OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Un patron de la sécurité privée balance http://owni.fr/2012/04/23/un-patron-de-la-securite-privee-balance/ http://owni.fr/2012/04/23/un-patron-de-la-securite-privee-balance/#comments Mon, 23 Apr 2012 16:06:47 +0000 Sabine Blanc http://owni.fr/?p=105287

C’est devenu très compliqué pour une société qui respecte les règles. Tout le monde ne joue pas le jeu. Des concurrents, du département ou de la région, cassent les prix pour obtenir des marchés. Et ils les obtiennent de la part de donneurs d’ordres publics ou privés qui veulent faire des économies. [...] Je respecte la partie réglementaire et sociale de mon métier. Certains ne déclarent pas des agents ou les paient en dessous des seuils légaux.

Le vendredi noir de la sécurité

Le vendredi noir de la sécurité

Avant ce vendredi, les entreprises de sécurité doivent déposer leur procédure d'agrément auprès du nouveau conseil ...

Avec ces déclarations, Moise Rozel vient de lancer un petit pavé dans la mare un peu pourrie de la sécurité privée : ce patron d’une entreprise du secteur installé dans le Lot a dénoncé récemment sur la place publique les pratiques illégales de ses confrères.

Régie par la loi de 1983, la sécurité privée est un secteur qui s’est développée comme la chienlit en France : vite et mal, à la faveur entre autres du désengagement de l’État qui y voit une façon de faire des économies à travers le concept de “coproduction de la sécurité intérieure”. Le récent Cnaps (Conseil national des activités privées de sécurité est censé y mettre fin.

Si la situation est connue, elle est rarement déballée ainsi. “De souvenir, c’est la première fois qu’un confrère, hors syndicat, dénonce ainsi de tels agissements”, témoigne Jean-Marc. L’omerta est en effet de mise car les informations circulent vite. “J’avais dénoncé une fois et ça s’est su, témoigne David Fleurentdidier, patron d’une petite entreprise. Le bruit a couru que j’allais fermer.”

Sécurité privée d’État

Sécurité privée d’État

Un nouveau conseil des sages des sociétés de sécurité privée, le Cnaps, est installé ce 9 janvier pour tenter de ...

Vu les difficultés de son entreprise, Moise Rozel n’a plus hésité à se lâcher. Sa société King sécurité s’est en effet vue accorder un plan de continuité d’activité par le tribunal de commerce. Il dénonce donc sans vergogne, glissant facilement des noms. Sans toutefois entamer d’actions en justice : “je n’ai pas de preuves en main. J’ai juste transmis à l’Association nationale des métiers de la sécurité des devis qui m’ont été refusés car jugés trop chers, j’étais au-dessus de 15 euros.” Pour référence, en 2010, le coût de revient horaire d’un agent de base était de 15, 116 euros, hors coût de structure [pdf].

L’Association nationale des métiers de la sécurité (ADMS), un syndicat regroupant une centaine de petites entreprises, est engagé depuis 2005 dans la lutte contre le travail illégal. Il a entre autres mis en place une une convention nationale de partenariat avec la Délégation interministérielle pour la lutte contre le travail illégal (Dilti) en 2006, rejoint par l’USP, un des deux poids lourds syndicaux du secteur. L’ADMS s’est chargée de porter le fer juridique, en se portant partie civile contre Sécurité, Organisation, Surveillance (S.O.S.46). Cette association a été prévenue d’infraction à la réglementation relative au travail illégal en mars 2011. Quelques mois avant, l’ADMS avait contacté l’inspection du travail en son sujet [pdf] précisant les infractions reprochées :

Nous nous permettons de vous informer d’une démarche effectuée par une association pour effectuer des missions de gardiennage.

En effet, une association n’a pas d’agrément pour effectuer cette activité bien réglementée.La préfecture de Cahors a adressé un courrier à SOS 46 ainsi qu’au procureur pour les informer de ce fait et apparemment, cette association continue à proposer ses services pour ce type d’activité.

Notre adhérent KING SÉCURITÉ, nous a transmis un contrat de prestation établi par SOS 46 que vous trouverez ci-joint.

Curieusement, dans la foulée, l’association changeait de nom pour devenir Servir – Organiser – Surveiller (S.O.S 46). Plus de référence à la sécurité. Son objet est désormais “assistance radio, service, organisation et signalisation sur les manifestations sportives et festives.”
Un an après, le dossier est toujours en en cours nous a expliqué l’ADMS, “ce qui étonne l’interlocutrice du TGI que je viens d’avoir, a précisé Danièle Meslier. Elle va relancer le substitut du procureur et m’a demandé, de faire  un courrier également de mon côté.”

Dans le collimateur de l’ADMS, on trouve autant les prestataires que les donneurs d’ordre, qui, privés comme publics, privilégient trop souvent l’aspect financier, comme le syndicat le détaillait dans une lettre envoyée au procureur de Cahors [pdf] :

Nous pensons que cette démarche pourrait sensibiliser les donneurs d’ordre qui favorisent trop souvent l’aspect financier à celui de la qualité et dissuader les entreprises qui ne respectent par les obligations réglementaires et sociales de persévérer dans cette voie.

L’activisme de l’ADMS semble déplaire aux cadors du secteur, comme en témoigne cette réaction du Syndicat national des entreprises de sécurité privée (Snes) qui a taclé l’ADMS sans la citer quand nous l’avons sollicité à ce sujet : “Quant aux  actions de partie civile , c’est plus facile à communiquer à la presse qu’a réaliser jusqu’au bout.” (sic). Michel Ferrero, le président du Snes, nous a expliqué qu’aucune de leurs plaintes comme partie civile n’avait abouti : “soit il y a eu arrangement, soit il y a eu retrait d’une société. Nous préférons la prévention, en collaborant avec l’Urssaf ou le Cnaps.” Depuis le le 1er janvier, le Conseil national des activités privées de sécurité (Cnaps) est en effet chargé de nettoyer le secteur. Et Michel Ferrero de rappeler qu’il siège à son collège national, comme représentant du Snes. Deuxième petite claque au passage à l’ADMS : “ils ne sont pas un syndicat patronal reconnu ayant signé la convention collective.”

Mairie de Cahors à l’ouest juridique

Contactée par La Dépêche du midi, la mairie de Cahors, qui fait partie de des clients de Moise Rozel, avait eu cette réaction étonnante. À tel point que Moise Rozel nous a expliqué qu’il avait demandé un rendez-vous avec la mairie :

Il y a des règles de consultation qui sont les mêmes pour tous. Nous, dans le cadre de nos manifestations, nous essayons de faire travailler les locaux. Quant aux éventuels abus, c’est à l’État qui assure les contrôles, de les détecter.

La mairie se défausse donc, ce qui témoigne d’une méconnaissance de la législation. Depuis un décret de novembre dernier, entré en vigueur le 1er janvier, “il y a un renforcement concernant le devoir de vigilance du donneurs d’ordre”, rappelle Danièle Meslier, directrice générale de l’ADMS. “Il fait obligation aux donneurs d’ordre de s’assurer de l’authenticité de l’attestation remise par leurs sous-traitants auprès de l’organisme de recouvrement des cotisations et contributions de sécurité sociale, datant de moins de 6 mois”, détaillait le syndicat dans une lettre adressé à ses adhérents. Et par conséquent, “il supprime les attestations sur l’honneur sociales et fiscales de conformité avec la réglementation et le dépôt des déclarations produites par le sous-traitant.”

Long terme

Est-ce que le geste de Moise Rozel sera suivi d’autres ? Lui l’espère. David Fleurentdidier est plus dubitatif : “Je lui ai envoyé un message de soutien, son action va peut-être lui donner du baume au cœur, peut-être que la mairie va bouger.”

Danièle Meslier fait preuve d’un optimisme relatif, à la mesure de l’ampleur de la tâche :

Plus on en parle, plus ça fait peur. C’est un travail de longue haleine, il faudrait plusieurs Moïse Rozel et qu’il n’y ait pas de copinage.


Photo par Wade Courtney/Flickr [CC-byncsa]

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Sécurité privée d’État

Sécurité privée d’État

Un nouveau conseil des sages des sociétés de sécurité privée, le Cnaps, est installé ce 9 janvier pour tenter de ...

Sécurité privé, fin du premier coup de balai ce vendredi. Dans la cadre de la mise en place, en janvier dernier, du Conseil national des activités privées de sécurité (Cnaps), chargé de nettoyer encadrer le secteur, les sociétés de sécurité et les dirigeants ont jusqu’à ce vendredi pour déposer un dossier de demande d’agrément ou d’autorisation. Et ça promet. À titre d’exemple, en Haute-Garonne, 15 jours avant la date limite, seules 34% des entreprises avaient déposé la demande.

Le chantier qui attend le Cnaps est vaste, tant les dérives sont nombreuses. Et certains donneurs d’ordre, y compris dans le public, auraient bien besoin de réviser la loi de 1983 qui régit les métiers de la sécurité privée et le droit du travail tout court.

Les dérives ont fleuri à la faveur de l’expansion de ce secteur qui profite du désengagement de l’État, période de vaches maigres oblige. Les effectifs ont augmenté  de 140% en vingt ans, indique le dernier rapport du Centre de recherche et d’études sur les qualifications (Cereq), si bien qu’on compte aujourd’hui 9 000 entreprises et 165 000 salariés.

“Je ne connais pas une seule boîte qui n’ait pas été borderline”

Actuellement, l’exercice de la fonction d’agent privé de sécurité et de dirigeant d’entreprises dans le secteur est soumis à un certains nombre d’obligations :

Depuis 2008, il est nécessaire de justifier d’une aptitude professionnelle.  Il faut au moins détenir un Certificat de qualification professionnelle (CQP) d’agent privé de sécurité (APS), formation qui dure 70 heures. Il est aussi possible de passer par une équivalence si l’on a effectué un nombre d’heures suffisant. Sans cela, pas de carte professionnelle, obligatoire depuis 2009.

“Je ne connais pas une seule boîte qui n’ait pas été borderline”, annonce tout de go Yves, qui dirige une entreprise mais tient à s’exprimer de manière anonyme. Et il ne fait pas exception, citant l’exemple de la carte professionnelle :

Quand vous avez une demande à 16 heures pour du gardiennage à 19 heures et que vous n’avez pas assez de personnel, on met quelqu’un qui n’a pas de carte professionnelle le temps d’une nuit. La procédure pour avoir la carte est longue. Le vivier de gens avec une carte professionnelle est insuffisant. On arrive à peu près sur les demandes annuelles. La carte professionnelle a réduit la possibilité de trouver vite des gens, il y a beaucoup de turn over en raison de la pénibilité.

Il prône la mise en place de niveaux de formation intermédiaires, comme dans la sécurité incendie. Et de casser du cliché en parlant de la possibilité de réinsérer des gens par ces métiers, en évoquant le cas d’un SDF entré dans son entreprise voilà quelques années, et qui y travaille toujours.

Sur le forum La relève, dédié à la sécurité privée, Maxboyer s’enquiert : “je suis responsable secteur d’une société de sécurité le siège sur Paris et l’agence secondaire dans l’Hérault. Un responsable secteur doit avoir obligatoirement cette carte pro, je sais que pour les agents cela est obligatoire mais pour les divers responsables ?”

La réponse tombe tout de suite : “En tant que responsable de secteur, vous n’effectuez pas, exclusivement, des tâches administratives et vous n’êtes pas dirigeant. Oui, il vous faut un numéro pour pouvoir exercer. Ce qui signifie qu’actuellement, faute de carte professionnelle en bonne et due forme, vous et votre employeur êtes dans l’illégalité.” Pour David, il ne faut pas accabler seuls les agents :

Ils sont responsables en partie de leur méconnaissance de leurs droits et obligations. En partie seulement, car notre profession pousse à une désociabilisation. On travaille quand les autres s’amusent, c’est comme ça que nous pourrions le résumer. On est en service souvent la nuit et le week-end, les fêtes…, et on a un rythme décalé par rapport au reste de la population. Il y a un risque de repli sur soi important.

Les dirigeants ont aussi des obligations. Pour ouvrir sa boîte, il faut un titre de dirigeant d’entreprise de sécurité, qui dure de 4 à 6 mois (équivalence bac + 3). De plus, pour abaisser le seuil d’entrée, un CQP de dirigeant de 15 jours et un CAP ont aussi été créés. Autre possibilité, avoir été chef d’entreprise au moins deux ans.

“C’est déroutant, estime David, surtout que la majorité des dirigeants d’aujourd’hui ne l’ont pas. Ils ont eu leur capacité par équivalence. Pour donner un chiffre, on doit être cinq en Aquitaine à avoir ce titre.”

Toujours sur le site La relève, Dogsecurite écrit sans ambages : “Je pense que lorsque l’on est une petite entreprise, il n’est pas forcément facile de respecter la totalité de la convention. Il faut aussi que les salariés soit aussi indulgents et compréhensifs à partir du moment où le plus important est respecté mais en même temps je suis pas salarié donc… “

Danièle Meslier, directrice générale de l’Association nationale des métiers de la sécurité (ADMS), un syndicat qui regroupe une centaine de petites entreprises, explique que certaines dirigeants ne respectent pas la loi, involontairement : “Ils ne savent pas où aller chercher l’information. L’État ne les accompagne pas. Sur 5 000 entreprises, environ 250/300 sont dans des syndicats. Les préfectures n’ont pas communiqué de façon identique.”

Et les moyens de contrôle était jusqu’à présent lacunaires : “Il y a des faux CQP, la préfecture n’a pas les moyens de contrôler le diplôme, les gens donnent juste une photocopie”, déplore Yves. “Cela fait quelques années que je suis dans la sécurité, j’ai côtoyé les forces de l’ordre à plusieurs reprises, complète David. Aucun d’eux ne m’a contrôlé ma carte professionnelle, ni vérifié si j’étais inscrit au fichier DRACAR.”

Formation

Mais les centres de formation eux-mêmes ne sont pas exempts de critiques. “Actuellement, les centres de formations délivrant le CQP ne sont pas ou très peu contrôlés et des dérives existent”, soupire David. La tentation de faire 100% de réussite est énorme, et beaucoup se laissent entrainer. Il est facile de comprendre que le conseil général ou le Pôle emploi donnera sa préférence à des centres obtenant 100% de réussite qu’à un centre en obtenant 50%.”

Des centres de formation dont le contrôle échappe au Cnaps : “Le contrôle des centres de formation n’est pas à ce jour de la compétence du CNAPS”, nous a détaillé Jean-Yves Latournerie, son directeur général.

L’obtention par équivalence a aussi ses limites : “C’est comme ça qu’on a vu des agents surveillant une usine désaffectée depuis trois ans posséder la carte pro alors qu’ils ne connaissent pas les lois et règlements”, rajoute David. Yves souligne que des patrons fraudent aussi sur ce point : “Certains délivrent des certificats de complaisance sur l’aptitude.”

Concernant la fin de la période de renouvellement des autorisations et agrément, Yves estime que certains profiteront d’une brèche dans la loi de 1983 : “On risque de se retrouver avec des milliers d’entreprises sans autorisation d’exercice… mais aussi de voir fleurir des entreprises de sécurité incendie à la place.”

Bien sûr, le Cnaps nous a tenu un discours rassurant : “Si le CNAPS est conduit à constater que des personnels de sécurité incendie exercent de fait des activités de sécurité sans autorisation, agrément ou carte professionnelle, il relèvera l’infraction en saisira les autorités compétentes, de la même manière qu’il le fait d’ores-et-déjà vis-à-vis d’entreprises ou d’agents de sécurité dépourvus des autorisations nécessaires. Ces infractions sont punies par la Loi.”

Viande

Dans un contexte de forte concurrence, la tentation est facile d’écraser les prix, quitte à vendre à perte en toute illégalité. “C’est les soldes toute l’année dans la sécurité privée”, plaisante Alexandre, dirigeant de TPE. Lui préfère être en règle, quitte à perdre des appels d’offre. “Sur le chantier de l’A65, ma proposition était 20 000 euros plus chère que celle retenue, j’étais déjà juste à 17,80 euros de l’heure l’offre retenue était à perte de 1,5 euros environ”, estime-t-il. Le prix moyen minimum estimé tourne autour de 17 euros. En effet, en 2010, le coût de revient horaire d’un agent de base était de 15, 116 euros, hors coût de structure [pdf].

Conséquence, le travail au noir, voire l’emploi de sans-papiers sont une des plaies du secteur. “On trouve surtout ce phénomène dans les grandes villes, détaille Alexandre, des tarifs à 11/12 euros, ce sont des choses qui se disent, se savent. Les documents administratifs devraient primer sur les appels d’offre et non le prix.” Récemment, l’Urssaf a ainsi fait une descente sur des sociétés de gardiennage en Île-de-France.

Ces maux sont facilités par la sous-traitance en cascade. Triste constat d’Yves :

Ce qu’ils veulent c’est juste de “la viande” d’agent de sécurité. Ils ne veulent en définitif pas un “service” mais une mise à disposition d’humains, malléables, serviables et au moindre écart, vous êtes mis à la porte du client. J’ai des clients qui m’ont déjà refusé un agent : parce qu’il est trop vieux, il parle trop, il a un accent, il veut pas ranger les caddies, etc. Bref de la grosse discrimination, à la tête du client : le donneur d’ordre est roi, si il vous à dans le nez, le lendemain vous n’êtes plus sur le site.

Appels d’offre

Sur La Relève, un sujet est dédié aux offres d’emploi , dont certaines ne respectent pas la loi. Le comble ? Elles sont proposées par… Pôle emploi. Petit exemple d’une offre qui tombe dans le délit de marchandage, c’est-à-dire que l’agent est employé pour autre chose que de la surveillance : “Vous assurerez la surveillance (fermeture des portes et contrôle des accès) et la sécurité incendie au sein d’une clinique. Vous serez polyvalent : portage des plateaux repas.”

Limites de la dénonciation…

Si la tentation de dénoncer les collègues peu scrupuleux, elle se heurte au manque de moyens des instances de contrôle. “Les dénonciations sont inutiles, estime Alexandre, l’Urssaf ne fait pas son boulot. Il faut pouvoir prouver ce qu’on dit.”

“Les dénonciations sont rares, c’est dommage, complète David. C’est un milieu fermé, si les salariés vont aux prud’hommes, ils sont vite repérés.” Et lui-même de citer un exemple, sans donner le nom : “une entreprise du Béarn a failli fermer, ils faisaient du travail au noir et ne respectaient pas les conditions de sécurité (pas de PTI). Je ne tire pas sur une ambulance. Mais si ça va trop loin, quand c’est dangereux, je dénonce à l’Urssaf, ainsi une entreprise qui faisait du travail de nuit dans une déchetterie, un salarié a fini à l’hôpital d’ailleurs.”

Doutes

Depuis janvier, le Cnaps a donc pour mission de mettre de l’ordre dans ce vaste chantier. Loin de l’optimisme d’un Claude Guéant, l’initiative inspire de la méfiance. Ce bébé lobby des gros bonnets de la sécurité privée occupe un tiers des sièges du collège d’administration et un quart dans les commissions régionales. David est circonspect :

Securitas est le premier cotisant de grosse boite à faire appel à la sous-traitance. Néanmoins, j’ose encore croire que le Cnaps se sortira des griffes des grosses entreprises, Securitas, Lancry, Néo Sécurité… , ainsi que du Snes et de l’USP (les deux principaux syndicats, Ndlr) et fera son boulot.

“C’est de la poudre aux yeux, juge Alexandre. Le vrai but est d’arriver à quelques grosses entreprises.”

Désabusé, Yves nous fait remarquer que Céline Gourjux, la fille de Michel Ferrero, le président du Snes qui siège à la commission nationale, a été nommée à la commission de la région Rhône-Alpes.

“Je reste perplexe face aux résultats ou alors ils nous réservent de bonnes surprises telles que l’élaboration d’un prix de vente horaire minimum ou au moins un contrôle pour éviter les ventes à perte”, espère fredytime. Si les contrôles sont légalement possibles, en revanche, le prix de vente horaire minimum est impossible en France, libre concurrence oblige…

Et n’allez pas croire que la volonté de l’État d’accroitre les partenariats publics-privés réjouit forcément. David regrette :

En 1983, il y a eu cette loi pour encadrer et restreindre les activités de la sécurité privée. La loi n’est pas là pour encadrer la croissance mais les activités, les droits et obligations. Elle dit clairement où on ne doit pas être : sur la voie publique. Or, Sarkozy a ouvert une brèche en fermant les commissariats et en baissant les effectifs. La nature ayant horreur du vide, il a fallu combler cela… et c’est nous et la police municipale. Mais on revient moins cher et on est moins contraignant que la police municipale. Les effectifs de la sécurité privée vont bientôt être plus importants que ceux de la police nationale, de la gendarmerie et des douanes réunis. Trouvez-vous cela normal ? Moi, non. Nous, on est dans le privée. Et pourtant, on intervient avant le 17 lors de cambriolages, d’effraction ou d’intrusion. Les aéroports sont aux mains de la sécurité privée… ce n’est pas normal. On joue gros et on n’a ni les moyens, ni les formations adaptées.


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Aujourd’hui le ministre de l’Intérieur Claude Guéant installe le premier organisme de contrôle dédié au marché de la sécurité privée : le Conseil national des activités privées de sécurité (Cnaps), opérationnel depuis le 1er janvier. Voté par amendement dans le cadre de la seconde Loi d’orientation et de programmation et de performance pour la sécurité intérieure (Loppsi), ce Cnaps sera chargé d’assainir un secteur en pleine expansion mais gangréné par de mauvaises pratiques, tant des prestataires que des donneurs d’ordre, y compris publics. Et il sera présidé par Alain Bauer, le consultant en sécurité le plus familier des salons de l’Élysée.

Il devra ainsi mettre fin à un paradoxe : celui d’un secteur censé aider à lutter contre la délinquance mais qui compte, pour reprendre les propres termes du ministre de l’Intérieur Claude Guéant, des “entreprises délinquantes”. Un organisme bienvenu à l’heure où la privatisation de la sécurité est à l’ordre du jour, pour des questions budgétaires, et dans un contexte de demande croissante de sécurité. Le délégué interministériel à la sécurité privée Jean-Louis Blanchou détaillait ainsi dans Sécurité privée :

Nul doute que des évolutions sont à prévoir. Le besoin de sécurité de nos concitoyens évolue au rythme des changements qui affectent notre société (vieillissement par exemple), de la perception des risques ressentis par les particuliers et les entreprises ainsi que de l’évolution des formes de délinquance, et des innovations technologiques.
Tous les besoins ne pourront pas être couverts par les formes traditionnelles de sécurité publique (police et gendarmerie nationales) ni par les polices municipales. Les sociétés privées de sécurité doivent anticiper, se préparer à répondre à ces nouveaux besoins.
Il n’est pas exclu par ailleurs que certaines activités actuellement dévolues à la police et à la gendarmerie nationales soient, dans le futur, confiées au secteur privé, dès lors que celui-ci aura fait la preuve de son professionnalisme et éradiqué les pratiques douteuses et les entreprises délinquantes.

“Pratiques douteuses et entreprises délinquantes”

L’idée de cet organisme est née au début des années 2000 se souvient Alain Bauer, le monsieur sécurité de Nicolas Sarkozy, inspirateur du virage sécuritaire et cheville ouvrière de ce Cnaps, “après une réunion avec Claude Tarlet, Éric Chalumeau, Jean-Marc Berlioz et quelques autres au début des années 2000 à l’INHES”. Soit respectivement le président de l’Union des entreprises de sécurité privée (USP), le principal syndicat de la surveillance humaine, le président du tout jeune Syndicat des conseils en sûreté et l’ancien conseiller spécial pour la sécurité au cabinet du ministre de l’Intérieur.

Au plan du droit, le Cnaps est une personne morale de droit public et non pas une autorité administrative indépendante (AAI), entre autres parce que des dirigeants d’entreprises siègent à son collège. Il comprend onze représentants de l’État, huit personnes issues des activités privées de sécurité et quatre “personnalités qualifiées nommées par le ministre de l’Intérieur.” Si les syndicats déplorent d’être minoritaires, leur présence est loin d’être négligeable et ils ont déjà pesé de tout leur poids pour infléchir le Cnaps dans leur sens.

Selon le décret d’application paru le 23 décembre dernier, il couvrira les activités visées aux titres Ier et II de la loi du 12 juillet 1983 : “les entreprises de sécurité privée, les agences de recherches privées, les entreprises assumant pour leur propre compte des activités privées de sécurité, les opérateurs privés de vidéoprotection définis à l’article 11-8 de la loi du 12 juillet 1983, les dirigeants, les associés et les salariés de ces entreprises.” Selon les estimations du Cnaps, à partir de recoupements, il y aurait 4 500 entreprises avec au moins un salarié et 5 000 entreprises sans salarié (donc des auto-entrepreneurs) dans la sécurité privée, et quelques centaines d’agents de recherches privées (ARP), détective privé, enregistrés comme indépendants. Et ces chiffres ne tiennent pas compte du travail au noir, sur lequel le Cnaps n’a pas d’évaluation.

Un Cnaps, des craps, pour faire le ménage

Pour faire face à son ample tâche, ce bébé-lobbying disposera dans sa configuration initiale de 214 agents, répartis dans une commission nationale et douze commissions inter-régionales et locales (Craps), déployées d’ici la fin de l’année. Ils seront chargés de deux missions opérationnelles principales.

La première, de police administrative, était jusqu’à présent assurée par les préfectures : la délivrance des agréments, des autorisations et des numéros de cartes professionnelles, mises en place en 2009. Les autorisations et les agréments des entreprises et de leurs dirigeants devront être renouvelés dans les trois mois suivant la publication du décret. Le directeur général du Cnaps, le préfet Jean-Yves Latournerie indiquait [payant] attendre 6 à 7 000 dossiers. Et “en marche normale, environ un millier de nouveaux dossiers par an”. 80 à 90 agents s’en chargeront.

110 personnes assureront le contrôle des entreprises et le cas échéant, prononceront des sanctions. À terme, un code de déontologie sera mis en place. Jean-Louis Blanchou a beau se défendre que le Cnaps ait “une mission d’épuration”, il s’agit bien, de “faire le ménage”, pour reprendre les termes de Jean-Emmanuel Derny, le président du Snarp et membre du collège du Cnaps, au titre des ARP . Les contrôles dureront trois à quatre jours, avec une visite sur place d’un à deux jours, et seront effectués en binôme. Le directeur général du Cnaps, le préfet Jean-Yves Latournerie, nous a indiqué que 4 000 contrôles par an pourront être effectués et que la profession sera donc couverte en deux ans maximum.

Cette première configuration a été déterminée par le mode de financement, qui met à contribution uniquement les entreprises et les donneurs d’ordre. Le secteur aurait souhaité que l’État mette la main au pot ; cette demande leur a été refusée. Une taxe de 0,5% HT des ventes de prestation de service d’activité de sécurité privée, qui s’ajoute au montant de la prestation, conformément au souhait du secteur. Une taxe sur les services internes de sécurité, fixée à 0,7 % de leur masse salariale. En année pleine, le budget sera de 18 millions d’euros. “A priori nous sommes dans l’épure”, avait indiqué Alain Bauer. Qui se montre plutôt satisfait : “Le CNAPS existe, avec un certain consensus et une base d’accord plus large qu’imaginée. Je ne crois pas nécessaire de créer une usine à gaz pour pratiquer pédagogie, prévention et répression dans le domaine de la sécurité privée.”

Les différents représentants préfèrent voir le verre à moitié plein plutôt qu’à moitié vide et salue que leur profession soit reconnue par l’État. “C’est une avancée considérable, avant il n’y avait rien, renchérit Claude Tarlet. Il faudra deux à trois années de travail pour en tirer un enseignement. Il devrait permette des résultats à courts termes.” Selon lui, un premier nettoyage devrait avoir lieu grâce au renouvellement des autorisations et agréments. Il estime que le phénomène de concentration en marche va s’accélérer, précisant que “tout le monde aura sa place, petits, moyens et grands”. Précision pas inutile car d’aucuns craignent que le Cnaps servent aussi à ce que les gros tuent les petits.

“Un jeune ARP a maladroitement évoqué le manque de moyens et s’est fait retoquer par le préfet interministériel. Sur le fond, l’ARP avait tout à fait raison, mais ce n’était ni le lieu, ni le moment”, explique Jean-Emmanuel Derny, dans un ouvrage à venir consacré à sa profession. “Il faut bien commencer avec quelque chose, c’est vrai qu’il faudrait un outil plus puissant. On ne peut pas avoir le beurre et l’argent du beurre. C’est une opportunité très innovante qu’il faut savoir saisir. Le gouvernement a écouté nos doléances.”

Contrôle et dénonciation

Il met aussi en avant le fait que n’importe quel citoyen pourra saisir le Cnaps. Mais cette opportunité sera-t-elle saisie ? Feu la Commission nationale de déontologie de la sécurité, créée en 2000 et remplacée par le Cnaps, n’avait, en 2010, était saisie que quatre fois à propos d’entreprises de sécurité privée.

Un travail de communication sera fait, par exemple lors des campagnes de recrutement, avance Claude Tarlet. Pas question de dénoncer les mauvais confrères, précise-t-il, “on n’est pas au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Les contrôles ne seront pas répressifs mais aussi préventifs, pour aider les entreprises à améliorer leurs pratiques.” Pourtant Jean-Louis Blanchou avait bien évoqué cette possibilité lors d’une réunion d’information organisée par le Snarp [payant] :

Nous aurons besoin de contrôler ceux que nous ne connaissons pas parce qu’ils ne sont pas enregistrés par exemple. Pour cela, il faudra que vous nous montriez les entreprises du doigt.


“Nous sommes d’une façon générale satisfaits, nous avons été consultés, pas toujours écoutés, mais ça va dans le bon sens. Cela permettra un changement de mentalité rapide. Toutefois nous aurions préféré un ordre professionnel”, complète Olivier Duran. Ordre professionnel refusé, en raison de l’immaturité du secteur. Il estime que le chiffre des 0,5% est suffisant et espère même qu’il sera revu à la baisse. Et de préciser qu’ils veilleront à ce que “l’argent soit utilisé à bon escient, car c’est le rôle citoyen des organisations patronales”. Dans le collimateur, la possibilité que la taxe ne soit pas intégralement affectée “au Cnaps ou à des actions pour le secteur de la sécurité”. “Nous n’avons pas toutes les garanties de Bercy.” En effet, il était initialement prévu que la taxe passe par un circuit court, en allant directement au Cnaps, elle sera en fait reversée via une dotation budgétaire. Jean-Yves Latournerie nous a assuré qu’il y aura un réajustement de la taxe en cas de trop-perçu.

Autre point d’achoppement, cette taxe laisserait la porte ouverte à des fraudes, selon les syndicats : “N’est ce pas l’un des grands risques que court le CNAPS i.e. l’évasion d’une partie du chiffre d’affaires vers des prestations non taxées ? L’exemple le plus évident est celui de la problématique sûreté/sécurité incendie [...] qui peut potentiellement réduire le budget de financement prévisionnel du CNAPS de 30 à 40 % ?” Les impôts seront là pour contrôler, nous a dit Jean-Yves Latournerie.

Si l’heure est globalement à l’expectative neutre, la puissance publique est attendue au tournant. Olivier Duran prévient :

L’État va devoir faire en sorte que cela marche, il est face à ses responsabilités.

Sans faire un procès d’intention, on peut analyser l’expérience britannique. En 2003 était créé le Security Authority Industry (SIA), chargé de réguler 2 500 entreprises. Il compte 212 salariés dont 169 permanents pour contrôler la validité de cartes professionnelles de 365 000 personnels de sécurité privée (dont 225 000 estimés actifs) pour un budget de 33 millions d’euros provenant d’une taxe entre 0,9% et 1% du chiffre d’affaires du secteur (hors fabricants de matériels).

Son bilan est mitigé. Lors du discours de clôture de la conférence 2010 du SIA, son directeur Bill Butler avait reconnu :

Nous avions dit que nous allions créer un âge d’or de l’industrie où les paies augmenteraient, où il y aurait des opportunités sans limite d’emploi. Il me semble qu’avec le temps les standards et l’approche du secteur peuvent s’améliorer mais je pense que c’était une promesse irréaliste et malgré ce que nous avons dit dans le passé, je retire la promesse.

Le Cnaps saura-t-il éviter de suivre la destinée décevante de son homologue ? Claude Tarlet répond : “très sincèrement, nous n’en savons rien. Nous n’allons pas vendre du rêve.” Même prudence du côté du Syndicat national des entreprises de sécurité (Snes) : “cela prendra du temps pour avoir des résultats concrets, nous y veillerons par l’intermédiaire de nos représentants”, complète Olivier Duran, directeur de la communication délégué. Jean-Yves Latournerie préfère nous parler de l’exemple espagnol, qui a su selon lui remplir sa mission, sur une constat initial assez proche de celui de la France.

Le Cnaps après 2012

Si la gauche devait gagner à la prochaine présidentielle, le Cnaps n’a pas trop d’inquiétudes à se faire. Jean-Jacques Urvoas, en charge de la sécurité au Parti socialiste a beau jeu de dire que le Cnaps “servira d’expédient de l’État pour masquer les conséquences de ses 13 338 suppressions de postes en cinq ans dans la police et la gendarmerie”, sur le fond il ne remet pas en cause la notion de coproduction de la sécurité et donc la nécessité de réguler :

La sécurité privée a un apport indéniable, par exemple dans les banques, les galeries commerciales, on ne va pas remettre des policiers. C’est un métier que l’État aura tendance à choyer. L’enjeu, c’est le contrôle. Nous aurons des chantiers plus urgents que de le refondre entièrement, dans un premier temps on va le laisser vivre et le réformer, le moduler, en fonction de la pratique et non pas sur des a priori.

Les critiques portent donc à la marge, sur le manque d’indépendance et le financement, qui ne laisse pas entièrement l’État libre de disposer comme il l’entend de la taxe. De toute façon, comme le souligne Olivier Duran, le paramètre règlementaire n’est pas le seul curseur. La loi du marché joue aussi, dans un contexte où les marges sont très faibles :

La qualité des services sera un peu plus contrôlée mais on restera dans un secteur concurrentiel où le pire et le meilleur se côtoie. La professionnalisation reste du ressort de la profession.


Photos et illustrations par Dunechaser et Lord Dane

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