OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Vendredi c’est graphism http://owni.fr/2012/02/03/vendredi-cest-graphism-s03e05-apple-futur-hadopi/ http://owni.fr/2012/02/03/vendredi-cest-graphism-s03e05-apple-futur-hadopi/#comments Fri, 03 Feb 2012 09:00:05 +0000 Geoffrey Dorne http://owni.fr/?p=96894 Vendredi c'est graphism, la chronique qui nous darde de ses puissants rayons lumineux à l'heure où la France grelote, obligeant l'honnête candidat à la présidentielle à s'enrhumer tandis qu'il distribue des tracts au graphisme douteux, parce que lui ne lit pas Vendredi c'est graphism. Après on s'étonnera. Hum ? ]]>

Bonjour :-)

Je vous propose de rester bien au chaud avec ce nouvel épisode de “Vendredi et c’est Graphism” ! Au programme de la semaine, l’interface de la maison du futur, l’argent d’Apple, le documentaire “Crack the Surface”, les graffitis d’Hadopi, une chorégraphie avec un hélicoptère sans oublier du guerilla gardening et le célèbre WTF à base de poils.

C’est vendredi et c’est “Graphism” !

Allez, on commence la semaine avec le premier prototype d’interface pour cette fameuse “maison du futur”, dont tout designer entend parler à longueur de journée mais dont ne sont produits que très peu d’innovations. L’idée de ces interfaces pour nos “maisons du futur” est, en général, de mettre toute une batterie te technologies dans un cadre confortable, un cadre chalereux. Cependant, lorsque j’ai vu cette vidéo démo du projet Openarch, je pensais que cela allait être encore un énième projet pour nous faire rêver. Mais il en est rien, l’équipe a déjà commencé à développer le projet !

Pour le résumer, Openarch est une maison prototype qui mêle des éléments matériels et logiciels comme des murs amovibles, des interfaces basées sur Kinect avec un langage gestuel, etc. Voici donc la démo :

Le film :

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La démo technique :

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Que feriez-vous avec 97 milliards de dollars d’argent comptant? Personnellement, je ne saurais jamais que faire de tout ceci, mais Apple est actuellement en train de réfléchir à cette question. Cette visualisation de données nous présente quelques comparaisons entre l’argent d’Apple et ce que la société pourrait faire avec… tout est une question de priorité, vous l’aurez compris.

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On continue notre revue de la semaine avec ce documentaire en deux parties intitulé : « Crack the Surface ». La seconde partie étant sortie il y a quelques jours, c’est donc l’occasion pour moi de vous regrouper tout ça pour vous le présenter. « Crack the Surface » donne un aperçu intéressant et parfois spectaculaire de cette tendance appelée « Urbex » pour exploration urbaine. L’idée de croiser culture urbaine, ville, et exploration flirte ainsi avec le risque d’accéder à tout, de s’infiltrer dans les lieux fermés, abandonnés, oubliés et, chose rare dans ce documentaire, on y voit des gens qui expliquent le pourquoi de la chose.

Premier épisode :

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Second épisode :

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Sur Owni, je vous parle souvent de graffiti, d’art urbain mais cette fois-ci, on fait un petit pas de côté avec les clichés que Grégory Gutierez a pris devant le siège d’Hadopi dans le 15e arrondissement, rue du Texel, à Paris. Des gens sous l’égide d’Anonymous ont donc conçus des pochoirs assez élégants et les ont appliqués en blanc sur les deux colonnes devant l’entrée du siège. Jusque là, tout va bien. Bon, après le gros « We are legion » a été fait à la bombe de peinture rouge un peu à l’improviste. Moins classe mais plus revendicatif.

À noter également l’échange entre Grégory Gutierez et un employé :

A ce moment un gars en pull sort de l’accueil où il était avec quelques personnes, et vient vers moi, avec un air sévère et en regardant tout autour de lui, comme pour vérifier que nous étions seuls : “Vous ne devez pas prendre des photos, arrêtez ! Vous êtes de quel magazine d’abord ?”.

Je lui réponds, très calme : “Pardon ? Je suis dans la rue, sur un espace public, j’ai parfaitement le droit de prendre des photos de l’immeuble. Et je ne suis d’aucun magazine.” Il rétorque, énervé : “Mais alors pourquoi vous prenez des photos ? Pourquoi ? Vous voulez nous salir, c’est ça ? Qu’est-ce que vous allez en faire ?”.

Je réponds : “Pardon mais je peux bien avoir toutes les raisons que je veux, vous n’avez pas à le savoir. Et puis je n’ai aucune intention de vous salir, vous n’êtes qu’un employé, vous n’êtes pas responsable. En revanche, HADOPI, c’est autre chose… Vous voulez qu’on en cause ?”.

Je serais curieux de voir si « l’action numérique » d’Anonymous continue de passer le pas de la rue et s’organise pour progresser un peu « IRL » comme on dit. Si les formes d’hacktivisme sont intelligentes -et j’imagine déjà mille façons de créer- il y a matière à faire. De même, Anonymous puise sa force dans ses revendications & dans le fait que ça n’est personne et c’est tout le monde. Il faudrait peut-être ainsi imaginer des formes d’action urbaines collectives et désolidarisées. Enfin, les rares actions de ce genre qui me viennent en tête sont celles des black blocs (des gens rassemblés dans un mouvement autonome pour -en général- affronter la police lors de rassemblements comme le G20 par exemple). Il faudrait quand même quelque chose de bien plus pacifique…

Voici les clichés :

hgadopi Ooops, le siège dHadopi a été taggué par les Anonymous.

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Ah, la danse ! Vous ne le savez peut-être pas, mais la danse & la technologie font souvent bon ménage et cette performance éthérée en est encore la preuve. Ce travail de la chorégraphe de danse contemporaine Nina Kov, vient associer deux “types” de sujet que sont une danseuse et un modèle réduit d’hélicoptère. Cette drôle d’idée est ainsi mise en image dans “Copter”, un court-métrage qui se penche sur les fantasmes de l’enfance vus au travers du prisme de l’âge adulte. Le projet est en train de se monter, n’hésitez-donc pas à leur manifester votre intérêt…

Cliquer ici pour voir la vidéo.

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Je vous avais déjà parlé de cette tendance écolo et urbaine intitulée « Guerilla gardening ». Le jardinage urbain est à la ville ce les noisettes sont au chocolat, pas indispensables mais terriblement délicieuses. Bref, dans l’est de Londres, des équipes de jardiniers improvisés se sont frottés aux nids de poule, aux coins de trottoirs, aux petits bouts de pavés de la ville pour y installer des îlots de nature. Le tout est assez poétique, anecdotique, temporel, et c’est aussi pour ça que c’est beau.

mini guerilla gardening Découvrez le mini guerilla gardening !

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Aaaah, le WTF tant attendu de cette semaine est placé sous le signe des voeux… de Martine Aubry ! Dans les rues de Lille, Martine Aubry & le Conseil Municipal de la ville de Lille vous souhaitent une… très belle année 2012 ! Mais  ”What the fuck ?!” comme disent les jeunes, quel est donc ce lapin rose ?

aubry voeux20121 [WTF] Les voeux de Martine Aubry en affiche.

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Je vous remercie encore d’être toujours aussi nombreuses & nombreux à lire et participer au partage de Vendredi c’est Graphism. Je vous propose aussi d’aller plus loin avec ces applications iPad qui auront marqué 2011, comme celle sur le système solaire, celle avec cette horloge, celle-ci très créative, ce jeu étrange. Si vous avez le temps, passez donc au Musée des Arts Décos à Paris ou encore  au 40mcube à Rennes !

Excellent week-end et à la semaine prochaine,

Geoffrey

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Vendredi c’est graphisme http://owni.fr/2012/01/20/vendredi-c%e2%80%99est-graphism-s03e03/ http://owni.fr/2012/01/20/vendredi-c%e2%80%99est-graphism-s03e03/#comments Fri, 20 Jan 2012 10:11:57 +0000 Geoffrey Dorne http://owni.fr/?p=94665

Bonjour à vous et bienvenue sur un nouvel épisode de “Vendredi c’est Graphism !”

Bon, je ne vous le cache pas, la semaine a été dense en actualités et notamment avec ce fameux BlackOut mercredi, ce jeu vidéo avec Super Mario, Megaman et Metroid ou encore ces princesses de Disney. On ira également faire un tour du côté du documentaire “Press Play Pause” et de Saul Bass pour terminer sur un gros WTF à base de cochons !

C’est vendredi, tout va bien et c’est “Graphism” !

Geoffrey

Allez, on commence la semaine sur le coup de gueule graphique réalisé par un petit nombre de sites internet avant-hier. Afin de protester contre la loi SOPA et PIPA mais également contre toutes les lois liberticides comme la loi Hadopi, Loppsi, l’Arjel, l’Acta ou encore l’Ipred, des sites comme Wikipedia, Wired, Mozilla, Ubuntu, Wordpress – ou encore mon site – ont arboré un design noir rappelant la censure et la protestation. Voici un petit aperçu de certains de ces sites dont nous nous étions tellement habités au design.

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Toujours cette semaine, Machinima a mis en ligne un nouvel extrait pour nous annoncer la sortie du prochain “Super Mario Bros Crossover 2.0″. Ce jeu permet d’explorer les niveaux de Super Mario Bros NES avec des personnages différents tels que Samus Aran, Mega Man, j’en passe. Ce grand jeu rétro vous replonge donc dans ce qui fut notre jeunesse, notre enfance ou – pour certain(e)s – le quotidien ! Aux graphiques 16 bits, les niveaux se complèteront au fur et à mesure… hâte de voir la suite !

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Cette semaine a été l’occasion pour moi de découvrir cette série de photos signées Thomas Czarnecki. Intitulée “From enchantement to Down”, l’idée est de raconter comment toutes les belles princesses de Disney terminent leur vie. Dans les contes de Disney tout se termine plutôt bien, c’est donc une façon de réécrire l’histoire et de réinventer l’enchantement d’une autre façon. Pauvre Ariel, Blanche Neige et pauvre Alice !

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On continue notre revue de la semaine avec un petit documentaire qui risque de vous motiver à créer! « Press Play Pause » nous présente la révolution numérique de la dernière décennie et sa résultante qui est la créativité et l’expression du talent d’une manière inédite, avec des possibilités illimitées. Mais cette culture et cette révolution numérique ne signifient pas du tout que l’art s’est démocratisé ni que le talent est devenu plus facile à trouver, en effet, il a pu se noyer dans la quantité d’oeuvres créées. C’est sur cette question que « Press Pause Play » se fonde et offre le recul d’une réflexion au travers d’interviews avec certains des créateurs les plus influents du monde de l’ère numérique.

L’affiche :

pause [documentaire] La révolution créative numérique : Press Pause Play

Le documentaire :

Cliquer ici pour voir la vidéo.

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On termine sur une note historique avec un film des travaux de Saul Bass sur le design et l’identité visuelle d’AT&T. Pour rappel AT&T est le plus grand fournisseur de services téléphoniques locaux et longue distance des États-Unis. Ainsi, dans les années 1970, Saul Bass dessina cette “cloche” en guise de logo pour la marque, un symbole qui sera omniprésent pendant plus d’une décennie. Une des raisons de l’omniprésence du logo de Bell a été également son déploiement, un des plus important des États-Unis avec :

- 135 000 véhicules
- 22 000 immeubles
- 12 500 00 cabines téléphoniques
- 170 000 000 annuaires téléphoniques

Et voici le film en question :

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Le WTF de cette semaine est une application iPad pour relier les humains avec… les cochons ! Non, non, ne vous frottez pas les yeux, ce projet réalisé par des étudiants de l’Ecole d’Art d’Utrech est un jeu “multi-inter-espèces“. Vous allez donc pouvoir, en tant qu’humain, jouer avec des porcs (si si ça arrive ;-)). De son doux nom “Pigs Chase”, l’idée sous jacente est d’étudier la relation cognitive complexe que nous avons avec les porcs domestiqués. Les étudiants veulent ensuite concevoir de nouvelles formes d’interaction homme-cochon.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

source

Pour conclure, je vous propose de vous rendre à Paris pour VIA Design, à Nantes pour l’expo du Musée de l’Imprimerie ou encore à Nancy pour voir Luis Dourado ! Et si vous préférez restez au chaud chez vous sans traverser la France, vous pouvez vous droguer d’images, construire du zombie ou encore jeter un oeil sur ce livre fait uniquement avec des tampons encreurs !

Bon week-end et… à la semaine prochaine !

Geoffrey

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[ITW] Il était une fois Clearstream http://owni.fr/2011/12/05/clearstream-manipulations-karachi/ http://owni.fr/2011/12/05/clearstream-manipulations-karachi/#comments Mon, 05 Dec 2011 10:31:55 +0000 Pierre Alonso et Julien Goetz http://owni.fr/?p=89202

Manipulations, c’est une série documentaire de six épisodes de 52 minutes diffusés sur France 5 et accompagnés d’un objet web. En plongeant au cœur de l’affaire Clearstream, ces films retracent 25 ans de scandales politico-financiers. Le réalisateur, Jean-Robert Viallet, auteur de La mise à mort du travail (prix Albert Londres 2010) a fait des choix de narration et de mise en images qui renouvellent le genre documentaire en s’inspirant du conte. “Il était une fois…”

Comment a débuté le projet Manipulations ?

Ce projet a commencé en 2008 lorsque le producteur, Christophe Nick, en a eu l’idée avec Denis Robert. Ils se sont rencontrés avant le premier procès, lorsque Denis Robert était au centre de l’affaire. Ils cherchaient comment raconter cette histoire. Au départ, ils sont partis sur l’idée d’une fiction avec Canal+ mais la chaîne s’est finalement rétractée car le sujet était un peu trop brûlant.

Christophe Nick est resté persuadé qu’il fallait s’intéresser à l’affaire. Pendant un an, il a financé le travail de Vanessa Ratignier, sans avoir aucune certitude sur la diffusion. Elle a donc suivi le procès au quotidien et a fait un très gros travail de défrichage pour éclaircir l’affaire, au-delà du duel Sarkozy-Villepin, qui était au centre de l’attention médiatique à ce moment-là.

Quant à moi, je suis arrivé un an après le début de l’enquête, au printemps 2010. France Télévisions s’était déjà engagé sur le projet. Vanessa connaissait parfaitement l’affaire, il fallait que l’on trouve comment la raconter.

Cette affaire nous fait plonger dans 25 ans d’une certaine histoire de France en traversant différents secteurs clés : la finance internationale, le commerce des armes, le pouvoir exécutif. Elle pouvait servir de révélateur pour raconter ces endroits du pouvoir auxquels on n’a jamais accès.

Comment raconter une telle affaire de manière visuelle ?

Au début, je trouvais qu’on avait déjà beaucoup entendu parler de l’affaire Clearstream. Je ne voulais pas faire un film de “talking heads”, exclusivement basé sur la mécanique interview-archives, interviews-archives, etc… Par nature, je préfère les films de séquences. Très vite, je me suis dit qu’il fallait mettre les journalistes à l’image, mais différemment. On a l’habitude de les voir à l’écran et ça m’excède : musclés, sur le terrain, mis en avant comme une espèce de semi-héros se confrontant aux “gens dangereux”.

“Le jus de crâne”

Au fond, le plus gros du travail de journaliste, c’est tout le “jus de crâne”, les hypothèses que l’on pose, les liens que l’on fait, les heures passées dans les documents, à rencontrer untel puis tel autre en essayant d’avancer dans l’enquête.

Dans Manipulations, les journalistes sont pourtant omniprésents.

Oui, ils sont tout le temps là, mais ils ne sont pas sur le terrain comme s’ils retournaient sur le lieu du crime en disant “c’est ici que ça s’est passé”. Ils sont dans la cabane de Pierre Péan en train de réfléchir à l’histoire, ou en situation d’interview. J’étais convaincu que l’histoire était si compliquée à comprendre qu’il fallait suivre le fil de leur enquête pour aider les spectateurs à suivre. Imad Lahoud vient d’abord, puis Gergorin et Rondeau.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Au fond, je vivais le même processus pendant que nous menions l’enquête. Nous avions une masse tellement colossale d’informations à digérer, intégrer, mettre en dynamique, à faire se croiser en cherchant les liens logiques ! Il fallait que le spectateur puisse, dans le film, faire cette même démarche, suivre ce même processus. Et puis j’aimais bien l’idée d’une unité de lieu, d’un endroit qui soit retiré de Paris, qui ne soit pas dans les brasseries parisiennes ou dans les dîners en ville.

On a donc deux personnages principaux, Pierre Péan et Vanessa Ratignier, auxquels s’ajoutent ensuite des protagonistes, dont certains sont aussi journalistes, comme Denis Robert. Le projet de départ plaçait Denis Robert comme personnage principal. Mais, à cause de sa mise en examen, il était devenu un protagoniste central dans l’histoire, ce qui rendait un peu compliqué l’idée de le mettre au centre. D’ailleurs pour re-raconter l’affaire Clearstream 1, qui a été effacée par l’affaire Clearstream 2, c’est très bien de l’avoir comme partie prenante pour le laisser partager son vécu.

Qui sont les autres journalistes ?

Des journalistes, il y en a d’autres tout au long des épisodes. Dans l’épisode consacré à l’affaire Karachi, il y a des journalistes extrêmement pointus sur le sujet, Fabrice Arfi et Fabrice Lhomme. Je voulais que ce soit aussi un film choral malgré les tensions dans le milieu, entre les uns et les autres, les inimitiés. Je voulais m’affranchir de tout ça et finalement l’ensemble des journalistes ayant enquêté sur ces affaires interviennent dans les films pour participer au récit.

Dans ce contre-pouvoir que représentent les différents médias, chaque journaliste d’enquête a amené ses propres pierres dans cette volonté de comprendre l’histoire. Vanessa Ratignier et Pierre Péan sont à part car ils maintiennent un fil rouge. L’idée n’était pas de refaire l’enquête mais de la raconter à nouveau. C’est exactement ce qu’il se passe quand Denis Robert nous emmène rencontrer Hempel (Régis Hempel est un ancien employé de la Cedel, ancêtre de Clearstream, et l’un des sources de Denis Robert, ndlr). Non seulement il s’agit d’un élément essentiel de son enquête mais leurs retrouvailles ne sont pas neutres et je les filme. Tous ces petits moments m’ont permis de sortir d’un pur film d’interviews et d’apporter autre chose.

Comment avez-vous travaillé, notamment pour les séquences entre Pierre Péan et Vanessa Ratignier ?

On se voyait très régulièrement, chez Pierre ou à Paris. Je filmais tout, systématiquement. Puis j’ai progressivement choisi de ne plus filmer que nos rencontres dans la cabane de Pierre. Face au récit choral, complexe, ces rencontres dans la cabane donnaient une unité de lieu, un repère, un phare au milieu de cette immense étendue qu’est l’affaire.

Ces échanges ne sont évidemment pas scriptés. En revanche, on lançait des discussions sur des sujets particuliers. Je m’effaçais derrière la caméra et eux continuaient naturellement à parler. Ça s’est fait tout au long de la durée du projet, soit un an et quatre mois. On a commencé à tourner en septembre 2010 et l’un des monteurs nous a rejoints dès le mois de novembre 2010.

Le montage se faisait en même temps que le tournage, tout au long de l’histoire. C’est un énorme travail d’atelier un peu délirant. Ce n’est pas du tout conforme aux habitudes : six semaines de tournage bien organisées puis ensuite trois mois de montage. Nous n’étions pas tout dans cette mécanique.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Au milieu de ce récit apparaît un personnage fort, étrange et surprenant : la narratrice. Pourquoi avoir fait ce choix ?

Le résultat peut être assez déstabilisant mais c’est une idée que j’ai eue très tôt, presque au moment où j’ai décidé de mettre en scène Vanessa Ratignier et Pierre Péan. Je savais que je ne pouvais pas passer à côté de la voix-off pour ces films, d’autant que pour certains passages, il n’existait aucune archive.
Par exemple, le premier film se concentre sur le récit de deux scènes dont il n’existe aucun image : un café entre trois personnes dont nous avions deux témoins (Imad Lahoud et Gergorin) et un dîner chez “Tante Margueritte” entre trois agents secrets et Imad Lahoud.

Les images dominent le son

Il fallait donc tenir 52 minutes à partir de rien et avec un récit complexe. La voix off était nécessaire ! Mais je voulais “élever” le niveau de cette voix, la sortir exclusivement de l’aspect “commentaire”. J’aurais en plus été obligé de recouvrir ces longues plages de voix d’archives ou de plans prétextes de Paris comme on le voit souvent. Je me suis dit que cette mécanique allait rendre mon montage fou et que cela produirait l’inverse de ce que je voulais : de la compréhension. Les images dominent toujours le son alors que je voulais justement créer de la concentration sur des moments clé de l’histoire, des bascules, donc sur ce que formulait cette voix.

J’ai donc choisi de mettre une narratrice à l’image. Elle n’a pas une fonction de journaliste, elle n’est pas un personnage de l’histoire. C’est une comédienne qui n’a qu’une seule et unique fonction : être une conteuse. Elle nous regarde en face et nous narre cette histoire. Elle est comme nous, c’est la seule personne du film qui s’adresse à nous, spectateur, et qui nous ramène dans l’histoire, qui nous confirme ce que l’on a compris ou qui nous précise ce qui nous a échappé.

C’était essentiel car plus les épisodes avancent, plus le besoin de concentration est important, plus l’affaire devient chargée, compliquée, il faut se souvenir de ce qu’il s’est passé avant, de petits détails…

N’y a-t-il pas un risque de rendre cette narration artificielle ?

Mon idée était justement de jouer la rupture, de décontextualiser la narratrice, de la filmer dans un décor symbolique et surtout pas réaliste. J’ai cherché où je pourrais la filmer, dans les archives du conseil constitutionnel par exemple ? Mais je ne pouvais pas la mettre dans un décor d’archives réelles, abritant potentiellement des secrets de la République. Elle serait devenue une sorte de détentrice de savoir alors que ce n’est pas son rôle.

“Le film que je vais vous raconter…”

Nous avons donc dépouillé le décor au maximum, allant plus direct : elle est là uniquement pour nous raconter l’histoire. D’ailleurs, le film commence textuellement par “Le film que je vais vous raconter…” Elle est là pour nous aider à avancer dans l’histoire et pour produire de la concentration. Et, quand elle apparaît à l’écran et qu’elle nous regarde, ça marche. Pourtant, il n’y a rien, rien sur la table, rien dans le décor, le jeu est minimum. Il y a juste un traveling avant ou arrière qui accompagne son récit.

Manipulations est construit comme un thriller feuilletonné en six épisodes, est-ce que, dans la construction du récit, vous avez été inspiré par les séries télévisées récentes ?

Ces dernières années, je n’ai pas vraiment eu le temps de regarder la télévision et j’ai regardé ma première série, “Breaking Bad”, au moment où on achevait le montage. Je voyais bien les ressorts et les mécaniques du récit. Au départ, il fallait faire un choix : soit faire des films complètement thématisés (“Clearstream 1″, “Les vendeurs d’armes”, “L’affaire des frégates de Taïwan”, etc.), un peu à l’ancienne avec des docus complètement indépendants les uns des autres ; soit on essayait de jouer la part de romanesque contenue dans cette histoire. Je viens du monde de la fiction, dans lequel j’ai travaillé 10 ans, cette deuxième solution me parlait donc forcément plus.

J’aime beaucoup travailler le documentaire sur ce principe du “Il était une fois…”. L’imposture joue un rôle central dans cette histoire, le romanesque était là. Je n’allais pas faire six films mais un seul et même film avec plusieurs structures narratives. L’architecture de base est celle de l’affaire Clearstream 2. Elle relie les six épisodes. A partir de cette grande trame, on repart dans d’autres épisodes de l’histoire via des flash-backs : les frégates de Taïwan, la campagne de Balladur en 1995, voire les périodes politiques des années 90 pour finalement revenir, 40 minutes plus tard, sur la trame principale qui oppose Lahoud et Gergorin.

Cette structure fonctionne sur les six films : un début sur Clearstream, un flash-back qui nous emmène dans d’autres questionnements puis nous ramène à Clearstream à la fin de l’épisode. Ce qui permet de jouer la dimension romanesque de cette histoire incroyable et de garder une dimension thématique dans chaque film.

Il y a, dans Manipulations, une distanciation face au réel. Est-ce un choix de se mettre à un autre niveau, celui d’une “époque” comme dans votre précédente série documentaire, “La mise à mort du travail” ?

Comment atteindre une vision macro, universelle ? C’est cette question qui m’intéresse dans La mise à mort du travail ou Manipulations. Le parcours de Pascal chez Carglass (dans “La mise à mort du travail”, nldr), que nous raconte-t-il du management dans les entreprises mondialisées ? Comment ramener un témoignage que l’on va saisir à quelque chose qui permette d’avoir une vision plus large ?

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Forcément je défends un point de vue, un regard. Mais l’enjeu est d’arriver à éviter le didactisme, de ne pas donner des leçons de morale. Je ne voulais pas faire de La Mise à mort du travail un film militant, je voulais en faire un film implacable. Je ne suis ni politologue, ni historien, j’aime bien arriver à démontrer simplement quelque chose de manière efficace. C’est aussi une façon d’utiliser de façon subversive ce média qu’est la télévision.

Et puis la donnée “temps” est importante. J’ai la chance de travailler sur des documentaires d’enquête qui demandent des temps longs. Les personnages émergent, leur psychologie s’affine. Dans Manipulations par exemple, Imad Lahoud est un imposteur mais aussi un personnage “chaud”, sympathique. Gergorin, un vendeur d’armes, n’attire pas la sympathie, au début c’est un personnage froid, très difficile d’accès. Ce n’est qu’avec le temps que l’on arrive à découvrir ce qui se cache dans les replis.

Quelles sont vos sources d’inspiration pour ce mode de narration et la réalisation ? La fiction ? Le docu-fiction ?

La docu-fiction est un exercice très difficile. Très peu le réussissent. Je tire plus mon inspiration de la fiction. Côté docu, je suis un admirateur de Chris Marker. Je me souviens l’avoir découvert à 20 ou 22 ans. Je revenais d’un séjour en Afrique et je suis allé au festival “Cinéma du réel” à Beaubourg. C’était le début des années 1990. J’ai vu Sans soleil de Chris Marker, 30 minutes avec des photographies.

Il y a bien sûr plusieurs familles chez les documentaristes. Certains estiment qu’un film ne doit jamais comporter de voix off. Mais dans Sans Soleil, la voix off n’est pas un simple commentaire. Elle donne une autre dimension aux images et devient un élément de narration en soi. Je pense que la voix off doit prendre de la hauteur et aider à faire réfléchir les spectateurs.

En télé, la plupart des voix off sont hurlées, stéréotypées selon les schémas enseignés dans les écoles de journalisme. Dans La mise à mort du travail, la voix off était très différente dans sa diction et dans son écriture. C’est important que la voix off soit bien écrite. Elle devient un élément de langage fort. Je ne pense pas que le vrai documentaire se fasse sans voix off, uniquement avec des séquences qui s’enchainent. Chez Marker, la voix off est un ingrédient du récit fascinant.

On sent aussi un sens de la dramaturgie dans La mise à mort du travail et Manipulations.

La dramaturgie me paraît centrale dans le documentaire. Il ne faut pas la perdre de vue, mais il ne faut pas trop en faire non plus ! Un documentaire raconte une histoire, ce qui est d’autant plus vrai pour les sujets ou affaires austères, comme le travail ou Clearstream. Comment peut-on intéresser les spectateurs à une entreprise qui remplace des vitres de voitures ? Comment peut-on faire un film là-dessus ? La solution qui m’est apparue est la narration : raconter une histoire.

Mettre des documents en images

Dans le cas du journalisme d’enquête, il est difficile de raconter des histoires. La plupart du temps, les enquêtes sont rédigées comme un enchaînement de faits. Rares sont celles qui racontent véritablement une histoire, comme a pu le faire Denis Robert par exemple. Il a d’ailleurs été largement critiqué. Le format vidéo n’est pas le plus adapté aux sujets d’enquête. Comment travailler les documents que nous avions, par exemple les documents sur Rondot et Michelle Alliot-Marie ? Les mettre en valeur uniquement en utilisant des effets de style créés sur After Effect (un logiciel de création vidéo, ndlr) ?

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Pendant un an, Vanessa et moi avons épluché les documents dans un bureau. Au bout d’un moment je me suis dit qu’il fallait les présenter de cette façon, en montrant le travail sur les documents et les documents eux-mêmes. Souvent, ils sont lus, ce qui renforce aussi la dramaturgie. La manière de filmer se veut sobre. Je n’éclaire jamais de façon artificielle les personnes interrogées. Le rapport est modifié, le lien est brisé quand on sort des éclairages. J’essaie de tirer profit de la lumière naturelle, une fenêtre ou autre. Il faut être le moins technicisé possible. Sauf avec la narratrice. Là, c’est une mise en scène assumée pour créer une rupture. Ces pratiques sont assez pragmatiques. En cherchant comment humaniser les personnages, j’ai compris qu’il valait mieux éviter les éclairages et prendre du temps.

Manipulations est-il un succès ?

Lors de la première diffusion, 470 000 spectateurs l’ont regardé. En termes de strict audimat, c’est moyen. Mais l’audimat n’est pas intéressant, il faut regarder le comportement des téléspectateurs : combien zappent ? combien restent ? De ce point de vue, c’est un succès : le nombre de téléspectateur reste à peu près stable tout au long de la diffusion.

Qu’avez-vous pensé du webdocumentaire qui a accompagné le film ?

Je le trouve d’autant plus réussi qu’il a été réalisé en urgence ! Nous avons eu l’idée au début de l’été. En septembre, le projet a été relancé avec David Dufresne et la société Upian. La production a commencé fin septembre. Ils ont pu travailler aussi vite en partie parce que le matériel documentaire était déjà réuni et que nous le connaissions bien. Nous avons organisé le contenu et David Dufresne et Upian ont défini scénarisé tout ça en imaginant un cheminement au coeur des documents qui met l’internaute à la place de l’enquêteur.

Le film et le webdocumentaire sont deux objets différents. Pour les réalisateurs du webdoc, la narration du film était linéaire, alors qu’elle ne l’est pas du tout pour un film ! L’addition des deux permettent de réaliser un document immense sur une affaire énorme. Le webdoc permet aussi d’interagir avec les internautes. Certains sont allés chercher ailleurs des informations pour compléter celles présentées en ligne, ils s’emparent littéralement de l’affaire. Ils font des aller-retour entre le web et le film. Il y a tout ce qu’il faut pour s’informer : librement avec le film, activement avec le web.

Cliquer ici pour voir la vidéo.


Photos et illustrations : dossier de presse France 5 ; Pandiyan [cc-bync] ; pepemczolz [cc-bync] via Flickr

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“Debtocracy”, le documentaire qui secoue la Grèce http://owni.fr/2011/06/09/debtocracy-documentaire-choc-grece/ http://owni.fr/2011/06/09/debtocracy-documentaire-choc-grece/#comments Thu, 09 Jun 2011 06:28:31 +0000 Stanislas Jourdan http://owni.fr/?p=66660
Cette interview a été initialement publiée sur OWNI.eu le 6 mai dernier. Suite à la publication de la version sous-titrée en français du documentaire, nous publions aujourd’hui la traduction française.

Né à Athènes, Aris Hatzistefanou, 34 ans, est un journaliste à toute épreuve depuis ses plus jeunes années. Journaliste en Palestine, puis à Londres pour la BBC, son émission de radio “infowar” sur la station grecque Sky Radio, très écoutée, fut arrêtée quelques jours seulement avant la publication du documentaire Debtocracy, dont le message est à contre-courant de la pensée dominante.

Ce projet a attiré l’attention de plus d’un million de personnes en Grèce, et a popularisé une campagne nationale demandant une commission d’audit de la dette publique du pays. OWNI s’est entretenu avec l’homme derrière ce subversif documentaire qui secoue l’opinion grecque, dans une période très difficile pour le pays.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

(Cliquer sur le bouton CC en haut du player pour sélectionner la langue des sous-titres)

Quelle est l’histoire de Debtocracy ?

L’idée nous est venue après une émission sur Sky Radio sur la manière dont le président équatorien avait géré la dette colossale du pays : il mis en place une commission chargée d’auditer la dette souveraine du pays, et arriva à la conclusion que d’autres pays étaient en train d’utiliser l’Équateur comme un “esclave”, tout comme l’Argentine et d’autres pays avant lui. Par conséquent, le gouvernement équatorien força les créanciers à subir un « haircut » [des pertes, ndlr] de 70%.

Dans le même temps, en Grèce, des gens étaient en train de lancer une initiative similaire, et recherchaient du soutien pour cela. Du coup, mon émission sur Sky Radio entrait en écho avec leur discours. Et beaucoup de gens semblaient se demander si nous pouvions faire la même chose en Grèce.

Katerina Kitidi (éditrice en chef de TV XS) et moi nous sommes alors décidés à produire ce documentaire. Mais nous n’avions pas d’argent, et ne voulions surtout pas demander des financements auprès d’un quelconque parti politique, syndicat, entreprise, ou pire, une banque. Nous avons alors eu l’idée de demander aux gens de nous aider en lançant une campagne de crowdfunding.

Et cela a très bien marché ! Nous avons récolté 8.000 euros en seulement dix jours, ce qui est pas mal du tout en Grèce, surtout dans le contexte actuel.

Au début, ce projet était censé n’être qu’une vidéo de plus sur YouTube ! Mais comme beaucoup de gens nous ont proposé leur aide (des professionnels de l’audiovisuel notamment), et que beaucoup de gens nous ont aidés financièrement, nous avons pu réaliser un véritable documentaire. À un moment, nous avions même tellement de dons que nous avons décidé d’investir dans la promotion du film, ce qui n’était pas prévu.

Alors que ce projet avait été initié par deux personnes, environ quarante personnes ont contribué au final.

Katerina Kitidi et Aris Hatzistefanou.

Comment le film a été reçu en Grèce ?

Nous avons eu plus d’un demi-million de vues en moins d’une semaine, et nous sommes aujourd’hui à plus d’un million. Mais en dépit de ce succès, les média grecs n’en touchèrent pas un mot au début. Puis, quand ils ont vu le succès du film, ils ne pouvaient plus faire comme si nous n’existions pas. Il sont alors commencé à nous critiquer et à tenter de nous décrédibiliser. Jusqu’à présent, aucune chaine de télévision n’a parlé de nous, même négativement.

En fait, le jour où ils le feront, c’est que nous aurons gagné.

Quel est le message que vous voulez faire passer avec ce documentaire ?

Nous défendons le point de vue que la situation actuelle n’est qu’une partie d’un problème bien plus global, notamment lié au problème de l’euro. Parce que l’euro est divisé entre son cœur et la périphérie, nous sommes condamnés à souffrir de pertes de compétitivité face à l’économie mondiale, car nous ne pouvons pas dévaluer notre monnaie.

Je ne nie pas que nous avons notre propre part de responsabilité. Le problème de la Grèce est que notre fiscalité ne s’est pas adapté au modèle d’État-providence que nous avons mis en place : les entreprises ne sont pas assez taxées, les déficits ne sont donc pas contrôlés. Nous avons aussi un grave problème de corruption, mais cela reste un détail : nous pourrions mettre tous les politiques en prison, mais qu’est-ce que cela changerait ?

Bref, ce qui se passe actuellement ne peut pas être totalement de la faute des “PIIGS”, comme ils nous appellent.

Nous disons aussi que le modèle allemand n’est pas un modèle à suivre. Ils ont simplement gelé les salaires depuis dix ans ! Ce n’est pas soutenable pour l’ensemble de l’Europe !

Certains disent que votre point de vue n’est pas impartial. Que leur répondez-vous ?

Tout d’abord, nous n’avons jamais prétendu être mesurés. C’est même plutôt l’inverse, puisque nous pensons que nos contradicteurs ont largement eu le temps et l’espace médiatique pour faire valoir leur position. D’ailleurs, leur position n’est pas vraiment équilibrée non plus…

Certains critiquent aussi le fait que l’Équateur n’est pas un bon exemple, car c’est un pays en voie de développement qui a du pétrole. Mais le pétrole ne représente que 25% du PIB de l’Équateur, et nous, nous avons nous aussi en Grèce notre propre pétrole : le tourisme.

Après, on aurait pu prendre n’importe quel autre pays comme exemple, il y aurait toujours des gens pour dire que « comparaison n’est pas raison », même si le contexte est tout de même similaire, avec une spirale d’endettement et l’intervention du FMI. Mais au final, ils essaient juste de faire dériver la conversation afin de ne pas répondre au principal sujet de ce film : la nécessité de créer une commission d’audit de la dette.

À votre avis, que devrait faire la Grèce aujourd’hui ?

C’est clair que la Grèce ne peut repayer sa dette, que celle-ci soit légale ou pas, et quel que soit son montant et son taux d’intérêt. Plus de 350 milliards de dettes, c’est déjà trop. Très ironiquement, les marchés semblent plus lucides que le gouvernement, qui continue de dire que l’on peut trouver l’argent. Mais les marchés ne sont pas stupides. Les plans de sauvetage n’ont en vérité qu’un seul objectif : sauver les banques françaises et allemandes, qui tomberaient si la Grèce faisait banqueroute.

Donc, de notre point de vue, nous ne devrions rien attendre des décideurs européens. Si nous attendons, il sera trop tard pour prendre les mesures nécessaires. Nous devons donc trouver nous même des solutions, et lancer des initiatives.

Une fois que cela est dit, la première chose que nous devons faire et de mener un audit de la dette grecque, de manière à discerner la dette légale de celle qui ne l’est pas. Un certain nombre d’indices tendent à montrer qu’une grande partie de la dette est odieuse, voire illégale. Mais seule une commission d’audit saurait le démontrer. C’est pourquoi nous soutenons complètement cette initiative, même si nous soulignons l’importance que cette commission soit menée de manière transparente et démocratique. Pas par les parlementaires.

Après, nous sommes plus radicaux que d’autres dans nos propositions car nous pensons que nous devrions stopper le remboursement de la dette, quitter l’euro, et nationaliser le secteur bancaire. Ce n’est pas quelque chose de facile à défendre, car cela parait très radical, mais même certains économistes et hommes politiques commencent aussi à étudier ces options.

Nationaliser les banques peut sembler être une proposition communiste, mais j’y vois plutôt du pragmatisme : il faut protéger le pays d’une éventuelle fuite des capitaux vers l’étranger, dans le cas où nous quittons l’euro.

Avez-vous des liens avec d’autres initiatives de ce type en Europe ?

Nous avons été contactés par de nombreux groupes, notamment pour que nous traduisions le documentaire. Ce qui est désormais chose faite. Mais nous ne collaborons pas vraiment avec eux en tant que tel, nous leur permettons simplement de réutiliser notre travail, qui est sous licence Creative Commons.

Comment voyez-vous l’avenir de la Grèce ?

L’année dernière, il y a eu plusieurs soulèvements contre le plan de sauvetage du pays, mais les citoyens sont très découragés depuis. Pendant les dix dernières années, l’opposition n’a jamais rien proposé qui puisse rassembler l’opinion publique. Certains pensent que les grecs se font une raison, mais je sens que l’indignation est toujours bien là, sous nos pieds. Elle n’attend qu’un nouveau prétexte pour être ravivée.

Il est intéressant de noter qu’aucun parti politique n’a le contrôle des mouvements de protestation, et que personne ne guide ce mouvement. Je redoute donc que la situation ne s’enflamme de nouveau, d’une manière violente. Mais il est impossible de prévoir quand et pourquoi.

Quelle est la suite pour Debtocracy ?

Grâce à toutes les personnes qui nous ont soutenus, nous avons collecté plus d’argent que nécessaire pour la production du film. Nous avons donc décidé de créer un compte spécial pour que les gens déposent leurs dons. Si nous n’utilisons finalement pas cet argent pour un nouveau projet dans les six mois, les donateurs seront remboursés.

Franchement, nous ne nous attendions pas à un tel succès avec si peu de moyens. Ce n’était pas facile, mais nous nous sommes prouvé que nous pouvions faire de grande choses avec peu de ressources, surtout quand vous êtes entourés de personnes talentueuses.

Internet nous a beaucoup aidés, mais nous voyons aussi les limites de l’outil. Nous devons aujourd’hui aller à la rencontre de ceux qui ne sont pas forcément sur Internet, notamment à l’extérieur d’Athènes. Si nous n’étions que sur Internet, notre approche resterait trop élitiste. C’est pourquoi nous envisageons de distribuer des DVD et d’organiser des projections dans des théâtres ou des cinémas.

Nous voulons vraiment aller plus loin, faire face aux tabous des médias mainstream grecs. Aujourd’hui, si les gens ne participent pas eux-mêmes à la production de l’information, il n’y aura jamais aucune entreprise de média prête à leur donner la parole.


Crédit photo : Debtocracy

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Argos 10 ans au long cours http://owni.fr/2011/03/22/argos-fete-ses-10-ans/ http://owni.fr/2011/03/22/argos-fete-ses-10-ans/#comments Tue, 22 Mar 2011 11:30:32 +0000 Ophelia Noor et Pierre Alonso http://owni.fr/?p=52567 Comment est né le collectif Argos ?

Cédric Faimali : J’avais en tête l’idée d’un collectif depuis 1993. À l’époque, j’ignorais que le Bar Floréal et Tendance Floue existaient. J’étais étudiant. Parfois je suivais les manifestations et j’essayais de vendre mes photos. 200 frs, c’était pas grand chose. Un ami faisait une école de photo et l’établissement leur avait prêté un local. J’avais adoré cette idée d’avoir un bureau, de pouvoir échanger et collaborer avec d’autres photographes plutôt que d’être seul dans mon coin, d’appeler les rédactions, d’avoir un numéro de contact…

Dans les années qui ont suivi, le nombre de collectifs a augmenté. En 1999, j’ai monté mon propre collectif avec deux autres photographes, Côté Cour. Il n’a duré que quelques semaines, mais je voulais poursuivre sur cette voie. J’ai contacté Guillaume Collanges qui était déjà une connaissance. Il était d’accord et en a parlé autour de lui. Hélène était intéressée mais elle voulait travailler avec des rédacteurs. Tous les deux ont été intégrés dès le début. Nous étions cinq assez rapidement.

Hélène David : On avait envie de faire un travail documentaire sur des problématiques sociales et environnementales. Parfois, les photographies ne suffisent pas. Pour les réfugiés climatiques par exemple, le texte apportait des informations utiles à la compréhension.

Aude Raux : Au niveau du fonctionnement du collectif, chaque mardi matin nous nous réunissons pour régler les affaires courantes. Et tous les ans, nous faisons une colo qui nous permet d’être ensemble pendant trois jours. C’est l’occasion de faire le point, de prendre le temps de scruter l’horizon et de développer des projets sur les années à venir. On compare aussi comment on arrive à vivre de la presse et globalement nous remarquons que nos carrières évoluent mais que nos salaires baissent.

Le prix de la liberté est cher payé par rapport à la sécurité financière.

Comment définiriez-vous le collectif Argos ? Quelles sont ses valeurs ?

Cédric Faimali : En quelques mots : l’humain avant tout, l’homme dans son environnement naturel et social. Les réfugiés climatiques ne parlent pas de l’environnement, mais des hommes qui souffrent à cause du changement climatique. Ce sujet a nécessité quatre ans de réalisation. Il n’est entré dans l’actualité qu’avec la campagne électorale de 2007. Tout le monde a commencé à parler du changement climatique. Notre reportage était prêt. On était dans le timing médiatique, personne n’y avait pensé avant.

Sébastien Daycard-Heid : Les sujets au long cours font partie de l’identité d’Argos. On a une approche documentaire éloignée de l’actualité. Nos sujets auront peut-être une actualité après. Nous les traitons avant, en amont. Notre but est de donner à comprendre. L’approche documentaire redonne du sens et du contexte. Mais c’est un travail de longue haleine. Ce travail n’est pas valorisé dans les journaux qui traitent l’actualité mais c’est le cœur de notre activité.

Quels sont les avantages d’un collectif ?

Cédric Faimali : Au début, les rédactions ne se souvenaient pas toujours de nous individuellement. Comme on travaille sur des sujets longs, on ne voyait pas les rédactions très régulièrement. On les rappelait après plusieurs mois. Mais, petit à petit le nom du collectif s’est imposé. Même sans nous connaître en personne, ils avaient entendu parler du collectif Argos.

Sébastien Daycard-Heid : L’intérêt du collectif est là : on a un espace de travail en commun, on peut échanger. Un collectif, c’est aussi un bel outil pour monter des projets. Argos est une association loi 1901 et peut donc recevoir des subventions publiques. Le collectif n’a pas été pensé dans une logique carriériste. Vu la précarité des métiers de journaliste et de rédacteur en ce moment, on a tout intérêt à se regrouper et à travailler ensemble pour avoir une visibilité plus forte.

Cédric Faimali : Dès le début, on a eu envie de faire des sujets tous ensemble. On ne faisait pas que partager des bureaux. Cela nous donne aussi une force de frappe plus importante. Quand je rentre de reportage et que je le présente à une rédaction, j’évoque aussi le travail des autres membres d’Argos.

Chacun devient le commercial de l’autre. On gagne tous en visibilité. Ce qui profite au collectif profite à chacun individuellement.

Est-ce que les propositions viennent plus des rédacteurs ou des photographes ? Comment naissent les sujets en général ?

Cédric Faimali : Le sujet sur les mines qu’on vient de réaliser, a été proposé par Sébastien. Au départ, il voulait travailler avec Guillaume qui connaît bien ces sujets. Après, il est aussi venu vers moi, j’avais déjà traité le monde du travail sous un angle différent de celui de Guillaume. Tous les sujets n’intéressent pas tout le monde. Nous faisons nos choix selon les sensibilités de chacun.

Sébastien Daycard-Heid : Sur un projet nous avons toujours une personne au centre du sujet qui le lance et en assure le suivi. Le rédacteur est souvent plus à même d’écrire la présentation. En travaillant à plusieurs, un photographe, un rédacteur, et parfois un graphiste, on a aussi accès à plus de supports. Un photographe peut travailler seul pour en sortir un portfolio. En tant que rédacteur, j’ai davantage besoin du photographe pour faire passer le message et diffuser mon travail. La photo passe sur le web, dans les magazines, les livres, dans le journal.

La photo, c’est l’image caméléon. À force de travailler avec les photographes, je suis devenu mordu. C’est une forme de réflexion supplémentaire dans notre métier. Il faut penser les sujets en terme de texte et d’image.

Le photographe développe-t-il sa propre narration ?

Cédric Faimali : Au début, on ne voulait pas s’associer avec des rédacteurs uniquement pour qu’ils écrivent les synopsis ou les légendes. Au contraire ! Chacun apporte une information. Le texte donne une information, la photo aussi. Une image, c’est une phrase. La photo ne colle donc pas forcément exactement au texte du rédacteur et vice-versa.

Sébastien Daycard-Heid : Chaque sujet a un rapport à l’autre et tous se complètent. À l’intérieur de chaque sujet, chacun est libre de le traiter différemment en fonction de sa sensibilité. La manière de construire un reportage écrit peut s’appliquer à n’importe quel autre support. Les ingrédients, la construction sont les mêmes.

Pendant le reportage, vous travaillez ensemble ?

Sébastien Daycard-Heid : Ça dépend du média. En presse écrite et en magazine, on nous demande de travailler séparément parce que chacun doit développer son regard. En web, il faut qu’on soit quasiment tout le temps ensemble : si une interview est très intéressante et qu’il y a un moment à saisir, il faut que le photographe soit là pour la filmer. Travailler main dans la main est indispensable pour le web.

Cédric Faimali : Au départ, on planifie la narration. On détermine ce qu’on veut en vidéo, ce qu’on veut en photo. On peut décliner des reportages presse sur le web comme ça. Je sais à l’avance comment je ferai mon montage une fois sur place. Maintenant que les appareils photo permettent de faire de la vidéo, on peut facilement passer d’un support à un autre.

Sébastien Daycard-Heid : Quand on fait de la vidéo, on est obligé d’être tout le temps ensemble. La prise de son sur notre caméra (Canon 5D II, un réflex numérique) est trop mauvaise pour être exploitée en l’état. Le rédacteur devient donc un preneur de son.

J’ai découvert ce métier et j’aime beaucoup. C’est comme chasser des papillons. À l’origine, j’utilisais un dictaphone pour m’aider à la prise de note, et c’est devenu un pan entier de mon activité. Je le fais maintenant systématiquement.

Qu’est-ce qui vous a marqué dans l’actualité depuis 10 ans ?

Hélène David : C’est difficile de parler au nom de tout le monde, c’est quelque chose de très personnel, mais collectivement je pense qu’on sera d’accord pour dire que c’est l’élection de Le Pen au 1er tour de la présidentielle en 2002. C’était d’ailleurs notre premier projet collectif. Nous avions commencé en amont à travailler sur la présidentielle.

Quel regard portez-vous sur l’évolution de vos métiers ces dernières années, et quelles sont les perspectives d’avenir ?

Aude Raux : Nos métiers se sont diversifiés. Il faut suivre un sujet très en amont et jusqu’au bout. Chercher des fonds et monter les dossiers de financement, faire la présentation du projet, s’occuper des expositions, de l’édition, etc. Au début, on se concentrait sur la presse. Mais on travaille maintenant sur des supports de plus en plus nombreux et différents.

Pour les réfugiés climatiques par exemple, nous avons pris en charge l’édition de grandes bâches pour des expositions.

Il est de plus en plus difficile de suivre un sujet dans la durée dans la tradition du journalisme documentaire. Nous n’avons plus les moyens de l’enquête. Or la notion de durée est importante. C’est elle qui fait la différence avec les personnes qui font l’objet du reportage.

Quand nous avons travaillé sur le projet Qui sème l’espoir en banlieue avec Jérômine [Derigny] nous nous sommes rendus compte que les journalistes avaient mauvaise réputation. Il faut du temps pour gagner la confiance des gens et le fait d’être présent pendant deux ans sur le terrain a été déterminant.

Guillaume Collanges : Le passage de l’argentique au numérique a tout changé. Il y a dix ans, peu d’entre nous avaient des appareils photos numériques, qui n’étaient d’ailleurs pas bons et très chers. Aujourd’hui, on bosse tous en numérique. De même, l’entrée de la vidéo chez les photographes est très importante et de plus en plus de sujets multimédias en contiennent.

Aude Raux : Au départ du collectif en 2001, nous étions juste rédacteurs ou juste photographes. La diversification est venue au milieu des années 2000 avec un nouveau schéma économique pour la presse.

Le journaliste est maintenant multi-casquette, à la fois chargé de projet et de diffusion. Il faut travailler en multi-support car la presse écrite seule ne suffit plus, elle ne diffuse plus de longues enquêtes.

Nous sommes dans un système économique dans lequel on s’essouffle à s’éparpiller autant. Je fais beaucoup de corporate pour payer les factures. Je dois aligner les feuillets pour vivre. Après 15 ans de boulot tu as envie de passer à autre chose. L’idéal serait de ne vivre que de la presse et ne pas être obligé de faire du corporate ou alors du “corporate intelligent” dans le sens où nous travaillerions avec des ONG qui ont les mêmes valeurs que nous.

Guillaume Collanges : Chez Argos nous sommes déjà trois photographes en formation vidéo. La mutation des boîtiers photographiques a ouvert une porte aux photographes. Nous aussi nous avons évolué. Le principal avantage de ces nouveaux outils c’est le rapport photographique à l’image : nous pouvons jouer sur la profondeur de champ comme dans une image-cinéma alors que l’image-vidéo de base ne le permet pas : tout est lisse et net.

Il faut continuer dans la lignée de ce qu’on fait depuis quelques années. Se diversifier et faire du multimédia, de la vidéo, nos appareils photos nous le permettent aujourd’hui. C’est aussi une réelle valeur ajoutée de pouvoir développer des projets sur plusieurs plateformes. Mais c’est bien également de travailler avec des preneurs de son, des webmasters, des réalisateurs. En tant que photographe, on ne peut pas tout faire tout seul et bien.

Quelle place occupe le multimédia dans votre production ?

Guillaume Collanges : Nous aimerions qu’il prenne une plus grande part à l’avenir. Dès 1999, nous avions fait un premier montage photos et son pour le reportage sur les Établissements Thibault : la fin d’une usine. J’avais travaillé à cette occasion avec un journaliste de Radio France, Sébastien Laugénie. Et dès le début des années 2000, nous avons travaillé avec des preneurs de son de l’association le Chant des grenouilles bleues, notamment sur les chaussures Germaine et la fermeture des mines de Lorraine.

A l’époque il existait peu d’espaces de diffusion pour ce genre d’objet hybride. Mais cela s’est accéléré avec le passage au numérique. Aujourd’hui j’aimerais bien remonter en multimédia mes reportages sur le charbon en Lorraine. J’ai le sentiment que la presse devient une vitrine : pour faire court, on monte un book presse qui nous rend crédibles auprès d’autres acteurs, ce qui nous permet de décrocher une mission “corporate” par exemple.

Les espaces reportages se réduisent considérablement dans les magazines. De plus en plus nous devons penser en terme de multimédia et de multiplateformes.

Et le web, vous pensez que ça peut-être une solution ?

Guillaume Collanges : De manière générale nous sommes assez dubitatifs sur l’économie du Net. Est-ce que c’est rentable? Il faut être concret : comment financer les enquêtes, les reportages, les documentaires. Ce n’est pas très poétique, mais la presse décline lentement et sûrement depuis longtemps.
Comment inverser cette tendance ? On nous dit que les webdocs font beaucoup d’audience, mais personne ne donne de chiffre précis. Alors qu’avec cette diffusion, on peut précisément savoir combien de personnes, combien de temps, quelle parcours dans la navigation on fait les internautes.

Ce qui est clair, c’est que nous ne pouvons plus, depuis un bon moment déjà, nous contenter de la presse et du documentaire pour vivre, même si c’est ce que nous souhaitons le plus, nous devons faire du “corporate”. Nous cherchons donc à développer ces différents modes de diffusion : multimédia, livre, expos… les piges de la presse papier ne cessent de baisser. Pour réaliser nos projet, nous avons déjà eu des subventions publiques, notament de l’ADEME pour les Réfugiés Climatiques” et il est vital de diversifier ses financements. La plupart des webdocs réalisés récemment l’ont été avec le soutient du CNC ou de la SCAM (Société civile des auteurs multimedia) voire de fondations privées.

Aude Raux : Nous avons très vite fait le choix d’avoir un site Internet et des blogs liés à des projets spécifiques comme pour les réfugiés climatiques, les mines (A life like mine) ou Gueule d’Hexagone. J’aime beaucoup écrire, et je suis peut-être une dinosaure mais le web-documentaire n’est pas une forme qui m’attire. J’ai surtout découvert l’interactivité extraordinaire d’Internet à l’occasion de notre projet Gueule d’Hexagone et du blog associé. Avec Jéromine, nous sommes restées plusieurs jours dans un village du Sud du Finistère où nous tenions le blog à jour pendant les reportages. Tous les jours, on allait petit-déjeuner au café des sports et au bout d’un moment, les autres clients nous reconnaissaient et nous interpelaient : “Ah aujourd’hui vous allez voir untel ou untel”.

Ils suivaient notre reportage sur notre blog. Ce n’était plus virtuel !

Sébastien Daycard-Heid : J’ai été obligé de m’y intéresser en travaillant sur les webdocs. Mais ils fonctionnent essentiellement sur des subventions. Le CNC qui dépend du Ministère de la Culture prend les risques financiers au début. Cette économie est entièrement artificielle. Le webdoc est passionnant sur le fond et la forme, mais le modèle économique n’existe pas encore. Les boites de production en webdoc sont financées par le ministère de la Culture. Il n’y a pas de financement privé de fondations comme aux États-Unis.

Les milliardaires philanthropes français investissent dans les médias, pas dans le contenu. Propublica, le site américain qui a gagné le prix Pulitzer l’année dernière, est financé par un couple de milliardaires philanthropes. Ils financent du contenu, des enquêtes. Cette logique me paraît particulièrement intéressante. Plus que le crowdfunding (production communautaire) auquel je ne crois pas du tout.

Il n’y a jamais eu autant de médias. Pour nous, producteurs de contenus, il n’y a jamais eu autant de possibilité de diffusion qu’aujourd’hui. Le financement de la prise de risque initiale reste le problème principal.

10 ans, 10 journalistes: Aude Raux et Sébastien Daycard-Heid sont rédacteurs. Héléne David, Cédric Faimali et Guillaume Collanges sont photographes. Les autres membres sont : Guy-Pierre Chomette (r), Donatien Garnier (r), Eléonore Henry de Frahan (ph), Jéromine Derigny (ph), Laurent Weyl (ph).

À l’occasion de ses 10 ans, OWNI suivra régulièrement le collectif Argos tout au long de l’année 2011. Stay tuned /-)

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Crédits photos: ©Collectif Argos/Picture Tank

Jéromine Derigny, Bensmim, vol à la source

Laurent Weyl, Eau : source de vie source de conflit. Le cas israélo-palestinien et La mer d’Aral

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Quelques alternatives aux pesticides http://owni.fr/2011/03/17/quelques-alternatives-aux-pesticides/ http://owni.fr/2011/03/17/quelques-alternatives-aux-pesticides/#comments Thu, 17 Mar 2011 10:40:27 +0000 Gayané Adourian http://owni.fr/?p=34380 Après Le Monde selon Monsanto, Marie-Monique Robin revient en lanceuse d’alerte avec un documentaire efficace, très fouillé et bien ficelé à propos des produits chimiques que nous ingérons malgré nous. Notre poison quotidien est cette fois un réquisitoire contre les industriels de la chimie, mais la journaliste pointe aussi les dysfonctionnements au niveau du circuit d’évaluation des différents produits, avant leur autorisation d’utilisation.

Trois thèmes sont abordés dans le documentaire, partant des agriculteurs victimes de maladies et intoxications chroniques liées à l’utilisation des pesticides en passant par les additifs alimentaires pour finir par les perturbateurs endocriniens (dont le bisphénol A). Tout au long du circuit, Marie-Monique Robin se balade d’institution en institution, appuyant ses recherches avec de nombreuses interviews.

La France championne avec 88 000 tonnes sur 140 000

En Europe, la France est le premier utilisateur de pesticides avec une consommation annuelle de 88 000 tonnes sur 140 000 pulvérisées chaque année. En tout, environ 400 molécules (ou principes actifs) sont autorisées actuellement. Petite comparaison : en 1990, 1 000 substances étaient en circulation, d’après Jean-Charles Bocquet, directeur du syndicat de l’industrie des pesticides, l’UIPP. Et toute la première partie du documentaire traite des problèmes de l’utilisation massive des pesticides.

Mais en regardant Notre poison quotidien, j’ai eu l’impression que l’agriculture n’avait pas évolué depuis 1964, date à laquelle le film Le pain et le vin de l’an 2000 a été diffusé. Comme le dit très bien Marie-Monique Robin toutes les bonnes questions ont été posées dans ce film des années 60, mais la réalisatrice oublie que l’agriculture a évolué depuis, avec par exemple ce qu’on appelle aujourd’hui la chimie verte.

Car parallèlement à toute cette filière, un mouvement autour de pesticides non-toxiques est en marche, illustré par le plan Ecophyto 2018 : ce plan, mis en place suite au Grenelle de l’environnement, prévoit de réduire de moitié les quantités utilisées d’ici… 2018, « dans la mesure du possible » souligne Antoine Blanchard, ingénieur agronome.

Une autre alternative émerge avec les stimulateurs de défenses naturelles (SDN) : basés sur le même principe que celui du vaccin mais appliqué aux plantes, ils font appel à des connaissances bien établies sur l’immunité des plantes. L’idée consiste à pulvériser une substance qui met en branle les réactions de défense des plantes (souvent une substance naturelle, extraite d’une algue ou d’une bactérie), afin d’immuniser celle-ci — sans être directement toxique pour le ravageur et donc pour l’environnement et l’être humain.

Un certain nombre de produits sont déjà commercialisés en France, en Europe et aux États-Unis et les efforts politiques et économiques vont dans ce sens. Mais Antoine Blanchard indique que leur usage ne se diffuse pas, pour plusieurs raisons. Il souligne :

Ils forment un nouveau paradigme, une nouvelle façon de penser la lutte phytosanitaire qui est compliquée à imposer ; ils sont délicats à manier et ont une efficacité plus variable (selon les tests en vigueur).

De plus, ils sont souvent aux mains des grosses firmes de l’industrie phytosanitaire, qui ne sont pas incitées à les mettre en avant. Jean-Charles Bocquet de l’UIPP confirme :

Les SDN sont moins efficaces que les produits chimiques actuellement utilisés, compliqués à mettre au point et posent quelques problèmes au niveau de leur stabilité.

Pourtant, dans ces pesticides de synthèse, chaque paramètre scientifique – efficacité in vivo et in vitro, métabolisme et devenir in vivo, toxicologie, écotoxicologie… – est connu le plus précisément possible, ce qui n’est pas négligeable. Les SDN sont donc un objet encore à l’étude dont les recherches doivent être favorisées.

D’autres alternatives qui sont purement biologiques aux pesticides existent aussi. Celles-ci ont en leur faveur d’être portées par des PME et donc délaissées par les grands groupes, notamment en raison de l’importance des savoir-faire (non brevetables) dans le secteur du biologique. Curieusement (ou pas) Marie-Monique Robin, n’en parle pas du tout dans son film. Elle prône par contre avec force le retour à l’agriculture biologique.

Illustrations FlickR CC : arbeer.de, Leonard John Matthews

Retrouvez notre dossier sur l’enquête de Marie-Monique Robin

Et notre illustration de Une de Elsa Secco en CC (utilisation de l’image de Dave – aka Emptybelly en CC )

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http://owni.fr/2011/03/17/quelques-alternatives-aux-pesticides/feed/ 2
Des alternatives aux pesticides http://owni.fr/2011/03/15/des-alternatives-aux-pesticides/ http://owni.fr/2011/03/15/des-alternatives-aux-pesticides/#comments Tue, 15 Mar 2011 17:03:30 +0000 Gayané Adourian http://owni.fr/?p=51403 Après Le Monde selon Monsanto, Marie-Monique Robin revient en lanceuse d’alerte avec un documentaire efficace, très fouillé et bien ficelé à propos des produits chimiques que nous ingérons malgré nous. Notre poison quotidien est cette fois un réquisitoire contre les industriels de la chimie, mais la journaliste pointe aussi les dysfonctionnements au niveau du circuit d’évaluation des différents produits, avant leur autorisation d’utilisation.

Trois thèmes sont abordés dans le documentaire, partant des agriculteurs victimes de maladies et intoxications chroniques liées à l’utilisation des pesticides en passant par les additifs alimentaires pour finir par les perturbateurs endocriniens (dont le bisphénol A). Tout au long du circuit, Marie-Monique Robin se balade d’institution en institution, appuyant ses recherches avec de nombreuses interviews.

La France championne avec 88 000 tonnes sur 140 000

En Europe, la France est le premier utilisateur de pesticides avec une consommation annuelle de 88 000 tonnes sur 140 000 pulvérisées chaque année. En tout, environ 400 molécules (ou principes actifs) sont autorisées actuellement. Petite comparaison : en 1990, 1 000 substances étaient en circulation, d’après Jean-Charles Bocquet, directeur du syndicat de l’industrie des pesticides, l’UIPP. Et toute la première partie du documentaire traite des problèmes de l’utilisation massive des pesticides.

Mais en regardant Notre poison quotidien, j’ai eu l’impression que l’agriculture n’avait pas évolué depuis 1964, date à laquelle le film Le pain et le vin de l’an 2000 a été diffusé. Comme le dit très bien Marie-Monique Robin toutes les bonnes questions ont été posées dans ce film des années 60, mais la réalisatrice oublie que l’agriculture a évolué depuis, avec par exemple ce qu’on appelle aujourd’hui la chimie verte.

Car parallèlement à toute cette filière, un mouvement autour de pesticides non-toxiques est en marche, illustré par le plan Ecophyto 2018 : ce plan, mis en place suite au Grenelle de l’environnement, prévoit de réduire de moitié les quantités utilisées d’ici… 2018, « dans la mesure du possible » souligne Antoine Blanchard, ingénieur agronome.

Une autre alternative émerge avec les stimulateurs de défenses naturelles (SDN) : basés sur le même principe que celui du vaccin mais appliqué aux plantes, ils font appel à des connaissances bien établies sur l’immunité des plantes. L’idée consiste à pulvériser une substance qui met en branle les réactions de défense des plantes (souvent une substance naturelle, extraite d’une algue ou d’une bactérie), afin d’immuniser celle-ci — sans être directement toxique pour le ravageur et donc pour l’environnement et l’être humain.

Un certain nombre de produits sont déjà commercialisés en France, en Europe et aux États-Unis et les efforts politiques et économiques vont dans ce sens. Mais Antoine Blanchard indique que leur usage ne se diffuse pas, pour plusieurs raisons. Il souligne :

Ils forment un nouveau paradigme, une nouvelle façon de penser la lutte phytosanitaire qui est compliquée à imposer ; ils sont délicats à manier et ont une efficacité plus variable (selon les tests en vigueur).

De plus, ils sont souvent aux mains des grosses firmes de l’industrie phytosanitaire, qui ne sont pas incitées à les mettre en avant. Jean-Charles Bocquet de l’UIPP confirme :

Les SDN sont moins efficaces que les produits chimiques actuellement utilisés, compliqués à mettre au point et posent quelques problèmes au niveau de leur stabilité.

Pourtant, dans ces pesticides de synthèse, chaque paramètre scientifique – efficacité in vivo et in vitro, métabolisme et devenir in vivo, toxicologie, écotoxicologie… – est connu le plus précisément possible, ce qui n’est pas négligeable. Les SDN sont donc un objet encore à l’étude dont les recherches doivent être favorisées.

D’autres alternatives qui sont purement biologiques aux pesticides existent aussi. Celles-ci ont en leur faveur d’être portées par des PME et donc délaissées par les grands groupes, notamment en raison de l’importance des savoir-faire (non brevetables) dans le secteur du biologique. Curieusement (ou pas) Marie-Monique Robin, n’en parle pas du tout dans son film. Elle prône par contre avec force le retour à l’agriculture biologique.

Illustrations FlickR CC : arbeer.de, Leonard John Matthews

Retrouvez notre dossier sur l’enquête de Marie-Monique Robin :

Les dangers de l’aspartame et le silence des autorités publiques, les bonnes feuille du livre de Marie-Monique Robin Notre Poison quotidien

Des alternatives aux pesticides

Et notre illustration de Une de Elsa Secco en CC (utilisation de l’image de Dave – aka Emptybelly en CC )

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Josh Fox, réalisateur anti-gaz de schiste classé “terroriste” http://owni.fr/2011/02/27/josh-fox-realisateur-anti-gaz-de-schiste-classe-terroriste/ http://owni.fr/2011/02/27/josh-fox-realisateur-anti-gaz-de-schiste-classe-terroriste/#comments Sun, 27 Feb 2011 16:30:42 +0000 Sylvain Lapoix et Ophelia Noor http://owni.fr/?p=48481
Billet initalement publié sur OWNIpolitics.

fff

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Metteur en scène de théâtre et réalisateur de fiction, Josh Fox n’avait rien d’autre que sa caméra qui le prédestinait au documentaire. D’une simple lettre d’une compagnie gazière reçue dans sa maison familiale de Pennsylvanie, havre de paix au bord de la rivière Delaware, il s’est immergé tout entier dans le cauchemar des gaz de schistes pendant un an et demi afin de comprendre ce qui arrivait à son pays. Avec un ami monteur, il a produit Gasland, documentaire politique, écologique et expressionniste sur une Amérique prête à sacrifier air pur, eau douce et santé humaine pour quelques mètres cubes de gaz de plus… Devenu hérault de la lutte contre une industrie énergétique sans scrupules, il a présenté pour la première fois son film en Europe, en janvier dernier à Londres. En attendant l’arrivée de son film en France, Josh Fox a accepté de livrer à OWNIpolitics quelques détails sur sa mission d’intérêt général.

Comment a commencé le tournage de Gasland ?

Ca s’est passé exactement comme je le raconte dans le film : mon père a reçu une lettre qui nous proposait d’exploiter du gaz sur notre terrain. Il m’a demandé de “jeter un oeil à cette histoire” : la zone du haut Delaware n’est pas une zone d’exploitation d’hydrocarbure, c’est une magnifique région d’étangs où nous n’avions jamais rien vu de tel. Bien sûr, les compagnies de gaz nous ont promis que nous ne les remarquerions même pas, que nous allions gagner énormément d’argent… et c’est ce qu’ils nous ont offert.

La rivière Delaware, qui coule à côté de la maison de famille de Josh Fox.

Mais mes voisins sont venus m’expliquer qu’ils avaient jeté un œil au procédé, qui consistait à injecter des produits chimiques dans le sol… Bref, tout ça ressemblait à un énorme projet industriel et j’ai voulu savoir de quoi il en retournait. Je suis donc allé à Dimmick, où ce genre de forage avait déjà eu lieu. Quand je suis revenu, je savais qu’il fallait empêcher que ça se produise chez moi et enquêter là-dessus parce que ça relevait du scandale national.  Alors qu’au départ c’était juste un film pour informer mes voisins !

D’où est venu l’idée de ce titre, Gasland ?

Le titre ne nous est venu qu’à la toute fin de la réalisation : nous regardions une campagne de pub cinéma des années 1950 pour le gaz naturel en Pennsylvanie et il y avait une réplique qui nous a frappé à propos des pipelines et des puits : “et ce genre de sites et de sons, vous pouvez les voir partout dans le Gasland !” Et là, ça a été le déclic : nous nous sommes regardés avec mon coéquipier : nous avions notre titre !

Comment s’est déroulé la production du film elle-même avant sa projection en salle ?

Nous projetions le film au fur et à mesure que nous le produisions pour informer les habitants de la région du haut Delaware : nous montrions des bouts de 10 minutes, 30 minutes… Nous étions déjà en contact avec notre public, ce qui nous aidait à sélectionner les séquences, et ça nous permettait de voir un peu mieux ce que nous pourrions faire comme film.

Mais le film Gasland lui-même est né d’un travail à deux, avec le monteur, enfermés pendant un an dans une pièce où nous choisissions ce qui nous plaisait le plus en nous inspirant du cinéma expérimental et notamment d’une de nos grandes références : Jean-Luc Godard ! Plutôt que “Que ferait Jésus à notre place ?” pour nous guider, nous avions un WWGD sur notre frigidaire pour “What would Godard do ?” (“que ferait Godard à notre place ?”). Même si nous voulions en faire un projet mainstream, ça nous paraissait essentiel d’y ajouter notre fibre artistique.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Quand avez-vous commencé à sentir de la pression de la part des entreprises exploitantes ?

L’industrie gazière a surfé sur le débat lancé par notre film : ils ont lancé une énorme campagne de publicité, qui à mon avis nous a beaucoup profité car elle a fait monter le buzz. Ils ont été jusqu’à produire leur propre film, en copiant le style “caméra à l’épaule” du nôtre, ce qui est assez flatteur quand on y pense ! Mais leurs efforts se sont retournés contre eux au final : plus ils en faisaient, plus les gens se posaient des questions sur ce qui ne tournait pas rond… Plus ils attaquaient notre film et plus ils attiraient l’attention sur notre initiative, aidant les gens à réaliser que leur défense ne tenait pas debout !

Vous avez tout de même été ajouté sur la Terror Watch List du Department of Homeland Security (ministère de l’Intérieur américain) !

Tout ce truc à propos de la Terror Watch, c’est le genre de chose auquel vous finissez par vous attendre : ces sociétés ont tellement d’argent et de pouvoir, c’est effrayant ! Mais c’est bien plus effrayant de perdre le travail d’une vie : cette maison en Pennsylvanie, mon père l’a construite de ses propres mains. Alors, au pied du mur, vous n’avez pas d’autre choix que de vous battre.

Avez-vous trouvé du soutien en dehors de vos voisins et de vos amis ?

Pour commencer, des centaines de milliers de personnes se sont impliquées à travers les États-Unis, tout le monde se sent concerné, et, pour faire circuler l’information et alerter les gens, l’aide des fondations que nous avons rencontré pendant notre tournée a été cruciale. Nous avons projeté notre film au Congrès, dans tout l’État de New York à l’Environemental Protection Administration (agence de protection de l’environnement) et au ministère de la Justice. Nous avons également reçu un soutien considérable de la communauté du film documentaire qui nous a notamment fourni une aide juridictionnelle quand l’industrie gazière nous a attaqué.

Une ligne est tracée au milieu des États-Unis ceux qui acceptent d’être à la merci des sociétés exploitantes d’hydrocarbures, qui sont dans une mentalité où l’humain n’a pas d’importance, et une armée de personne qui s’inquiète de la “vraie” Amérique et qui défend l’égalité, la liberté, la justice et l’éducation. Et nous, nous sommes entre les deux.

Pouvez-vous nous dire où en est la bataille dans votre région de Pennsylvanie ?

Nous venons de remporter une grande victoire : l’État de New York a voté un moratoire sur la fracturation hydraulique du fait des preuves qui sont sorties, c’est une première ! Pour en arriver là, il a fallu que nous donnions un exemplaire de Gasland à chacun des membres de l’Assemblée de l’État, ce qui fait quelques centaines, plus une à chacun des 70 sénateurs de l’État.

Tom Corbett, nouveau gouverneur de Pennsylvanie, a reçu un million de dollars de l'industrie gazière pour mener sa campagne.

En Pennsylvanie, là où coule la Delaware River, c’est une autre affaire : l’État vient d’élire un gouverneur extrêmement favorable à l’exploitation des gaz de schistes, Tom Corbett, qui a reçu un million de dollars de l’industrie gazière pour financer sa campagne. La commission du bassin du Delaware a approuvé plusieurs puits d’exploration, trois ont été forés et nous avons déjà constaté des signes de contamination de l’eau, l’un d’eux à quelques kilomètres de chez moi. Cela ne fait que plus nous motiver pour nous battre.

Comment expliquez-vous le retard des médias dans la couverture de cette affaire ?

Aux États-Unis, l’information est restée sous la côte d’alerte pendant pas mal de temps. Les premières explosions ont eu lieu au Texas, au Colorado, au Wyoming, qui sont des États peu denses où la production de gaz et de pétrole est déjà bien installée… Pas de quoi faire la Une des médias nationaux. Mais quand l’affaire est remontée jusqu’à New York et à la Pennsylvanie, des zones hyper peuplées, avec une grosse exploitation des nappes phréatiques et sans passif d’exploitation d’hydrocarbures, l’affaire a très vite fait parler.

Vous revenez d’Australie : y alliez-vous également pour enquêter sur les gaz de schistes ?

Nous avons fait des séquences à propos de l’exploitation des couches de charbon méthanier (coalbed methane) en Australie, qui sont très proches de la problématique des schistes : la  technique est proche de la fracturation hydraulique et le gouvernement s’est aligné sur les entreprises pour littéralement exproprier les gens. Il y a les mêmes problèmes de contamination de l’eau douce, pollution aérienne, vols des terres agricoles… Comme aux États-Unis, les gens sont poussés au dehors pour faire place à de vastes projets d’exploitation de gaz. Nous avons été là-bas pour soutenir les gens et parler de la situation en Australie.

Avez-vous le projet de réaliser un Gasland 2 ?

Nous ne savons pas encore quelle suite donner à Gasland mais nous en ferons probablement une : tout bouge tellement vite en ce moment que nous n’avons pas encore eu le temps de prendre un pas de recul. Nous réalisons également un film sur les énergies renouvelables.

Vous avez obtenu du soutien de la chaîne câblée HBO : pensez-vous que la télévision soit un medium indispensable pour faire passer votre message ?

Nous avons choisi de faire les deux : une distribution cinéma à notre manière et un partenariat avec HBO. Ils nous ont autorisé à partir en tournée avec notre film avant la diffusion télé et de le passer en salle ensuite. Mais nous savions que le sujet était très grave et nous voulions que ça se sache. Or, quoiqu’on dise, diffuser le film dans 40 millions de foyers, c’est une force de frappe inégalable ! Avoir accès à la télévision, c’est rentrer directement chez les gens et ça nous a énormément aidé. Nous avons bénéficié de leur machine de relation presse qui est fantastique mais nous voulions rester en contact avec les gens, montrer le film à travers le pays et répondre aux questions qu’ils se posaient. Prendre contact avec les organisations locales était un point clé de notre mission.

Comment les gaz de schistes ont-ils changé votre vie ?

En tant que directeur de théâtre, j’ai l’habitude de donner ma vie pour mes projets. Mais ce projet est différent car il a pris une ampleur nationale et que ce que nous faisons fait évoluer le débat. C’est très excitant et ça prend un temps fou mais nous nous battons pour l’État de New York, pour la Pennsylvanie…. Nous nous battons pour tellement de personnes : tous ces gens qui nous livrent leurs histoires, c’est une expérience extraordinaire, mais ça me donne aussi une obligation morale de me battre pour eux.

Pensez-vous être plutôt un réalisateur ou un activiste ?

Je suis un trouveur, je cherche la vérité, et je considère que le fait d’avoir une éducation vous donne des responsabilité. Je suis directeur de théâtre mais j’ai du tout mettre de côté pour ce projet, à la grande déception de ma compagnie. Mais ils comprennent : je n’ai pas choisi cette bataille, c’est elle qui m’a choisi, en arrivant dans ma boîte aux lettres !

Actuellement, je fais tout ce qui est en mon pouvoir : des gens nous contactent du monde entier, chaque jour, pour nous demander de l’aide ou des conseils, de diffuser le film… C’est le genre d’aventure qui ne vous arrive qu’une fois dans une vie, j’y investis donc tout ce que j’ai car c’est un danger mortel. Ce que je veux, c’est qu’on me rende ma maison, ma vie, ce sentiment de paix et de sécurité… Et s’il faut deux ans de campagne acharnée pour que ça s’arrête, alors je la mènerai et je sais que nous gagnerons.

Illustrations CC FlickR : Nicholas T ; Pennstatelive.

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Georges Frêche, président ad vitam http://owni.fr/2010/12/14/georges-freche-president-ad-vitam/ http://owni.fr/2010/12/14/georges-freche-president-ad-vitam/#comments Tue, 14 Dec 2010 10:11:42 +0000 agnes bayou http://owni.fr/?p=39163 Après avoir été maire de Montpellier pendant cinq mandats, le député de l’Hérault, Georges Frêche est Le Président. Le président de la région Languedoc Roussillon. A l’occasion de la campagne régionale 2010, Yves Jeuland a souhaité dresser le portrait d’un homme politique atypique, afin de témoigner de sa dernière bataille électorale.

Difficile pour commencer que de sortir un documentaire [ce mercredi 15 décembre] sur un personnage médiatique qui vient de décéder. Dans ce film, on rencontre Frêche sous différents aspects. Celui qui ressort malgré tout, c’est Frêche le bon vivant: celui qui parle comme il pense, l’homme du pays. Quand le scandale éclate à propos de son commentaire sur Fabius, il explique que « une tête pas très catholique » est une expression française. Il en rajoutera d’ailleurs pendant la campagne, ressortant sa blague à toutes les sauces, comme quelqu’un ravi d’avoir trouvé un bon mot. « Je suis populiste mais pas populaire ». Les dérapages, il en a plusieurs au compteur, et s’il n’arrive pas à les défendre, il ne s’en cache pas, il ne pratique ni euphémisme ni langue de bois. La critique n’est finalement pas axée sur l’homme, père de cinq filles, celui qui accuse 70 ans de vie dont 40 de politique.

Comme il le dit:

J’ai mené trente campagnes électorales, les trois intelligentes, je les ai perdues.

Alors si ce n’est pas un documentaire sur Frêche pris sur le vif, au naturel, connu pour ses propos controversés, ce documentaire pourrait être pris comme une vision des dessous de la politique. Les préparations d’interview à l’amiable avec Elkabach, les conseils en tous genre sur comment mentir avec aplomb pour réussir une campagne, comment arranger la vérité sur sa vie pour faire pleurer dans les chaumières.

« Contrairement aux autres, je ne suis pas un robot » affirme-t-il. Tout est préparé, rien n’est laissé au hasard, ou mieux encore : rien ne se perd, rien ne se créée, tout se transforme. La fameuse remarque sur Fabius, scandale opportun pour le réalisateur, est ainsi récupérée à l’avantage de l’homme politique. On lui recommande de se défendre face à un pseudo complot de Martine Aubry, « Faut pas subir, Monsieur le Président » alors que justement il se pose en victime. Ou comment gagner trois points dans les sondages.

Fondamentalement, je suis un honnête homme.

C’est ça qui vous perd, Monsieur le Président.

On ne peut cependant accuser le réalisateur d’attaquer un parti politique à travers cette critique de la politique : Georges Frêche a été exclu du parti socialiste en 2007. Cette campagne électorale est un référendum pour ou contre le personnage. Cela en dit long sur la manière de voter des Français : comme aux États-Unis, on se base sur l’image. D’ailleurs, les publicitaires recommandent à Frêche de garder la canne même après son opération, parce qu’elle force le rapprochement avec Churchill.

Mais lorsque outre-Atlantique, nos cousins votent pour une personne à qui ils aimeraient ressembler (n’ont-ils pas à plusieurs reprises élu des anciens acteurs de cinéma ?), nous votons pour des gens qui nous ressemblent – ou dont nous pensons qu’ils nous ressemblent. Ce qui expliquerait aussi la grande passion des Français pour Gérard Depardieu et cette si longue présence sur le petit écran de Patrick Sébastien.

En plusieurs points du documentaire, la campagne de Frêche aux régionales pourrait faire penser à la carrière politique de Jacques Chirac. Chirac, l’homme-qui-tape-sur-le-cul-des-vaches-lors-du-salon-de-l’agriculture. Chirac, la victime de Balladur en 1993. Et Chirac qui mène la France non pas à une élection présidentielle mais à ce référendum, ce fameux faux choix pour ou contre Le Pen en 2002.

Reste de ce documentaire Georges Frêche, un homme qui ne se cache pas d’être, et nous permet d’en comprendre plus sur la manière de raisonner dans notre pays de terroir. Et pour rendre hommage à celui qui vient de nous quitter, le réalisateur le montre en permanence en train de signer et parapher à son bureau de Président de région. Ces images peuvent être prises comme une annonce, puisque c’est assis à ce même bureau, et dans cette tâche quotidienne qu’il succombe à une crise cardiaque le 24 octobre dernier.

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Josh Fox, réalisateur anti-gaz de schiste classé “terroriste” http://owni.fr/2010/12/09/josh-fox-un-realisateur-anti-gaz-de-schistes-classe-%e2%80%9cterroriste%e2%80%9d-gasland/ http://owni.fr/2010/12/09/josh-fox-un-realisateur-anti-gaz-de-schistes-classe-%e2%80%9cterroriste%e2%80%9d-gasland/#comments Thu, 09 Dec 2010 17:02:54 +0000 Sylvain Lapoix et Ophelia Noor http://owni.fr/?p=37398 Metteur en scène de théâtre et réalisateur de fiction, Josh Fox n’avait rien d’autre que sa caméra qui le prédestinait au documentaire. D’une simple lettre d’une compagnie gazière reçue dans sa maison familiale de Pennsylvanie, havre de paix au bord de la rivière Delaware, il s’est immergé tout entier dans le cauchemar des gaz de schistes pendant un an et demi afin de comprendre ce qui arrivait à son pays. Avec un ami monteur, il a produit Gasland, documentaire politique, écologique et expressionniste sur une Amérique prête à sacrifier air pur, eau douce et santé humaine pour quelques mètres cubes de gaz de plus… Devenu hérault de la lutte contre une industrie énergétique sans scrupules, il présentera pour la première fois son film en Europe du 16 au 21 janvier à Londres. En attendant l’arrivée de son film en France, Josh Fox a accepté de livrer à OWNIpolitics quelques détails sur sa mission d’intérêt général.

Comment a commencé le tournage de Gasland ?

Ca s’est passé exactement comme je le raconte dans le film : mon père a reçu une lettre qui nous proposait d’exploiter du gaz sur notre terrain. Il m’a demandé de “jeter un oeil à cette histoire” : la zone du haut Delaware n’est pas une zone d’exploitation d’hydrocarbure, c’est une magnifique région d’étangs où nous n’avions jamais rien vu de tel. Bien sûr, les compagnies de gaz nous ont promis que nous ne les remarquerions même pas, que nous allions gagner énormément d’argent… et c’est ce qu’ils nous ont offert.

La rivière Delaware, qui coule à côté de la maison de famille de Josh Fox.

Mais mes voisins sont venus m’expliquer qu’ils avaient jeté un œil au procédé, qui consistait à injecter des produits chimiques dans le sol… Bref, tout ça ressemblait à un énorme projet industriel et j’ai voulu savoir de quoi il en retournait. Je suis donc allé à Dimmick, où ce genre de forage avait déjà eu lieu. Quand je suis revenu, je savais qu’il fallait empêcher que ça se produise chez moi et enquêter là-dessus parce que ça relevait du scandale national.  Alors qu’au départ c’était juste un film pour informer mes voisins !

D’où est venu l’idée de ce titre, Gasland ?

Le titre ne nous est venu qu’à la toute fin de la réalisation : nous regardions une campagne de pub cinéma des années 1950 pour le gaz naturel en Pennsylvanie et il y avait une réplique qui nous a frappé à propos des pipelines et des puits : “et ce genre de sites et de sons, vous pouvez les voir partout dans le Gasland !” Et là, ça a été le déclic : nous nous sommes regardés avec mon coéquipier : nous avions notre titre !

Comment s’est déroulé la production du film elle-même avant sa projection en salle ?

Nous projetions le film au fur et à mesure que nous le produisions pour informer les habitants de la région du haut Delaware : nous montrions des bouts de 10 minutes, 30 minutes… Nous étions déjà en contact avec notre public, ce qui nous aidait à sélectionner les séquences, et ça nous permettait de voir un peu mieux ce que nous pourrions faire comme film.

Mais le film Gasland lui-même est né d’un travail à deux, avec le monteur, enfermés pendant un an dans une pièce où nous choisissions ce qui nous plaisait le plus en nous inspirant du cinéma expérimental et notamment d’une de nos grandes références : Jean-Luc Godard ! Plutôt que “Que ferait Jésus à notre place ?” pour nous guider, nous avions un WWGD sur notre frigidaire pour “What would Godard do ?” (“que ferait Godard à notre place ?”). Même si nous voulions en faire un projet mainstream, ça nous paraissait essentiel d’y ajouter notre fibre artistique.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Quand avez-vous commencé à sentir de la pression de la part des entreprises exploitantes ?

L’industrie gazière a surfé sur le débat lancé par notre film : ils ont lancé une énorme campagne de publicité, qui à mon avis nous a beaucoup profité car elle a fait monter le buzz. Ils ont été jusqu’à produire leur propre film, en copiant le style “caméra à l’épaule” du nôtre, ce qui est assez flatteur quand on y pense ! Mais leurs efforts se sont retournés contre eux au final : plus ils en faisaient, plus les gens se posaient des questions sur ce qui ne tournait pas rond… Plus ils attaquaient notre film et plus ils attiraient l’attention sur notre initiative, aidant les gens à réaliser que leur défense ne tenait pas debout !

Vous avez tout de même été ajouté sur la Terror Watch List du Department of Homeland Security (ministère de l’Intérieur américain) !

Tout ce truc à propos de la Terror Watch, c’est le genre de chose auquel vous finissez par vous attendre : ces sociétés ont tellement d’argent et de pouvoir, c’est effrayant ! Mais c’est bien plus effrayant de perdre le travail d’une vie : cette maison en Pennsylvanie, mon père l’a construite de ses propres mains. Alors, au pied du mur, vous n’avez pas d’autre choix que de vous battre.

Avez-vous trouvé du soutien en dehors de vos voisins et de vos amis ?

Pour commencer, des centaines de milliers de personnes se sont impliquées à travers les États-Unis, tout le monde se sent concerné, et, pour faire circuler l’information et alerter les gens, l’aide des fondations que nous avons rencontré pendant notre tournée a été cruciale. Nous avons projeté notre film au Congrès, dans tout l’État de New York à l’Environemental Protection Administration (agence de protection de l’environnement) et au ministère de la Justice. Nous avons également reçu un soutien considérable de la communauté du film documentaire qui nous a notamment fourni une aide juridictionnelle quand l’industrie gazière nous a attaqué.

Une ligne est tracée au milieu des États-Unis ceux qui acceptent d’être à la merci des sociétés exploitantes d’hydrocarbures, qui sont dans une mentalité où l’humain n’a pas d’importance, et une armée de personne qui s’inquiète de la “vraie” Amérique et qui défend l’égalité, la liberté, la justice et l’éducation. Et nous, nous sommes entre les deux.

Pouvez-vous nous dire où en est la bataille dans votre région de Pennsylvanie ?

Nous venons de remporter une grande victoire : l’État de New York a voté un moratoire sur la fracturation hydraulique du fait des preuves qui sont sorties, c’est une première ! Pour en arriver là, il a fallu que nous donnions un exemplaire de Gasland à chacun des membres de l’Assemblée de l’État, ce qui fait quelques centaines, plus une à chacun des 70 sénateurs de l’État.

Tom Corbett, nouveau gouverneur de Pennsylvanie, a reçu un million de dollars de l'industrie gazière pour mener sa campagne.

En Pennsylvanie, là où coule la Delaware River, c’est une autre affaire : l’État vient d’élire un gouverneur extrêmement favorable à l’exploitation des gaz de schistes, Tom Corbett, qui a reçu un million de dollars de l’industrie gazière pour financer sa campagne. La commission du bassin du Delaware a approuvé plusieurs puits d’exploration, trois ont été forés et nous avons déjà constaté des signes de contamination de l’eau, l’un d’eux à quelques kilomètres de chez moi. Cela ne fait que plus nous motiver pour nous battre.

Comment expliquez-vous le retard des médias dans la couverture de cette affaire ?

Aux États-Unis, l’information est restée sous la côte d’alerte pendant pas mal de temps. Les premières explosions ont eu lieu au Texas, au Colorado, au Wyoming, qui sont des États peu denses où la production de gaz et de pétrole est déjà bien installée… Pas de quoi faire la Une des médias nationaux. Mais quand l’affaire est remontée jusqu’à New York et à la Pennsylvanie, des zones hyper peuplées, avec une grosse exploitation des nappes phréatiques et sans passif d’exploitation d’hydrocarbures, l’affaire a très vite fait parler.

Vous revenez d’Australie : y alliez-vous également pour enquêter sur les gaz de schistes ?

Nous avons fait des séquences à propos de l’exploitation des couches de charbon méthanier (coalbed methane) en Australie, qui sont très proches de la problématique des schistes : la  technique est proche de la fracturation hydraulique et le gouvernement s’est aligné sur les entreprises pour littéralement exproprier les gens. Il y a les mêmes problèmes de contamination de l’eau douce, pollution aérienne, vols des terres agricoles… Comme aux États-Unis, les gens sont poussés au dehors pour faire place à de vastes projets d’exploitation de gaz. Nous avons été là-bas pour soutenir les gens et parler de la situation en Australie.

Avez-vous le projet de réaliser un Gasland 2 ?

Nous ne savons pas encore quelle suite donner à Gasland mais nous en ferons probablement une : tout bouge tellement vite en ce moment que nous n’avons pas encore eu le temps de prendre un pas de recul. Nous réalisons également un film sur les énergies renouvelables.

Vous avez obtenu du soutien de la chaîne câblée HBO : pensez-vous que la télévision soit un medium indispensable pour faire passer votre message ?

Nous avons choisi de faire les deux : une distribution cinéma à notre manière et un partenariat avec HBO. Ils nous ont autorisé à partir en tournée avec notre film avant la diffusion télé et de le passer en salle ensuite. Mais nous savions que le sujet était très grave et nous voulions que ça se sache. Or, quoiqu’on dise, diffuser le film dans 40 millions de foyers, c’est une force de frappe inégalable ! Avoir accès à la télévision, c’est rentrer directement chez les gens et ça nous a énormément aidé. Nous avons bénéficié de leur machine de relation presse qui est fantastique mais nous voulions rester en contact avec les gens, montrer le film à travers le pays et répondre aux questions qu’ils se posaient. Prendre contact avec les organisations locales était un point clé de notre mission.

Comment les gaz de schistes ont-ils changé votre vie ?

En tant que directeur de théâtre, j’ai l’habitude de donner ma vie pour mes projets. Mais ce projet est différent car il a pris une ampleur nationale et que ce que nous faisons fait évoluer le débat. C’est très excitant et ça prend un temps fou mais nous nous battons pour l’État de New York, pour la Pennsylvanie…. Nous nous battons pour tellement de personnes : tous ces gens qui nous livrent leurs histoires, c’est une expérience extraordinaire, mais ça me donne aussi une obligation morale de me battre pour eux.

Pensez-vous être plutôt un réalisateur ou un activiste ?

Je suis un trouveur, je cherche la vérité, et je considère que le fait d’avoir une éducation vous donne des responsabilité. Je suis directeur de théâtre mais j’ai du tout mettre de côté pour ce projet, à la grande déception de ma compagnie. Mais ils comprennent : je n’ai pas choisi cette bataille, c’est elle qui m’a choisi, en arrivant dans ma boîte aux lettres !

Actuellement, je fais tout ce qui est en mon pouvoir : des gens nous contactent du monde entier, chaque jour, pour nous demander de l’aide ou des conseils, de diffuser le film… C’est le genre d’aventure qui ne vous arrive qu’une fois dans une vie, j’y investis donc tout ce que j’ai car c’est un danger mortel. Ce que je veux, c’est qu’on me rende ma maison, ma vie, ce sentiment de paix et de sécurité… Et s’il faut deux ans de campagne acharnée pour que ça s’arrête, alors je la mènerai et je sais que nous gagnerons.

Crédits photo sous licence CC : Nicholas T ; Pennstatelive.

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