi (loi relative au droit d’auteur et aux droits voisins dans la société de l’information) et la loi Hadopi.

Il y a eu le sentiment d’un déni de démocratie et quand je discute avec ces militants, on observe un phénomène de prise de conscience, ils se disent : comment peut-on faire ? Ils essayent  d’inventer des choses, avec Internet, pour le coup, comme par exemple la plate-forme démocratie liquide s’inspirant de l’expérience allemande.
Alors évidemment, c’est bricolé, il y a beaucoup d’aspects négatifs, mais le fond est bon et la direction dans laquelle ils se dirigent est très intéressante.

Quels sont les aspects négatifs ?

C’est bordélique, ça part dans tous les sens, les gens s’engueulent en permanence, les forums, c’est terrible.

Comment parvenir à ce point d’équilibre : rester frais tout en gagnant en maturité ?

Je ne sais pas si c’est un point d’équilibre, c’est plutôt un processus, et ce que je dois reconnaître, c’est que les responsables actuels, Maxime Rouquet et Baptiste Marcel, font un travail remarquables, . Le conseil administratif et politique (CAP), qui est un peu l’exécutif, fait un important travail de cadrage, tout en gardant un mode de fonctionnement ouvert et démocratique.

C’est là que la mobilisation des outils technologiques est importante. Par exemple, le programme a été voté en assemblée générale. Il est composé de deux parties, une innovation que je trouve intéressante : une partie obligatoire et une partie de mesures dites compatibles que les candidats choisissent de porter ou pas. Voilà un processus à la fois cadré et ouvert, un bon exemple de ce point d’équilibre.

L’exécutif se réunit tous les mardis soirs sur un serveur vocal qui s’appelle Mumble, ouvert à tous les adhérents. Ils peuvent assister aux discussions, y participer. Le compte-rendu est publié le mercredi. C’est un mode de fonctionnement transparent. Tout n’est pas parfait mais il y a une invention politique dans le détail et le fond.

Pierre Mounier à la rédaction d'Owni pendant son interview, Paris, Mai 2012

Vous avez envie de faire partie de cette instance ?

Il y a une deuxième instance, le conseil national, qui est une sorte de parlement, dont je suis membre. Il fonctionne sur un mode moins réactif et actif au jour le jour que le CAP, ce qui est normal, c’est un exécutif. Nous faisons deux réunions par mois sur Mumble, c’est moins impliquant et cela me convient pour l’instant.

Dans la plupart des partis politiques, et j’en ai fait l’expérience chez les Verts, c’est tout ou rien. Soit tu es bouffé par l’engagement et tu ne vois même plus ta famille, tu deviens un professionnel, ou tu sautes. Sinon, tu es réduit au rôle d’agitateur de drapeaux dans les meetings ou de colleur d’affiches.

Il me semble très important pour un parti de nouvelle génération, de l’ère Internet, d’offrir la possibilité de cette progressivité d’implication.

Vous communiquez beaucoup à l’international, pour vous inspirer ?

On regarde pas mal ce que font les Allemands. L’implémentation de la plate-forme LiquidFeedback vient d’eux, on a repris des logiciels.

Comment allez-vous faire campagne concrètement, alors que vous partez sur le principe d’une campagne zéro coût ?

Le principe est de dire que, puisque nous présentons des candidats citoyens non professionnels, il faut les aider à faire campagne en fonction de leurs moyens, avec des kits.

C’est là qu’il y a un paradoxe : le système de financement public des campagnes électorale et donc de la vie publique, qui est censé établir une forme d’égalité entre les partis, du fait de sa complexité, accroit le ticket d’entrée. Il y a des systèmes de contrôle assez sévères et en particulier à partir du moment où le compte de campagne enregistre un euros de dépense ou de don, tu es obligé d’avoir un expert-comptable, c’est 300 euros minimum.

Le compte de campagne concerne l’organisation – les meetings, le tractage, les affiches -. Mais une grosse partie des dépenses touche la campagne officielle : l’impression des bulletins, des circulaires et des affiches officielles. J’ai 77 000 électeurs inscrits dans ma circonscription, les frais s’élèvent en moyenne à 3 000 euros, c’est plus qu’un mois de salaire, et le Parti Pirate ne peut pas les sortir. D’où notre appel à dons.

Le Parti Pirate a proposé de faire les impressions en fonction de nos moyens, ce ne sera pas 100% des votants, mais 10 ou 20%. Concernant les circulaires, comme c’est envoyé par la Poste, c’est difficile de n’en imprimer qu’une partie.
Du coup, j’étais parti sur une campagne double zéro, 0 sur le compte de campagne, 0 dépenses officielles ou très très peu, juste pour imprimer une partie des bulletins. On fait donc tout sur Internet : les gens peuvent imprimer la circulaire et le bulletin de vote. C’est sympa mais ça plombe la campagne.

Vous allez faire les marchés ?

Non. Je pense que ça ne sert à rien. Je trouve que contrairement à d’autres pays comme l’Allemagne, les espaces publics en France sont totalement dévitalisés. Ce qu’on voit sur les marchés c’est glauque. Les gens sont en train de faire leurs courses et le candidat leur vend une salade de plus. Il n’y a pas de véritable échange ou de véritable débat.

Ce sur quoi je travaille, c’est sur l’organisation de débats publics. Pas sur les marchés, mais des débats publics où viennent ceux qui sont intéressés, sur différents points du parti pirate. De telle manière qu’il puisse y avoir cette discussion. Je l’explique d’ailleurs dans ma profession de foi. Je ne vais pas chercher à vendre ma salade aux électeurs.

Ce qui m’intéresse, c’est comment est-ce qu’ensemble on va pouvoir discuter, et commencer à construire des processus de discussion et donc de concertation, pour prendre ensemble des décisions publiques. C’est là que la plateforme démocratie liquide entre en ligne de compte. Ce sur quoi j’aimerais m’engager vis à vis des électeurs, c’est à ce qu’il y ait des processus de consultation permanents sur les sujets discutés à l’Assemblée. Je suis conscient que cela irait à l’encontre de l’esprit des institutions.

Le mandat de député n’est pas un mandat impératif. Le député, lorsqu’il est élu, il fait ce qu’il veut et n’est pas tenu d’appliquer le programme sur lequel il a été élu. Il n’est pas responsable devant ses électeurs mais devant la nation. Ce que je veux faire, et proposer, c’est de hacker ce truc là. De le pirater. Et de dire que l’esprit des institutions, cela ne marche plus.

Ce que je veux faire, c’est me transformer en député responsable justement devant ses électeurs. Et qui avant de prendre part à un vote important à l’Assemblée nationale, revient devant ses électeurs, organise des débats publics et, pourquoi pas, organise une consultation sur une plateforme de démocratie liquide. Et se sent tenu par ce qui a été voté par les électeurs de sa circonscription. C’est totalement anticonstitutionnel. Pas au sens juridique mais au sens de l’esprit de la loi. Mais cela me semble être un bon moyen pour articuler démocratie représentative et démocratie directe. Aujourd’hui, on a une opposition forte entre un système représentatif qui n’est ni direct ni participatif, et des gens qui font des expérimentations de démocratie directe mais qui à mon avis sont insuffisantes. Il me semble que l’un et l’autre doivent être articulés.

Vous avez discuté avec les formations politiques traditionnelles ?

Pas vraiment. Ma candidature est toute nouvelle, et les autres candidats n’ont pas lancé leur campagne. Mais la candidate verte va lancer sa campagne par une réunion publique, et j’irai sans doute discuter avec elle.

On parle beaucoup des difficultés du PP à s’imposer par rapport à ses homologues allemands. Les raisons avancées ont souvent trait au système électoral. Mais il va bien y avoir un moment où le PP français devra sortir de ces histoires de campagne à 0 euros, pour au moins recevoir des dons. C’est difficile de se propulser dans l’espace public sans trésor de guerre, non ?

En France, c’est la première élection où il y a une volonté de présenter des candidats à une élection générale. Là, c’est le premier coup, donc on fait avec ce qu’on a. L’étape suivante, c’est les européennes de 2014. Et ça va être très intéressant, parce qu’il y a l’idée d’une plateforme européenne des différents partis pirate qui a été formulée à Prague. Par ailleurs, c’est un scrutin de liste et proportionnel, il y aura des choses à faire. Et on a plus d’un an pour s’y préparer. L’objectif est bien de se structurer et d’avoir plus de moyen.

Pirates de tous les pays

Pirates de tous les pays

Objectif : les Partis Pirates au Parlement européen en juin 2014. Ce week-end à Prague, nous avons suivi la conférence du ...

Soyons optimistes, et imaginons que le PP parvienne à avoir plus d’envergure dans la vie politique française : il ne devra pas pour autant oublier ses origines. Ne pas oublier qu’il a pour objectif de réformer le système politique actuel, pour continuer de permettre des candidatures citoyennes. S’il l’oublie, il devient comme les Verts.

On dit toujours que l’Allemagne est avantagée parce qu’il n’y a pas cette fameuse barrière des 5%, mais de fait il y a eu un saut qualitatif important en Allemagne. Les pirates sont passés de pas grand chose à une présence dans quatre parlements. Ils ont quelque chose en plus où c’est le climat et le contexte politique qui est vraiment différent ?

Il y a plein de paramètres très différents. L’exemple allemand est intéressant, mais à mon avis on peut pas en faire grand chose ici. Premier paramètre : la culture technologique est bien plus élevée dans la population allemande qu’en France. Le Chaos Computer Club, c’est quand même quelque chose en Allemagne. Ce qu’on appelle en France, “les geeks”, ou plus simplement ceux qui s’investissent sur les thématiques numériques, sont moins nombreux en France qu’en Allemagne. Deuxième paramètre : les allemands ont une tradition démocratique bien plus vivace qu’en France. Il y a un attachement à la vie démocratique qui est bien plus fort que ce qu’on peut trouver en France. Du coup les partis comme le PP montent beaucoup plus vite à mon avis.

C’est une question de culture politique. Il y a sans doute des éléments conjoncturels qui m’échappent, et qui sont liés à la vie politique allemande, comme l’effondrement du parti libéral.

Revenons aux Verts. Cela fait 35 ans qu’ils sont dans le paysage politique. Et ils en sont où ? On peut leur faire pas mal de reproches, mais ils sont victimes d’un paysage politique complètement verrouillé.

Avez-vous un objectif pour cette élection ?

L’objectif pour moi, c’est 5%, ce qui entraîne le remboursement des frais. Je ne suis pas du tout sûr de l’atteindre, mais ça signifierait quelque chose. La composition sociologique du quartier est plutôt favorable. Il est très à gauche, mais au-delà de ça, il est composé pour une grande partie de milieux très populaires, et pour l’autre d’individus travaillant dans les secteurs culturels. Par ailleurs, c’est un quartier dont la population est jeune. On peut espérer qu’elle soit plus sensible aux thèmes portés par le PP.

Imaginons : vous êtes élu député. Quelles sont vos trois priorités ?

Ce sont les points du programme du Parti Pirate, tout simplement. La légalisation du partage non marchand et la réduction du fichage informatique, comme la suppression de la dimension biométrique des papiers d’identité.  Le troisième point n’est pas dans le programme, mais j’aimerais pousser à l’application du référendum d’initiative populaire. D’ailleurs, c’est ce que veut faire le parti socialiste. Et ça me semble très important, parce que c’est aussi un moyen de revitaliser la vie politique et la participation.

En revanche, comme je l’ai dit, je ne le ferai pas sans une consultation du corps électoral, avec débats et discussions.

Comment fait-on pour continuer de hacker sans se faire récupérer, ou rentrer dans le système, comme les Verts ?

Je pense que cela peut être endigué par la mise en place de mécanismes. Des mécanismes de partage du pouvoir par exemple. Là je n’invente pas grand chose, parce que je ne fais que redire ce que disait les Verts il y a vingt ans :

“Le pouvoir corrompt, le pouvoir absolu corrompt absolument.”

Le pouvoir ne doit pas être concentré entre les mains d’un seul homme, les directions doivent être collectives et les systèmes de contre-pouvoir efficaces. Ce sont les mécanismes d’ensemble. Après, ça se joue dans les détails. Chez les Verts, il y a vingt ans, il y avait une règle simple : lors d’une réunion, ou d’une assemblée générale, il y a une heure de début et une heure de fin, et on ne dépasse pas. Ça paraît stupide, mais ça sert à ce que les gens qui ont une vie de famille ou des impératifs puissent participer. Parce que sinon, c’est à une heure du matin que le truc vraiment important est voté, et il ne reste que les durs de durs. Avec ce genre de règles simples, on limite déjà les risques de professionnalisation des personnes investies. Après, il faut sans doute des professionnels, mais il faut organiser ces différents niveaux d’investissement.

Je pense qu’un homme politique traditionnel est nécessairement professionnalisé, parce qu’il doit intégrer, intérioriser toute une masse de compétences, de connaissances, d’investissement, de techniques, de stratégies. Lorsqu’on travaille avec Internet, on peut se reposer sur des réseaux et partager beaucoup plus l’information, la faire circuler, la mobiliser. C’est amusant ces moments de campagne : on voit les hommes politiques tout seuls devant leurs micros et ils doivent répondre à toutes les questions sur tous les sujets. Il y a cette espèce de tension qui fait que l’homme politique est censé tout savoir sur tout, tout seul. Ce que j’aimerais, c’est voir un homme politique arriver avec un ordi. Et dire :

attendez deux minutes, vous me posez une question, je n’ai pas le chiffre en tête, je vais vérifier, ou mobiliser quelqu’un pour répondre. Je fais partie d’un réseau et c’est le réseau qui vous répond. Je ne suis que le point de mobilisation de ce savoir.


Photographies à l’iphone et instagramées par Ophelia Noor pour Owni /-)

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Le tournant des pirates allemands http://owni.fr/2012/05/14/le-tournant-des-pirates-allemands/ http://owni.fr/2012/05/14/le-tournant-des-pirates-allemands/#comments Mon, 14 May 2012 15:04:39 +0000 Sabine Blanc http://owni.fr/?p=110059

Quatre élections régionales, quatre succès : le Parti Pirate a réalisé un sans fautes lors de la série d’élections régionales qui s’est déroulées depuis cet automne outre-Rhin. À chaque fois, il est parvenu à faire élire pour la première fois des représentants, de quoi lever de grandes espérances, à seize mois des législatives. La formation est désormais présente dans un quart des parlements régionaux.

Ce dimanche, il a obtenu 7,8% des voix en Rhénanie-du-Nord-Westphalie, le Land le plus peuplé et le plus riche, soit vingt sièges, ce qui en fait leur plus grosse délégation. Le SPD est arrivé largement en tête, infligeant une claque à la CDU, avec 13 points de plus.

Le bal des pirates avait été ouvert en septembre avec leur entrée fracassante au Parlement de Berlin, suivi de celui de Sarre et du Schleswig-Holstein. À chaque fois le score oscillait autour de 8%. Ils se sont permis à deux reprises de dépasser le FDP, partenaire mal en point de la coalition conservatrice emmenée par la chancelière Angela Merkel. Quant à Die Linke, l’extrême-gauche, elle est en déroute. Ils talonnent les Verts, et un sondage – un peu optimiste – les avaient même placés devant eux le mois dernier.

Fondé en 2006, dans la foulée du premier Parti Pirate, né en Suède, cette jeune formation parvient à séduire avec son programme dont le cœur se focalise sur le numérique – légalisation, défense des libertés numériques, open governement -, et qui l’élargit petit à petit pour assoir sa crédibilité, comme en témoigne leur soutien au revenu de base. Ils prônent le retour à une démocratie participative horizontale, la “démocratie liquide”, avec par exemple la mise en place de leur outil LiquidFeedback : il permet de proposer des initiatives, en soutenir ou amender, et celles qui ont retenu le consensus sont ensuite proposées par les élus. Alors que le système politique parait usé et que la répression se renforce contre le téléchargement illégal, le programme fait mouche et se traduit par des bulletins sonnants trébuchants dans les urnes et en nombre d’adhérents, qui sont venus grossir les rangs après chaque victoire.

La fraicheur perdue des Verts

Pirates de tous les pays

Pirates de tous les pays

Objectif : les Partis Pirates au Parlement européen en juin 2014. Ce week-end à Prague, nous avons suivi la conférence du ...

Faire de la “politique autrement”, accent mis sur un thème nouveau, le cocktail rappelle celui des Verts à leur départ, voilà quarante ans. Des Verts qui se sont à leur tour institutionnalisés en participant à des coalitions et ont perdu leur fraicheur initiale. À ce titre, le transfert des Verts vers le Parti Pirate de l’épouse de l’ex porte-parole de WikiLeaks qui a lancé OpenLeaks, la médiatique Anke Domscheit-Berg, ressemble à un symbole.

Et c’est le défi principal qui attend le PP : gagner du poids sans être rattrapé par un système qu’ils ont la prétention de hacker, de rebooter, pour tirer la métaphore informatique. Le succès soudain peut se révéler un cadeau empoisonné, comme l’analysait Pavel Mayer, élu au parlement de Berlin cet automne :

C’est effrayant. Avec ce succès un grand nombre de responsabilités arrivent, et aussi d’attentes, que nous ne pouvons pas satisfaire. Il y a une évolution qui passe par le parti. Beaucoup de personnes l’ont rejoint, et ils doivent y être intégrés. Aussi ces 10 à 11 % que nous avons atteints signifient-ils plus de travail pour chacun de nous. Et c’est ce qui est effrayant.

Rejoindre ou pas une coalition, la question s’est posée plus vite que prévue. Le PP souhaitait échapper à l’habituel clivage droite-gauche. Mais dans la pratique, il faut bien un jour se placer d’un côté. Quand nous avions rencontré des élus berlinois peu après leur victoire, l’heure était à l’apprentissage prudent, dans l’opposition. Alex Morlang avait justifié cette position :

En Allemagne, des partis surgis de nulle part ont explosé, ils ont rejoint une coalition et ils ont perdu. Il est difficile et long d’apprendre comment le système marche, ce n’est pas une option, si nous rejoignons la coalition, nous serons réduits en pièce ou déchiquetés.

Depuis, le champagne a coulé sur leur navire et on a vu le PP proposer son soutien à une probable coalition SPD-Les Verts- au Schleswig-Holstein. Ce geste a été interprété comme un pas en direction de la gauche.

Faut-il se précipiter dans les bras d’une coalition gouvernementale, si l’occasion se présente, rien n’est moins sûr pour Sebastian Nerz, l’ancien président du PP, récemment remplacé :

On ne doit pas reculer devant les responsabilités. Mais nous ne devons pas nous concentrer sur la participation à un gouvernement. Il nous faut apprendre le travail parlementaire et nous devrions être préparé à passer d’abord une première période législative à ça et ensuite envisager une coalition gouvernementale.

Si la situation devait se présenter, par exemple parce que d’autres coalitions ne sont pas possibles ou parce que beaucoup de nos objectifs pourraient être atteints, il ne faudrait pas reculer. Mais cela ne devrait pas figurer en haut de la liste de nos tâches.

En parallèle, le Parti Pirate doit continuer d’élargir son champs de proposition. “Ce n’est pas assez de se concentrer simplement sur nos sujets initiaux, poursuit Sebastien Nerz. Il n’y a rien à gagner à bâtir à la hâte un programme complet mais nous ne devons pas non plus ignorer les sujets hors de notre cœur d’action.”

Nouveau président

Le Parti pirate français sous pression

Le Parti pirate français sous pression

Ce mercredi, le Parti Pirate français a présenté ses candidats aux législatives de juin. Les attentes sont grandes pour ...

Cette entrée dans l’âge adulte est incarné par le profil atypique du nouveau président du PP. Le jeune geek informaticien a cédé la place à Bernd Schlömer après leur congrès d’avril. Ce quadragénaire, qui s’occupe de la formation au ministère de la défense,  catholique pratiquant, père de famille au look old school, est d’abord passé par Transparency international, où il travaillait à la lutte contre la corruption en entreprise. Si on est loin du combat en faveur de la légalisation des échanges de fichiers, il y a un point commun : la volonté de transparence.

Son objectif à moyen terme est la participation à une coalition gouvernementale. Mettre de l’eau dans le vin du parti lui semble naturel. Contrairement aux informaticiens, ou du moins l’image qu’il s’en fait :

Ils pensent binaires. Une chose doit être bonne ou mauvaise. Il est difficile de les amener à un compromis. Pourtant la politique comporte parfois des compromis.

Bernd Schlömer a été élu avec 66% des suffrages… des 1 500 membres présents. Ce qui ne fait jamais que 4% des 25 000 adhérents. Reste à savoir si sa direction représente bien celle de la base.

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Le Parti Pirate allemand étend son pavillon http://owni.fr/2012/05/07/le-parti-pirate-allemand-land-mai/ http://owni.fr/2012/05/07/le-parti-pirate-allemand-land-mai/#comments Mon, 07 May 2012 15:04:34 +0000 Sabine Blanc http://owni.fr/?p=109248

Les supporters du Parti socialiste célébraient également une victoire électorale ce week-end. Le Parti Pirate allemand fêtait un nouveau joli score, qui confirme son enracinement dans le paysage politique outre-Rhin. Aux élections régionales du Schleswig-Holstein, un Land du Nord pauvre et rural, il a obtenu 8,2% des suffrages, lui permettant d’obtenir six sièges. C’est autant que les libéraux du FPD, les alliés en perte de vitesse de la coalition gouvernementale menée par les conservateurs de la CDU. Certes, la formation est encore loin derrière les grands partis, respectivement 31,5% et 29,9 % pour la CDU et le SPD, et 13,3% pour les Verts. Mais l’important réside dans leur progression : le PP fait plus que quadrupler son score du précédent scrutin, 1,8% en 2009. La CDU perd le contrôle du Land, et Die Linke n’a plus de siège.

Le PP accroche ainsi un nouveau trophée à son tableau de chasse qui s’est sérieusement étoffé ces derniers mois : entrée fracassante au parlement régional de Berlin en septembre puis au parlement de Sarre en mars, ce qui lui avait valu une déclaration de reconnaissance de la part de la chancelière Angela Merkel. Selon elle, le Parti Pirate est “un facteur important” de la vie politique allemande.

Le trublion se permet même de proposer ce lundi son soutien à la probable coalition SPD-Les Verts-Südschleswigschem Wählerverband (SSW, le parti de la minorité danoise). Toutefois, il entend éviter d’être “pris dans des projets de loi gouvernementaux.”

Le parti né en Suède en 2006 séduit beaucoup les jeunes avec son programme initialement consacré aux libertés numériques, ce qui lu a valu une étiquette de “parti de geeks”. Toutefois, il continue aussi de profiter de l’usure du système actuel, en prônant la transparence en politique et une démocratie plus horizontale, avec par exemple leur outil participatif LiquidFeeback. Sebastian Nerz, le jeune président du PP allemand, nous a répété les explications qu’il avance aux médias de plus en plus curieux qui les sollicitent :

Beaucoup de gens sont frustrés par la politique en cercle fermée en œuvre depuis plusieurs décennies. Ils veulent participer aux processus politiques. Et ils constatent que les vieux partis sont incapables de résoudre nos problèmes actuels. Nous présentons des idées nouvelles, une politique ouverte et transparente et nous avons le courage de poser des questions qui dérangent.

La bourde du chef de file du PP au Parlement de Berlin, qui a récemment comparé l’ascension fulgurante du PP à celle des Nazis dans les années 30, ne semble pas avoir eu d’impact.

Envol des adhérents

Cette série de succès profite aux effectifs, qui se sont logiquement envolés ces derniers mois, chaque victoire amenant son lot de nouveaux membres, “essentiellement des libéraux” selon Sebastien Nerz. Néanmoins, le sondage qui propulsait le PP sur la troisième marche du podium des partis allemands, devant les Verts et Die Linke, parait un peu optimiste.

Progression des effectifs Parti Pirate allemand

Le regard naguère contempteur des caciques allemands de la politique a évolué. Sebastian Nerz observe non sans plaisir :

Il n’y a pas un an, ils nous méprisaient. Maintenant, ils doivent prendre en compte nos idées et la façon dont nous voyons la politique. Ils doivent adopter certaines de nos idées. J’aime vraiment ça.

Le Parti Pirate allemand entend continuer sa stratégie actuelle qui porte ses fruits : cultiver sa baseline tout en s’attaquant à d’autres thèmes pour séduire un cercle plus large.

Nous allons même élargir un programme encore plus large, mais nous continuerons de montrer que les hommes politiques peuvent travailler dans la transparence, que la participation mène à de meilleurs résultats et -surtout -, que la liberté et les droits civiques ne doivent pas être méprisés.

Le Parti pirate français sous pression

Le Parti pirate français sous pression

Ce mercredi, le Parti Pirate français a présenté ses candidats aux législatives de juin. Les attentes sont grandes pour ...

Dès dimanche prochain, c’est un nouveau test qui attend le PP, avec un morceau de taille : le Land de Rhénanie-du-Nord Westphalie, le plus important d’Allemagne tant par sa taille démographique que par son poids économique.

En dépit de leur courte existence – ils se sont lancés en 2009 -, leurs cousins anglais ont aussi passé un bon week-end électoral : ils ont atteint pour la première fois 5% des voix à l’occasion des élections locales, dans la ville de Manchester, et un autre candidat a reçu 3 % des voix.

Certes ces scores ne leur permettent pas d’obtenir un siège, mais une pression supplémentaire pour le Parti Pirate français en lice aux législatives le mois prochain et qui pour l’heure semble appliquer le principe de transparence à son existence même.


Illustration par Loguy /-)

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http://owni.fr/2012/05/07/le-parti-pirate-allemand-land-mai/feed/ 4
Vendredi c’est Graphism ! http://owni.fr/2012/04/27/vendredi-cest-graphism-tchernobyl-graffiti/ http://owni.fr/2012/04/27/vendredi-cest-graphism-tchernobyl-graffiti/#comments Fri, 27 Apr 2012 09:11:10 +0000 Geoffrey Dorne http://owni.fr/?p=108122 embeded dans tes lignes de codes. Voir d'autres lignes. C'est vendredi, et c'est graphism' ! ]]>

Hello les ptits loups et soyez les bienvenus sur Vendredi c’est “Graphism”, la chronique graphique d’Owni !

Au programme de la semaine, un clip haut en couleurs, des affiches coupées-décalées, une vision particulière du métier de graphiste, des graffitis à Tchernobyl, une représentation de l’anthropocène et un appareil photo vivant qu’il va vous falloir toucher. On terminera sur un WTF avec un Mario qui a un peu changé ;-)

Bon vendredi et… bon “graphism” !

J’espère que vous êtes bien assis car on commence la semaine en fanfare avec ce clip vidéo musical très coloré et animé sur une des chansons de l’album “Both Lights” de AU “OJ”. Réalisé par Takafumi Tsuhiya, cette vidéo va tenter de vous mettre en lévitation avec cet ensemble de couleurs vibrantes dansantes et aériennes. dans le ciel. Ainsi, Takafumi Tsuhiya parle de son travail comme essayant d’être au plus proche de la musique qu’il illustre.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

source

On continue la semaine avec cette petite série d’affiches assez décalées que je me suis amusé à réaliser. En effet, pas évident de choisir “le bon candidat” ou de peser le pour et le contre sur chaque programme ! Alors pourquoi ne pas imaginer des “mashup” de candidats, des mélanges d’idées, des mélanges visuels, des mélanges… de leurs affiches ? Au final, certains sont plutôt “raccords” ;-)

vote small Aujourdhui, je ne savais pas trop pour qui voter...

l'image en grand ]

source

On continue notre revue de la semaine avec cette vidéo d’animation intitulée “Never confuse a single defeat with a final defeat”, comprenez : “Ne confondez jamais un échec avec une défaite”. Cette citation de F. Scott Fitzgerald (à qui l’on doit Gatsby le magnifique) a servi de point de départ pour créer cette jolie animation sur le processus créatif dans le milieu du travail en entreprise. L’idée derrière tout ceci étant de donner du courage aux graphistes, designers, créatifs. Ainsi, ce projet de stage d’été réalisé par Sara Shin a quand même été produit par « BL:ND », animé par David Bauer et mis en musique par le designer sonore David Kamp.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

source

Toujours cette semaine a été mis en avant le travail du photographe Jan Smith qui présente cette série de photos magnifiquement envoûtantes qu’il est allé faire à Tchernobyl. Il a été exactement 26 ans après l’accident nucléaire catastrophique survenu dans la ville ukrainienne, la ville est restée aujourd’hui inhabitée…sauf pour un petit nombre de personnes. Jan Smith a donc décidé de photographier les graffitis de la ville. Il raconte qu’il a ainsi commencé son travail à Pripiat (la ville évacuée après la catastrophe de Tchernobyl) et a été immédiatement attiré par ces graffitis et ce mélange de nostalgie, d’innocence, d’humour dans cet endroit isolé. Certains graffitis sont grands et mis en évidence mais beaucoup sont de petite taille et les trouver était pour Jan Smith, une sorte de quête.

Voici son travail :

source | source

On continue encore avec cette animation réalisée par Globaïa pour le court métrage intitulé «Bienvenue à l’anthropocène». Le discours qui se cache derrière cette vidéo est que toute chose vivante affecte ses environs, mais que l’humanité influence désormais tous les aspects de la Terre à une échelle comparable aux grandes forces de la nature.  Toute notre histoire est ainsi représentée dans cette période géologique appelée l’holocène – ce “bref” intervalle qui remonte à 10.000 ans. Mais nos actions collectives nous ont amenés dans un territoire inexploré. Un nombre croissant de scientifiques pense que nous sommes entrés dans une nouvelle époque géologique qui a besoin d’un nouveau nom – l’anthropocène dont voici une de ses représentations :

Cliquer ici pour voir la vidéo.

source

On termine donc sur un projet intriguant intitulé Touchy ! Cet « appareil photo humain » est un concept réalisé par le designer Eric Siu. L’idée est d’être aveuglé “constamment” par ce casque-appareil photo, jusqu’à ce que quelqu’un vous touche et déclenche ainsi l’ouverture des volets automatiques. Ensuite, si le contact physique est continu, l’appareil prend une photo toutes les 10 secondes. Pour un meilleur auto-portrait, Eric Siu recommande de présenter son visage debout face à l’appareil-homme et le regarder droit dans les yeux pendant 10 secondes afin d’obtenir le meilleur portrait possible.

Une façon détournée, avec pour prétexte, la photo, afin de re-créer du contact entre les gens et de pouvoir communiquer de nouveau les uns avec les autres, indépendamment de toute apparence physique.

J’attire donc votre attention sur ce projet car il est en quelque sorte, une expérience d’interaction phénoménologique et sociale qui met vraiment l’accent sur la relation entre donner et recevoir. Le fait également de transformer un être humain en caméra est quelque chose qui ne manque pas d’humour, surtout dans la façon dont est traité le sujet. Une sorte de façon de guérir l’anxiété sociale par le design, en créant des interactions joyeuses.

touch Touchy la caméra humaine quil faut toucher pour se prendre en photo !

La vidéo :

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Le concept en images :

concept Touchy la caméra humaine quil faut toucher pour se prendre en photo !

source

On termine notre “Vendredi c’est Graphism” sur un bon petit WTF de derrière les fagots, avec notre ami Mario qui devient complètement fou et qui adopte une attitude drôlement… violente !

Cliquer ici pour voir la vidéo.

source

Allez hop, pour le mot de la fin, je vous invite à écouter Itsy Bitsy Sunshine, à vous moquer de la télévision Ikea, à vous habiller en Space Invaders, ou encore à vous rendre à Hyères pour le 27e festival international de la mode & de la photographie. Et si ça vous tente, ce week-end, c’est également le Salon International du Livre Ancien, de l’Estampe et du Dessin… pour les amoureux des belles pages ! Oh et s’il vous reste encore un tout petit peu de temps, n’hésitez pas à me suivre sur Instagram, je m’amuse à publier un dessin par jour ;-)

Excellent week-end… et à la semaine prochaine !

Geoffrey

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Le peuple de 2012 rendu intelligent http://owni.fr/2012/01/03/presidentielle-2012-peuple-intelligent/ http://owni.fr/2012/01/03/presidentielle-2012-peuple-intelligent/#comments Tue, 03 Jan 2012 15:37:29 +0000 Jean-Paul Jouary http://owni.fr/?p=92307

Citation : « Notre rapport au vrai passe par les autres. Ou bien nous allons au vrai avec eux, ou bien ce n’est pas au vrai que nous allons ». – Maurice Merleau-Ponty


S’il faut se défier des spectacles illusoires que notre système social sécrète comme sa condition de fonctionnement et condition d’occultation de ce fonctionnement, et si tout ce qui entrave la création par le peuple de son propre destin est contraire à toute idée d’émancipation humaine, cela signifie-t-il que le peuple ne se trompe jamais ?

Toute l’histoire est là pour attester le contraire : ce n’est pas qu’en Allemagne des années trente que le peuple a lui-même plongé dans l’inimaginable barbarie mais, même si c’est le plus souvent dans des impasses moins monstrueuses, en d’innombrables autres circonstances. C’est même en référence à cette réalité que ceux qui protègent de toutes leurs forces les pires injustices des sociétés existantes accusent de « populisme » quiconque demande plus de démocratie.

La campagne électorale en cours n’échappe pas à cette règle : ce sont celles et ceux qui prétendent qu’il n’est d’autre société possible que celle où ils dominent et prospèrent, qui s’accrochent le plus à la parodie de démocratie qu’est devenue la “démocratie représentative”.

L’argument est simple et convaincant : la crise est si complexe que les meilleurs experts et les meilleurs praticiens de la politique économique eux-mêmes ne parviennent pas à en endiguer les mécanismes et les effets. Comment alors un peuple ignorant de toute cette science pourrait-il y prétendre ? Au contraire même, chacun voit bien que plus de démocratie ferait le lit des extrémistes des deux bords, dont on ne cesse de dépeindre le “populisme” commun.

Et comment imaginer que des indignés campant comme des miséreux sur des agora modernes pour palabrer à longueur de journée, ou ces tweeters sans diplôme de l’ENA ou d’HEC qui font circuler leurs petits messages, puissent faire émerger des idées d’avenir ? Il faudrait donc protéger le peuple contre lui-même. Et sous prétexte que de toute évidence le peuple n’est pas infaillible, il conviendrait de soumettre son destin à des monarques dont tout montre que leur « science » produit délibérément une catastrophe planétaire.

Le problème n’est ni simple ni nouveau. Platon déjà doutait qu’un peuple puisse se gouverner lui-même en accédant à la vérité politique. Vingt siècles plus tard John Locke, initiateur philosophique du libéralisme économique, écartait le peuple de toute légitimité politique, la compétence en ce domaine coïncidant avec le pouvoir économique et monétaire. Contre John Locke, Rousseau lui-même se désespérait de ne pouvoir concevoir l’accession du peuple aux idées de justice sociale dont il aurait pourtant besoin.

Marx qui pourtant avait la conviction que seuls les peuples produisaient leur histoire et qui toujours refusa l’idée même d’un “modèle” théorique de société ou d’une “vérité” a priori en ce domaine, en vint à se demander si un jour un peuple serait capable de s’émanciper assez largement pour empêcher la violence des possédants de massacrer ses espérances démocratiques. Et notre présent montre assez qu’entre ce que l’on aimerait voir les peuples – à commencer par le nôtre – construire pour gagner en liberté et en mieux vivre, et ce que ces peuples font souvent pour leur propre malheur, il y a un écart désespérant.

Certains en viennent à rêver de briser ce cercle vicieux par la violence minoritaire, comme si l’histoire n’enseignait rien à ce sujet. D’autres en viennent à s’accommoder de la résignation qui en résulte et à rechercher le “moins pire”. Quant à ceux qui dominent, plastronnent et se repassent les pouvoirs avec leurs cortèges de privilèges, ils mettent en garde contre les premiers et flattent les seconds, afin de naviguer sur les déferlantes des malheurs du monde. Et cela n’est pas sans effets puisque, selon les mots d’Hannah Arendt,

on peut également ériger un “monde” » sur le mensonge : l’organisation sur la base d’un mensonge n’est pas moins puissante que celle sur la base du vrai.

C’est bien au nom de cette difficulté à cerner le genre de “vérités” dont a besoin la politique, qu’en temps de campagne électorale les uns appellent les électeurs à leur faire confiance, et les autres y consentent à force de se sentir incompétents eux-mêmes. C’est ainsi qu’à coups de sondages, à force de médiatisation, grâce à la logique bi-polarisante de nos institutions, grâce à la logique verticale du pouvoir qui leur est attachée, grâce au détournement de la démocratie par une forme délégataire du suffrage universel, grâce à la transformation en spectacle de tout cet édifice, les citoyens s’enferment eux-mêmes dans un cercle vicieux et en viennent à considérer que tout se vaut et qu’en définitive il n’y a de choix qu’entre l’abstention et le vote contre le pire.

Derrière le renoncement à sa propre souveraineté, il y a dans le peuple, le plus souvent à son insu, une certaine idée de la “vérité” qui alimente la croyance aux “experts” en politique, aux “scientifiques” en économie, donc à l’incapacité des citoyens de reconnaître, définir et pratiquer une politique cohérente.

Disons-le tout net : si refuser ce type de raisonnement est du “populisme”, alors il faut crier haut et fort que la démocratie est le pire des principes. Mais pour ceux que cette démagogie exaspère et qui coûte que coûte conserve la citoyenneté active chevillée à la conscience, il y a une autre vision des choses possible. Par exemple, celle que le philosophe Maurice Merleau-Ponty indiquait dans son Éloge de la philosophie :

Notre rapport au vrai passe par les autres. Ou bien nous allons au vrai avec eux, ou bien ce n’est pas au vrai que nous allons.

Mais celui que certains “marxistes” d’alors insultaient pour ce genre de propos, avait sans doute lu Marx avec plus de soin et moins d’aveuglement. Le Marx qui écrivait à Arnold Ruge en 1843 qu’un authentique révolutionnaire ne pouvait proposer ni un idéal ni un modèle, mais seulement l’explicitation des “principes que le monde a lui-même développés en son sein”, c’est-à-dire de contribuer à rendre manifeste “le mouvement réel qui abolit l’état actuel”.

À ceux qui se voient sommer de s’adapter au mouvement du monde par ceux qui justement provoquent ce mouvement, il appartient donc dans les pratiques quotidiennes comme dans les isoloirs de bien voir les avenirs possibles dont ils sont porteurs…

N.B : Outre l’Éloge de la philosophie de Maurice Merleau-Ponty, lire la lettre de Karl Marx à Arnold Ruge de 1843, et, dans les écrits intitulés Journal de pensée, d’Annah Arendt, le §26 du tome 1 et le §29 du tome 2. Lire aussi La crainte des masses d’Étienne Balibar.


Retrouvez toutes les chroniques philo de Jean-Paul Jouary.

Poster par Marion Boucharlat pour Owni (cc)

Illustration par Tamari09 [cc-by-nc] via Flickr remixée par Ophelia Noor

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http://owni.fr/2012/01/03/presidentielle-2012-peuple-intelligent/feed/ 9
La lutte irrationnelle contre la délinquance http://owni.fr/2011/12/29/la-lutte-irrationnelle-contre-la-delinquance/ http://owni.fr/2011/12/29/la-lutte-irrationnelle-contre-la-delinquance/#comments Thu, 29 Dec 2011 15:10:41 +0000 Denis Colombi (Une heure de peine) http://owni.fr/?p=91898

Comme on ne change pas une recette qui marche, le ministre de l’Intérieur Claude Guéant refait le coup du mélange “insécurité” et “identité nationale”, à quelques mois de la présidentielle. Sur son blog, l’économiste Olivier Bouba-Olga se demande pourquoi s’en prendre spécifiquement à la délinquance étrangère alors que la délinquance bien de chez nous est proportionnellement plus forte.

On peut en dire plus encore. En fait, même si les étrangers avaient effectivement plus de chances d’être délinquants que les nationaux, des mesures spécifiques les visant seraient non seulement inefficaces mais en plus nuisibles.

À la recherche de la nationalité de la délinquance

On pourrait cependant dire qu’il faut tenir compte que les deux populations ne sont pas également nombreuses et se demander si l’on a plus de chances de devenir délinquant lorsque l’on est étranger que l’on est français. Mais là encore ce serait insuffisant : en effet, il est possible que le groupe des étrangers soit plus souvent délinquant non pas du fait de la caractéristique “étranger” mais d’autres caractéristiques comme la richesse économique, le lieu d’habitation, le niveau de diplôme, etc. Il faudrait alors mener un raisonnement toutes choses égales par ailleurs pour vérifier si, effectivement, le fait d’être étranger a un effet propre, indépendant des autres variables, sur la délinquance des individus. Et encore : il faudrait se poser la question du recueil des données, dans la mesure où il n’est pas impossible que l’activité de la police soit plus forte sur le groupe des étrangers que sur celui des français…

Comme je n’ai pas de données suffisantes sous la main pour se faire (mais n’hésitez pas à m’indiquer des sources qui auraient fait ce travail), je vais adopter un raisonnement différent.

Sur quoi se basent les mesures proposées par Claude Guéant, comme d’ailleurs une partie importante des politiques en matière de sécurité menées dans ce pays depuis à peu près 1997 ? Il s’agit de renforcer les peines appliquée aux délinquants étrangers : on ajoute à la condamnation pénale une interdiction de séjour sur le territoire et on affirme que ça n’a rien à voir avec la double peine que le président de la République avait eu à cœur de supprimer. Autrement dit, on suppose implicitement que la délinquance peut s’expliquer sur la base d’un calcul rationnel : l’individu compare les gains de l’activité illégale et ses coûts, le tout avec les probabilités de réussir ou d’être condamné, et si le résultat est positif et supérieur aux gains d’une activité légale, il enfreint la loi, sinon il reste dans les clous. La théorie du choix rationnel : voilà le petit nom de ce type de raisonnement dans nos contrées sociologiques.

A partir de là, si l’on augmente les coûts de la délinquance par des peines plus fortes, on doit obtenir une réduction des activités illégales. Et la suite du raisonnement toujours implicitement mené par notre sémillant ministre se fait ainsi : s’il y a un groupe dans la population qui est plus délinquant que les autres, on peut modifier son calcul en lui appliquant des peines plus lourdes et une surveillance plus forte, ce qui est rationnel et économise des moyens. Tout va donc pour le mieux dans le meilleur des mondes.

Plutôt que d’essayer de montrer que le paradigme adopté est faux, restons dedans et poussons juste le raisonnement plus loin que cela n’a été fait en haut lieu. Considérons donc une situation où l’on a deux groupes, dont l’un – minoritaire – est plus fortement délinquants que l’autre – majoritaire. Supposons que l’on décide de contrôler et de punir plus fortement le groupe le plus délinquant en mobilisant les moyens de police et de justice plus fortement sur celui-ci. Que va-t-il se passer ? Va-t-on assister à une réduction globale de la délinquance ? La réponse est : non. Il est plus probable que l’on obtienne une hausse globale de celle-ci. Pourquoi ? Pour deux raisons.

Élasticité de la délinquance

Premièrement, si la délinquance découle effectivement d’un calcul rationnel, comme le suggère l’idée récurrente qu’en alourdissant les peines on va la décourager, alors il faut prendre cela au sérieux. Pour choisir d’entrer ou non dans la délinquance, un individu regarde certes les gains et les coûts de cette activité, mais il les compare avec les gains et les coûts des activités légales. Or il est fort possible que le groupe le plus délinquant soit dans cette situation précisément parce que les activités légales auxquelles il peut prétendre ne sont pas assez intéressantes. Cela peut être dû à des phénomènes de discriminations, des difficultés d’accès à l’emploi légal ou à des emplois suffisamment rémunérateurs. Par conséquent, la sensibilité de ce groupe aux coûts de la délinquance va être plus faible : une augmentation de 10% de ces coûts va provoquer une diminution de la délinquance inférieure à 10% – c’est ce que l’on appelle une élasticité. Il est possible que cette élasticité soit proche de zéro – une augmentation des coûts de la délinquance n’a aucun effet ou un effet négligeable sur la délinquance – voire soit positive : dans ce cas-là, une augmentation des coûts de délinquance parce qu’il stigmatise un peu plus le groupe en question, et renforcerait les discriminations ou les difficultés d’accès à l’emploi, entraînerait une augmentation de la délinquance…

Parallèlement, il est possible que dans l’autre groupe l’élasticité soit inférieure à -1. Dans ce cas, une augmentation de 10% des coûts de la délinquance entraîne une baisse de celle-ci supérieure à 10%. Il est donc rationnel de concentrer là les efforts car ils sont plus efficaces. Évidemment, cela ne veut pas dire qu’il ne faut rien faire pour le groupe minoritaire : simplement que les actions à suivre devraient emprunter d’autres voies que l’alourdissement de la surveillance et des peines, par exemple par l’amélioration de l’accès à l’emploi. Une fois de plus, c’est ce à quoi mènent les outils intellectuels implicitement utilisées par le gouvernement.

Deuxièmement – car il y a un deuxièmement – si on tient compte du fait que les moyens de police et de justice sont limités – et quand on nous parle sans cesse d’austérité, on peut supposer qu’ils le sont -, se concentrer sur le groupe minoritaire revient à diminuer les risques et donc les coûts de la délinquance dans le groupe majoritaire. Or on vient de voir que celui-ci était probablement très sensible à ce coût. On risque donc de provoquer une augmentation de la délinquance dans le groupe majoritaire.

Une absurdité exemplaire

Pour le comprendre, prenons un exemple simple. Supposons que, considérant que les femmes conduisent globalement mieux que les hommes, on décide de ne plus effectuer de contrôles routiers que sur ces derniers. Peut-être obtiendra-t-on une baisse des infractions routières chez les hommes, si ceux-ci n’ont pas une élasticité trop faible, liée par exemple au fait que leur virilité est mise en cause s’ils roulent au pas… Mais on a toutes les chances d’encourager les femmes susceptibles de commettre des infractions d’en commettre encore plus. Au final, il est fort probable que la délinquance routière chez les femmes augmente – “vas-y chérie, c’est toi qui conduit… Oui, tu as bu trois fois plus que moi, mais au moins, on se fera pas emmerder” – et compense voire dépasse la baisse du côté des hommes… Il n’en va pas autrement dans le cas des Français et des étrangers.

Résumons : faible – voire absence de – baisse de la délinquance dans le groupe minoritaire, augmentation de la délinquance dans le groupe majoritaire… Au final, au niveau global, une augmentation de la délinquance. Comme je le disais plus haut, les conséquences d’une telle politique ne se mesurent pas seulement en termes d’inefficacité, mais aussi d’effets pervers, d’aggravation, autrement dit, de la situation de départ. Et cela, je le répète pour que les choses soient parfaitement claires, en suivant un raisonnement dans la droite ligne de celui tenu par le ministre et le gouvernement.

Cela ne veut évidemment pas dire qu’il ne faut rien faire – je connais les trolls sur ces débats et je sais qu’il y a de fortes chances pour que l’un d’eux m’apostrophe avec des “bien-pensance” et autre “angélisme” qui ne tiennent lieu d’arguments que lorsque l’on est dans les commentaires du Figaro ou du Monde… Mais ce que montre ce raisonnement, c’est qu’il ne faut pas segmenter la justice ou l’action de la police. L’égalité de tous face à la loi n’est pas seulement une exigence éthique : c’est aussi une condition de son efficacité.

Edit : Pour une analyse plus large des politiques visant les étrangers :
Lorsque l’éthique de responsabilité devient une doctrine et L’entêtement thérapeutique comme nouvelle éthique politique


Article initialement publié sur Une heure de peine sous le titre Des effets pervers dans la lutte aveugle contre la délinquance

Illustrations Flickr PaternitéPas d'utilisation commercialePas de modification UMP Photos Paternité Francois Schnell et PaternitéPas d'utilisation commercialePartage selon les Conditions Initiales mafate69

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La Tunisie 2.0 est aux urnes http://owni.fr/2011/08/29/la-tunisie-2-0-est-aux-urnes/ http://owni.fr/2011/08/29/la-tunisie-2-0-est-aux-urnes/#comments Mon, 29 Aug 2011 06:15:59 +0000 Pierre Alonso http://owni.fr/?p=76696

Un vieil immeuble au cœur de Tunis, près du quartier “Le Passage”. Ici, le quatrième étage est occupé par un groupe de citoyens très impliqués dans l’aventure démocratique que connaît la Tunisie. Ensemble ils animent le site Afkar Mostakella. Littéralement “Idées indépendantes”, une plateforme internet qui fédère les idées émises par les citoyens inscrits pour le scrutin du 23 octobre, qui devra désigner les membres de l’Assemblée constituante.

Les hacktivistes, militants du libre, de l’open-data et de la transparence, artisans de la révolution de janvier dernier, préparent ce rendez-vous avec l’histoire, comme les autres mouvements. Seule exigence posée par Afkar pour les candidats indépendants intéressés par cette boite à idées : ils doivent adhérer au socle de valeurs qu’a défini l’équipe.

Le spectre est large, plutôt consensuel en première lecture. “Préservation des libertés individuelles”, “valeur d’égalité entre tous” et “lutte contre toutes les discriminations” ne semblent pas de nature à créer des lignes de fractures entre les candidats. Farès Mabrouk, l’un des fondateurs, acquiesce et précise : “Il y a un socle général, mais des points plus précis font clivage, comme la transparence. Afkar exige que les candidats adhèrent à l’idée d’une “totale transparence”, à l’ouverture des données publiques pour un gouvernement ouvert. Farès Mabrouk plaide :

Les débats de l’Assemblée constituante devraient être télévisés, donc publics.

Les candidats indépendants qui acceptent ce socle de valeurs reçoivent une aide en trois volets de la part d’Afkar. Point principal, ils peuvent piocher dans une boite à idées soumises par les internautes inscrits. Les propositions concernent 21 domaines, dont le service public, l’éducation, l’économie, mais aussi la réconciliation et la justice transitionnelle. Un internaute a ainsi proposé l’amnistie pour ceux qui reconnaîtraient devant une commission spéciale leurs compromissions sous l’ancien régime, sur le modèle sud-africain. Un autre propose l’instauration d’un congé de paternité.

Appareil de parti crowdsourcé

Les candidats auront aussi une page sur le site d’Afkar pour accroître leur visibilité. Une équipe de coachs les conseillera. De quoi ressembler à un parti quand l’objectif était justement de s’en éloigner ? L’équipe d’Afkar s’en défend :

Il y a un peu de tout parmi nos candidats. Nous créons simplement l’équivalent de l’appareil de parti à partir du crowdsourcing. L’opposition légale du temps de Ben Ali n’était pas une force de proposition. Nous mobilisons l’intelligence collective via les outils du web.

Khadija Mohsen-Finan, enseignante chercheur en sciences politiques à l’université Paris VIII, soutient l’initiative d’Afkar. “D’une part, les programmes des partis sont très proches les uns des autres. Ils se trompent d’agenda d’autre part : les luttes de leadership remplacent les débats sur les projets” analyse-t-elle. Dans cette “Tunisie convalescente”, selon Linda Ben Osman, enseignante et community manager bénévole d’Afkar, l’équipe a craint le vide de propositions.

Le crowdsourcing est au coeur d’un autre projet mis sur pied à l’approche des élections. Plate-forme open-source Ushahidi, nchoof, “Je regarde”, sous-titré “ton regard sur ton pays” entend récolter les irrégularités observées par les électeurs, dans la lignée des initiatives lancées au Kenya en 2007 lors des violences post-électorales. L’un des fondateurs Khaled Koubaa nous explique par email que nchoof est “une combinaison d’activisme social, de journalisme citoyen et d’information géographique”. Les électeurs pourront signaler un incident observé dans un bureau de vote et il sera reporté sur une carte. L’observation électorale devient l’oeuvre de tous.

Nchoof est porté par plusieurs associations, notamment Consience Politique, et Internet Society (ISOC) Tunisie pour la partie technique. L’ISOC Tunisie est financée par le département d’Etat américain via le Middle East Partnership Initiative indique Khaled Koubaa, président de l’association. Les membres sont des militants du libre :

Nous travaillons pour préserver l’ouverture de l’internet et la neutralité du réseau [pour] favoriser l’open goverment et une meilleure transparence et gouvernance en Tunisie.

Une nouvelle forme de politique

Même son de cloche chez Afkar. Entre un tableau velleda rempli de to-do lists et un tableau papier avec un rétro-planning, Farès Mabrouk rappelle qu’il veut inaugurer “une nouvelle forme de politique qui utilise les réseaux sociaux”. Afkar n’est ni un parti, ni une association, ni un think tank, mais une plate-forme, un site internet qui rassemble un premier cercle de bénévoles d’une quarantaine de volontaires, tous plutôt jeunes, tous très connectés.

Une petite équipe est à l’origine. Slim Amamou, Houeida Anouar et Farès Mabrouk notamment. Mabrouk, de la même famille que Marwane dont le rôle avait été évoqué par OWNI à propos de la licence 3G d’Orange. Farès assure qu’il a d’excellentes relations avec son cousin germain, mais qu’elles sont de nature personnelles. Marwane n’a donc absolument rien à avoir avec Afkar, assure-t-il.

Le site s’impose la plus stricte transparence. En témoignent, les échanges de mails entre membres de l’équipe et documents de travail accessibles sur leur site, et, plus important, la liste de leurs sources de financements. “Ceux qui nous financent doivent accepter que leur nom soit diffusé, sinon nous refusons leur fonds” rappelle Farès qui reste le principal financier, en fonds comme en matériel. Khadija Mohsen-Finan aide aussi le projet : “La révolution a été faite par la société civile, la vigilance vient maintenant de la société”. Vigilance augmentée par les nouveaux outils du web.


Crédits photo FlickR CC by-sa opensourceway

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http://owni.fr/2011/08/29/la-tunisie-2-0-est-aux-urnes/feed/ 1
[APP] L’opposition birmane dans le monde http://owni.fr/2011/06/17/app-opposition-birmane-dans-le-monde/ http://owni.fr/2011/06/17/app-opposition-birmane-dans-le-monde/#comments Fri, 17 Jun 2011 10:30:19 +0000 Ophelia Noor http://owni.fr/?p=67972 Le 30 mars 2011, la junte birmane était officiellement dissoute, le généralissime Than Shwe abandonnait le pouvoir et un nouveau chef de gouvernement était nommé. Une décision qui aurait pu passer pour une bonne nouvelle si le premier ministre Thein Sein n’était pas l’énième militaire à prendre les commandes de l’état fédéral du Myanmar depuis 1962.

Cette décision est intervenue quelques mois après les élections générales de novembre 2010, les premières organisées depuis vingt ans et la victoire d’Aung San Suu Kyi. Qualifiées maintes fois de mascarade par les médias autant que par une partie des opposants au régime, elles auraient eu pour dessein de légitimer le pouvoir de la junte militaire en la transformant en gouvernement civil démocratiquement élu.

Au-delà des débats suscités par la convocation de ces élections qui ont divisé les birmans et les principaux partis d’opposition, l’application interactive, réalisée en complément au web-documentaire “Happy World: la dictature de l’absurde”, vous permettra de constituer un panorama non exhaustif des oppositions birmanes, de leurs divergences et leurs points de ralliement.

Qui sont-ils, où sont-ils ? Partis politiques, groupes clandestins, associations, médias, en Birmanie ou exilés. Vous pourrez également rentrer dans le détail sur d’autres points:
Qui est favorable à un dialogue avec la junte?
Qui a boycotté les élections de novembre 2011?
Ou encore, quel groupe est pour le maintien des sanctions économiques?

Selon le dernier classement sur la liberté de la presse dans le monde effectué par RSF en 2010, la Birmanie est classée 174ème sur 178 pays. La censure est extrêmement forte et notamment sur Internet, ce qui lui a valu de figurer au palmarès des 10 pays Ennemis d’Internet dans le monde, aux côtés de l’Arabie saoudite, de l’Ouzbékistan ou encore de la Syrie.

République de l'Union du Myanmar


Une enquête de Marie Normand
Graphisme Antoine Errasti
Développement, Pierre Romera pour OWNI
Design, Pierre Cattan pour 5ème Etage Productions
Edition, Ophelia Noor

Crédits photo:
via Wikimediacommons ; via Flickr Lewihamdream [cc-by-nc] ; et illustrations d’Antoine Errasti pour Happy World
pour Happy World

Retrouvez notre dossier dictature Birmane sur Owni.fr et en anglais sur Owni.eu
Image de Une réalisée par Marion Boucharlat pour Owni /-)

Webdoc Happy World, Birmanie la dictature de l’absurde

Birmanie, l’internet dangereusement civilisé

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Madrid: fonctionnement d’une assemblée de quartier http://owni.fr/2011/06/05/madrid-fonctionnement-dune-assemblee-de-quartier/ http://owni.fr/2011/06/05/madrid-fonctionnement-dune-assemblee-de-quartier/#comments Sun, 05 Jun 2011 19:25:44 +0000 Ophelia Noor http://owni.fr/?p=66184

Sauf indication contraire, tous les liens sont en espagnol

Si le mouvement du 15M, mobilisé contre le système politique espagnol actuel, est toujours vivace à Madrid, entre les assemblées générales de la place Sol et les nouvelles assemblées dans les quartiers, il doit faire face à des questions de fonctionnement cruciales pour assurer son avenir. Depuis l’annonce des résultats des élections régionales et municipales le 22 mai, le mouvement cherche à se décentraliser de Sol et “défendre dans toutes ces assemblées un fonctionnement transparent, à l’horizontal, (…) dont l’objectif principal sera d’éviter que surgissent des chefs qui décident pour l’ensemble de la communauté sans la prendre en compte, comme le font les politiques”. Les premières assemblées s’étaient donc réunies sur les places des quartiers le samedi 28 mai pour la première fois.

Madrid. Samedi 4 juin, au cœur de la Latina, l’assemblé de quartier Los Austrias ouvre sa séance à 12 heures sur la place Carros. Un quartier bobo de la capitale où vivent beaucoup de gens du spectacle (scénaristes, comédiens, etc..). Entre 50 et 100 personnes sont réunies sur la petite place, tous âges confondus. La modératrice ouvre la séance avec une présentation de l’assemblée de quartier, de ses fonctions et de ses objectifs : prendre des décisions sur les propositions d’actions concrètes et pour chacune d’entre elles, arriver à un accord unanime [un consenso]. Des équipes d’environ dix personnes animent la séance et à chacune d’entre elle est attribué un poste avec une liste de tâches. Aucune personne ne peut garder ce poste de manière définitive et un système de rotation est mis en place avec tous les citoyens de la place qui sont donc appelés à participer.

Composition et organisation des assemblées populaires

L’assemblée du quartier Los Austrias, sous la chaleur de ce samedi midi, était composée de la manière suivante :

  • Une modératrice, qui anime le débat, est chargée du bon déroulement général de l’ordre du jour, et de la durée de la séance. Elle suit les réactions de l’assemblée grâce aux différents types de gestes mis en place. (cf plus bas)
  • Un facilitateur : attentif aux débats, en cas de blocage, il va ré-articuler tout ce qui s’est dit précédemment et faire une proposition de consensus qui sera ensuite soumise au vote.
  • Une secrétaire de séance, qui prend en note les décisions finales qui seront actées.

  • Deux personnes chargées de la gestion des tours de parole : munis d’un cahier et d’un stylo, ils listent les personnes qui souhaitent prendre la parole pendant la séance.
  • Plusieurs délégués de séance qui seront chargés de faire le lien avec les autres commissions et porter le message de son assemblée de quartier à l’assemblée générale.
  • Un ou une interprète de la langue des signes.
  • Plusieurs personnes de la commission Respect, chargée de contrôler les débordements lors des discussions, comme les insultes par exemple.

Des gestes pour communiquer

Un système de gestes a été mis en place pour montrer visuellement son accord ou son désaccord ou le fait de vouloir nuancer une proposition. Un système qui permet de ne pas interrompre la personne qui termine son exposé, au modérateur de gérer le débat et en attendant que votre nom soit noté pour prendre votre tour de parole. Avant d’aborder les points clefs de l’ordre du jour, la modératrice ré-explique aux participants quels sont les différents gestes et leur signification.

#1- L’approbation

J’approuve.
Je suis en faveur de cette proposition.
Action : lever les bras et agiter les mains en tournant rapidement les poignets.

#2- Le doute ou la nuance

Je souhaite apporter une nuance à cette proposition.
Action : je lève un bras.
Les personnes sont ensuite invitées  à faire signe aux personnes chargées des tours de parole afin qu’ils les inscrivent sur la liste. Ils exprimeront ensuite leur point de vue à l’assemblée.

#3- Le désaccord avec blocage

Je suis totalement contre cette proposition.

Action : lever les mains et les croiser au niveau des poignets en fermant les poings.
..

Que se passe-t-il à ce moment là ?

Si une ou plusieurs personnes sont en désaccord radicale avec la proposition, des tours de paroles sont institués comme suit :

  • Trois personnes qui se prononcent contre.
  • Trois personnes qui sont pour.
  • Ces six personnes viennent tour à tour prendre le micro, et exposent leur opinion à l’assemblée.
  • La proposition est à nouveau soumise au vote.
  • Mais il subsiste encore des personnes contre la proposition.
  • On demande à l’assemblée si elle souhaite enclencher un autre tour de parole.
  • Si oui s’ouvre alors une autre série de tours de parole, toujours avec : 3 contre et 3 pour
  • L’assemblée vote à nouveau, pour la troisième fois.
  • S’il subsiste encore des personnes contre la proposition, elle sera soumise à nouveau à la prochaine réunion en prenant en compte les opinions exprimés

.#4- Hors-sujet ou répétition

La personne qui a pris la parole s’égare du sujet principal ou répète des choses qui ont déjà été dites.

Action : lever les bras et les mouliner.

#5- Ecourter la prise de parole

La personne qui a pris la parole s’éternise et doit en venir au fait.

Action : joindre les deux mains à plat en les levant vers le ciel.
.

#6-Le désaccord sans blocage

Je ne suis pas d’accord avec ce qui est en train de se dire, et je vous le montre par ce geste, mais je ne veux pas interrompre l’assemblée.

Action : passer plusieurs fois sa main, à plat et devant son visage, du haut vers le bas.

Blocages sur la prise de décisions

L’assemblée continue avec la lecture d’un résumé des propositions adoptées pendant l’assemblée générale de Sol [acampadasol] réunie la veille, vendredi 3 juin sur la place Sol à Madrid. Une assemblée générale de grande ampleur où étaient convoqués pour la première fois tous les représentants des 54 #acampadas d’Espagne et des internationaux #interacampadas. Est notamment évoquée l’épineuse question du campement sur la place : une minorité de personnes souhaitent maintenir en place les infrastructures actuelles. Une majorité souhaite décentraliser le mouvement de la place Sol et diriger toutes les énergies vers les assemblées de quartier, tout en conservant un point d’information.

Actuellement, le processus de prise de décisions mis en place joue contre l’assemblée générale à Sol [#acampadasol]. Il est extrêmement lent car il permet à tout un chacun de prendre la parole pour donner son opinion. Les propositions étant validées par un consensus unanime, une seule personne contre suffit à bloquer l’avancée du mouvement. Pour cette raison, l’acampadasol est bloquée sur cette question du campement depuis une semaine : “c’est le même groupe qui bloque toutes les décisions de l’assemblée “, me racontent les personnes de la commission communication, chargées des questions relatives à Internet. J’ai pu assister à leur réunion de coordination vendredi soir et tous sont conscients que ce type de blocage pourrait aussi intervenir au niveau des assemblées de quartier et affaiblir le mouvement.

Nous avons été infiltrés par des représentants de partis politiques, de syndicats, nous avons même eu affaire à une personne qui a parlé en notre nom aux médias. À Sol c’est le même groupe qui bloque les décisions et nous empêche d’avancer.

Pour cette raison, une nouvelle proposition vient compléter le processus de prise de décisions #3 “Désaccord avec blocage” et sera soumise pour ratification aux assemblée de quartier. La validation d’une proposition fonctionne dans cet ordre :
Assemblée de quartier ou de municipalité : propositions
Assemblée générale de Madrid : décisions en commun
Assemblée de quartier ou de municipalité : ratification
Assemblée générale de Madrid : décision définitive

À cela s’ajoute la création d’un groupe de travail, VOX, chargé de penser à des nouveaux processus de décision plus dynamiques à mettre en place dans cette nouvelle démocratie réelle qui prend corps chaque jour sur les places espagnoles.

Vers un consensus non unanime ?

Les citoyens qui ont pris en charge la séance font preuve d’humour et de patience, comme les participants de l’assemblée. Le système des signes est plutôt bien respecté, certains sont intimidés lorsqu’ils se retrouvent debout devant tout le monde avec le micro en main, pour exposer leurs point de vue.

La première proposition à l’ordre du jour est donc de permettre aux assemblées d’adopter des propositions sans consensus général. Il sera spécifié dans les actes, que la décision a été prise sans accord unanime. Au processus #3 décrit plus haut, s’ajoute donc la possibilité à la fin des trois tours de vote, d’adopter la proposition même s’il subsiste des personnes en désaccord, dans une proportion de 1 pour 100.

La proposition ne fait pas l’unanimité : une personne se prononce contre, comme le montre cette vidéo sous-titrée en français :

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Que va-t-il se passer ensuite ? Après plusieurs tours de paroles et plusieurs votes, le facilitateur fera un résumé de ce qui a été dit et formule une nouvelle proposition : “Nous nous rendons tous compte que nous sommes en phase de rodage et nous allons garder, pour le moment, le fonctionnement actuel, c’est-à-dire avec une prise de décision validée par un consensus général. Cependant, nous allons ajouter dans notre liste de tâche cette proposition sur le consensus non unanime et y travailler. Cette décision pourra bien sûr être révoquée lors d’une prochaine assemblée.” Après un tour de vote, la proposition du facilitateur est unanimement adoptée, des applaudissement retentissent, la médiatrice remercie l’assemblée et passe au second point de l’ordre du jour.

L’assemblée aura duré en tout presque trois heures.


Photos Ophelia Noor pour Owni /-)
Image de Une par Voces con Futura
Retrouver notre dossier sur la démocratie réelle en Espagne :

Espagne Labs: inventer la démocratie du futur

La voix graphique de l’Espagne

Comprendre la révolution espagnole

Notre précédent dossier, du 21 mai 2011, sur la naissance du mouvement.

Tout les articles concernant l’Espagne sur Owni /-)

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Sol, ou quand l’impossible ne peut qu’advenir http://owni.fr/2011/05/31/sol-ou-quand-l%e2%80%99impossible-ne-peut-qu%e2%80%99advenir/ http://owni.fr/2011/05/31/sol-ou-quand-l%e2%80%99impossible-ne-peut-qu%e2%80%99advenir/#comments Tue, 31 May 2011 15:44:27 +0000 Marta Malo de Molina http://owni.fr/?p=65466

23/05 19H05 : Peu importe l'heure et l'affluence, le campement continue de grandir à chaque minute.

Ce texte de Marta Malo de Molina a été publié le 24 mai sur le site d’information Madrilonia.org. Il revient sur les évènements de Sol à Madrid au lendemain des élections municipales et régionales, remportées par le PP et marquées par un taux d’abstention record.

Depuis sa publication, l’assemblée de Sol [acampadasol] a décidé dimanche 29 mai dans la nuit, de prolonger la durée du campement jusqu’à la fin de cette semaine. Le mouvement ¡Democracia Real Ya! a pour sa part donné une conférence de presse lundi 30 mai [es] annonçant notamment un grand rassemblement international pour le 15 octobre 2011.

Owni se déplace à Madrid dans les jours qui viennent et vous rendra compte des suites du mouvement en direct de Sol et des assemblées de quartier.

Ecrire pour s’orienter, à la vitesse qu’impose le moment. Entre la poétique et la théorie, écrire pour apporter sa pierre à l’écriture collective du monde, pour contribuer, de l’intérieur, à la création de la place, pour prolonger cet événement qu’est Sol. Car oui, Sol a été un événement, l’un de ces surgissements inattendus qui redessinent la carte et ouvrent à nouveau l’horizon des possibles.

Le 15 mai, débordante de joie par le nombre des manifestants et la fraîcheur de l’atmosphère, une équipe de radio mobile interviewait quelques personnes : « Comment voyez-vous l’avenir ? » Beaucoup de réponses, en dépit de l’énergie ambiante, sont pessimistes : « sombre ». Lundi dernier [23 mai], quand la nouvelle du campement de Sol s’est répandue comme une traînée de poudre dans les réseaux sociaux, un participant d’une liste d’échanges de biens et services a écrit : « A quoi ça sert d’occuper la place, tant qu’il y en a qui continuent de faire leurs courses au Cortes Ingles à côté ? » Ca sert, car il ne s’agit pas de n’importe quelle occupation : le geste hardi de certains est devenu un signal pour beaucoup ; c’était « maintenant ou jamais », et la faim d’action a explosé, la faim de paroles.

23/05 04H25: "Cultive toi, toi aussi" peut-on lire sur le potager planté par les manifestants autour de la fontaine.

Graffiti : “l’impossible ne peut qu’advenir”


C’est la meilleure description de l’événement Sol. Partout la générosité, les sourires, des groupes d’amis qui décident « d’aller sur la place ensemble ». D’autres, l’instant d’avant étrangers,  sont devenus des compagnons à l’intérieur d’un mouvement, la place comme un aimant irrésistible… Un après-midi, le fils d’amis âgé d’un an et demi, s’est mis à crier « Sol ! Sol ! » ; nous nous étions éloignés et il réclamait ce Sol qui comptait tellement pour nous. Il y a dix jours personne n’aurait pu imaginer que Sol puisse représenter autre chose que le centre commercial et touristique d’une capitale européenne.

Sol, non comme lieu géographique mais comme événement inattendu, est venu ébranler deux des piliers de l’ordre des choses : d’un côté, il a brisé le consensus établi après la Transition, selon lequel l’actuel système de partis est le meilleur des systèmes de gouvernement et le remettre en question c’est ouvrir les vannes du chaos et de la dictature. Quand la journaliste Àngels Barceló [es] dit « nous ne devons pas céder à la tentation de mettre en cause l’actuel système démocratique », le mouvement insiste : « ce qu’ils appellent démocratie n’en n’est pas une». De l’autre, il rejette l’idée que la crise ne serait qu’un accident météorologique, et que la seule solution face à elle, serait de nous serrer la ceinture. Contre la gestion politique de la crise économique, Sol hurle « C’est du chantage, pas du sauvetage! » et désigne les responsables, politiciens au pouvoir et banquiers.

22/05 17H15: "Il ne nous représentent pas."

Ahuris, incapables de réaliser que « quelque chose est en train de bouger », acharnés à discréditer pour empêcher la contagion, les politiciens n’ont d’autre réponse  que le chantage des « alternatives » : « vous dites non, mais vous n’avez rien à proposer ». Ce qu’ils ignorent, c’est que, pour les générations sans avenir, l’incertitude face au lendemain est un vécu quotidien, et Sol nous permet, à tout le moins, de vivre collectivement cette incertitude. Il semblait évident que l’événement-Sol, et plus généralement le mouvement du 15 mai, ne pouvait qu’accentuer les tendances électorales ; et de fait la débâcle du Parti socialiste a été retentissante, y compris dans des villes, comme Madrid, déjà dirigées par le PP. Et maintenant ?

Les campements, celui de Sol et ceux des autres villes, continuent. Un ami dit : « Il ne s’agit plus d’aller dans la rue, il faut créer les places ». Sur la base de cette intuition, j’hasarderai l’hypothèse que la place ne se crée que si l’on insiste, si l’on approfondit les éléments qui l’ont rendue possible : en dénominateurs communs minimaux la critique du pouvoir politique, « Une vraie démocratie maintenant ! », et de sa gestion du pouvoir économique, « La crise doit être payée par ceux qui en sont responsables ! » ; la coopération du plus grand nombre comme force pratique qui rend la place réelle et tangible, qui rend le dénominateur commun minimal non seulement habitable mais délicieux, quelque chose qui vaut qu’on en fasse le pari. Contre l’auto-représentation des milliers de collectifs et de luttes qui existaient déjà, avec le risque de balkaniser les lieux, l’événement-Sol nous invite à chercher le  point de connexion, le lieu d’où contribuer à ce commun, en partant, bien sûr, de ce que nous sommes mais aussi de ce qui nous rassemble.

23/05 02H30: Lors de toutes les assemblées des traducteurs sourds-muets sont présents pour que tous puissent comprendre et participer.

“¡Pásalo!”

Et ce n’est pas tout. Le 15 mai a confirmé la force de cet acteur imprévisible que nous pouvons appeler « Faites passer ! » [¡pásalo!] . Le mouvement s’est auto-organisé avec cette exclamation simple et proliférante, dont la généalogie remonte aux mobilisations contre la guerre en Irak (en 2003), aux concentrations silencieuses du 13 mars 2004, pour exhorter le Parti populaire à dire la vérité sur les attentats de l’avant-veille à Madrid, ou encore la formation de V de vivienda en 2006.

Tout cela sans autre organisation que celle des réseaux d’amis et de coopération sociale, sans sigles ni programmes, avec des slogans simples et efficaces, en réaction contre un événement extérieur qui a fonctionné comme un rassembleur, un repère temporel, imposant l’urgence de sortir dans la rue (la guerre, les attentats du 11 mars, les élections…). Dès sa première apparition, beaucoup ont essayé de s’en emparer, faisant circuler des dates sur internet ; mais « Faites passer ! » [¡pásalo!] est un acteur méfiant, tout particulièrement des groupes organisés. Né de décennies de démobilisation politique, il insiste sur le pouvoir des « gens » des « personnes », du « peuple » ; il ne s’intéresse, en quelque sorte, qu’aux mobilisations peer-to-peer.

23/05 15H05: Au stand bibliothèque on trouve livres et journaux de tous bords. S'y cotoient "El Pais" et le très à droite "La Razon".

On a demandé à un garçon, arrivé de Bilbao à Sol après avoir suivi avec fascination ce qui s’y passait : « Et maintenant ? » Il a répondu :

Il ne faut pas avoir peur d’un épuisement du campement. Parfois les activistes, quand ils s’excitent sur quelque chose, s’y dévouent et l’étouffent, comme une mère hyper protectrice avec son enfant. Je ne suis pas un activiste, je vais m’en aller et retourner à ma vie, et quand quelque chose d’autre se passera je réapparaîtrai.

« Faites passer ! » [¡pásalo!] apparaît et disparaît. Comment contribuer sans étouffer. Comment habiter la (prévisible) diastole du mouvement sans angoisse. Comment apprendre à se rassembler en tant que partie prenante, certes infime, de l’acteur imprévisible. Ce sont toutes ces questions que Sol pose sur la table.

22/05 01H45 : Pelleteuse géante dans la nuit

Des amis argentins nous disent : « Tout ça est très intéressant, mais ce n’est pas l’Argentine en 2001. En 2001 ce sont ceux qui avaient été dépossédés par la crise qui ont pris la ville. Ici ce n’est pas le cas, on ne voit pas les signes de la crise ». Penser un mouvement en terme de « ce qui manque » n’a pas d’intérêt, ce qui importe c’est de penser à ce qu’apporte Sol à ceux qui ont été le plus touchés par la crise économique : ceux qui ont perdu leur maison, les chômeurs de longue durée, ceux qui sont en marge et ne peuvent plus participer à la consommation de biens de tous les jours, ceux qui, sans papiers, n’ont aucun espoir de régulariser leur situation parce qu’ils n’ont pas de contrat de travail, ou ceux qui ont des papiers mais qui les ont perdus parce qu’ils ne pouvaient pas cotiser suffisamment…

C’est ainsi que les zones sociales les plus concernées par « l’intervention sociale » sont les plus marquées par la désaffection politique… Ce sont les grandes inconnues de cette nouvelle ère inaugurée par les évènements de Sol. Comment tous ceux-là vont-ils s’(auto)-investir ? Le chemin sera long, mais le temps de la paralysie est derrière nous. Nous pouvons sourire.


Publié initialement sur Madrilonia.org
Photos de Lucas Deve pour Owni /-)
Traduction Isabelle St Saens Traduction additionnelle : Ophelia Noor



Marta Malo deMolina est une activiste espagnole. Elle participe à la revue internationale et transdisciplinaire Subjectivity et ces textes sont également disponibles sur le site de l’Université nomade de Madrid et l’institut européen pour des politiques culturelles progressistes.

Retrouvez tous les articles de notre précédente Une sur les mouvements sociaux espagnols et tous les articles sur l’Espagne.

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