OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Propriété intellectuelle mutante http://owni.fr/2011/10/24/acta-propriete-intellectuelle-mutante-union-europeenne-parlement-lobby-etats-unis/ http://owni.fr/2011/10/24/acta-propriete-intellectuelle-mutante-union-europeenne-parlement-lobby-etats-unis/#comments Mon, 24 Oct 2011 16:30:58 +0000 Guillaume Ledit http://owni.fr/?p=83939

Cela fait quelques années que l’ombre du traité Anti-conterfeinting trade agreement (plus connu sous le nom d’Acta) plane sur la réglementation internationale de la propriété intellectuelle. Touchant tant la santé que la culture, et menaçant au passage certaines libertés publiques, les négociations entourant ce texte ont longtemps été frappées du sceau du secret. A l’heure où certains pays ont signé l’accord, retour sur une chronologie mouvementée.

L’Acta ruse

Comme le montre notre chronologie, cela fait quelques années que les négociations ont discrètement été entamées. Sous l’égide d’un certain nombre de lobbyistes. Les télégrammes diplomatiques révélés par WikiLeaks et analysés par la Quadrature du Net, prouvent que le concept même de l’Acta a été pour la première fois évoqué par Stan McCoy, le négociateur en chef chargé de l’application des mesures liées à la propriété intellectuelle. Depuis, c’est Kira Alavarez qui négocie l’Acta pour le compte des États-Unis. Sa biographie sur le site de réseautage professionnel Linkedin est édifiante : lobbyiste pour Time Warner, elle a fait ses armes dans l’industrie pharmaceutique. Un profil idéal pour porter la voix des ayants droit.

Au début du processus de négociation, certains documents préparatoires auxquels le Parlement européen n’avait pas eu accès ont atterris entre les mains du lobbyiste Steven Metalitz. Ce juriste suivait le dossier pour l’International Intellectual Property Alliance (IIPA) et travaillait à Washington pour le compte de quelques importants acteurs de l’industrie du divertissement: laMotion Picture Association of America (MPAA), la Business Software Alliance (BSA) ou encore la Recording Industry Association of America (RIAA).

Côté français, la transparence concernant les négociateurs n’est pas de mise. Le ministère de l’Economie et des Finances semble être à la manœuvre, par le biais de la Direction Générale du Trésor et de la Politique Économique (DGTPE), comme le révélaient nos confrères de Numerama en février 2010.

Comme nous l’expliquait la semaine dernière Marietje Schaake:

[Le traité] a été négocié en secret avec les principaux acteurs du monde industriel mis autour de la table. Les parlements ont été largement contournés, ainsi que le processus démocratique.

Ce n’est aujourd’hui plus le cas, les parlementaires européens et associations ayant réussi à rendre les négociations publiques. L’occasion pour le Parlement de faire valoir ses droits dans le jeu institutionnel européen qui l’oppose à la Commission et au Conseil de l’Union européenne.

Au cœur de la machinerie européenne

Certains parlementaires comptent bien faire d’Acta l’un des combats de leur mandature. A l’instar de la députée Sandrine Bélierqui faisait récemment référence à plusieurs études mettant en relief les contradictions du traité à l’égard de la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH) ou de la Charte européenne des droits fondamentaux (CEDF).

La qualification de l’accord commercial en “accord mixte” exige le vote du Parlement européen pour être ratifié. Un membre de l’équipe du Conseil européen tente de nous éclairer. Si la Commission européenne a le droit d’initiative, c’est au Conseil européen qu’il revient de prendre la décision de signer l’accord. Et, depuis la ratification du traité de Lisbonne, le Parlement Européen doit également donner son consentement, avant un retour devant le Conseil pour enfin le conclure. De plus, il est nécessaire que chacun des parlements nationaux donne son accord.

Aux États-Unis, on ne s’embarrasse pas : l’accord est considéré comme un “Sole executive agreement“, qui ne nécessite pas la validation du Parlement. La procédure est ainsi simplifiée, ce qui permet de faire passer plus facilement l’un des points d’achoppement de l’Acta : la mise en place de mesures répressives, notamment en s’appuyant sur les fournisseurs d’accès à Internet (FAI), encouragés à collaborer avec les sociétés de gestion de droits de propriété intellectuelle. Une version augmentée de la Hadopi, avec filtrage et censure à la clef.

Le Parlement européen et les Parlements nationaux ont jusqu’au 1er mai 2013 pour s’opposer à la signature de l’Acta. Un seul non suffirait à arrêter tout le processus de ratification.

L’année 2012 s’annonce chargée pour les lobbyistes.


Merci à Nicolas Patte et Julien Goetz (aka Paule d’Atha) ainsi qu’à Romain Renier pour leur aide dans la réalisation de la timeline.



Image de Une par Geoffrey Dorne

Crédits photos CC FlickR par Lucas Braga

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http://owni.fr/2011/10/24/acta-propriete-intellectuelle-mutante-union-europeenne-parlement-lobby-etats-unis/feed/ 9
Une tyrannie du droit d’auteur nommée ACTA http://owni.fr/2011/10/19/une-tyrannie-droit-auteur-nommee-acta-propriete-intellectuelle-union-europeenne/ http://owni.fr/2011/10/19/une-tyrannie-droit-auteur-nommee-acta-propriete-intellectuelle-union-europeenne/#comments Wed, 19 Oct 2011 10:21:26 +0000 Guillaume Ledit http://owni.fr/?p=83355

Un nouveau traité international menace de transformer en profondeur la législation sur le droit d’auteur. Le premier octobre, les États-Unis, l’Australie, le Canada, le Japon, la Corée du Sud, la Nouvelle-Zélande, Singapour et le Maroc ont signé l’Anti-conterfeinting trade agreement (Acta). Cet accord commercial vise à lutter contre la contrefaçon à l’échelle mondiale en renforçant les législations ayant trait à la propriété intellectuelle des États signataires. Comme le montre notre chronologie, l’Acta fait débat. Vision maximaliste du droit d’auteur[en], volonté des pays industrialisés de sécuriser un monopole historique, réaction aux évolutions des usages sur Internet, lobbying intensif des industries culturelles, mise en place de mesures liberticides: les questions posées par le traité sont nombreuses.

La ratification de l’accord par l’Union Européenne prendra du temps, et passera nécessairement par un vote des parlements nationaux ainsi qu’au Parlement européen. Plusieurs dates circulent, mais l’on s’accorde à dire qu’il aura lieu début 2012. Le tout devra avoir lieu avant le 1er mai 2013.

Pour faire le point sur la situation, OWNI a contacté deux députés européennes, publiquement opposées au traité, Marietje Schaake (Groupe Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe) et Catherine Trautmann (Groupe de l’Alliance progressiste des socialistes et démocrates au parlement européen).

Acta, une menace pour les libertés?

Membre de la commission des affaires étrangères et de celle du commerce international, Marietje Schaake a longuement travaillé sur le traité:

Après avoir attentivement étudié l’impact de ce prétendu traité commercial sur le Digital Agenda, j’en suis arrivé à la conclusion que l’Acta peut avoir un effet négatif sur l’innovation et sur les droits fondamentaux des citoyens européens. Ce ne sont pas seulement les sanctions qui me posent problème, c’est aussi le renforcement des pouvoirs de l’industrie concernant les services innovants et les partenariats public-privé.

Selon elle, les sites Internet ou les fournisseurs d’accès “pourraient avoir besoin de mettre en place des systèmes de surveillance automatique des comportements de leurs utilisateurs” pour aboutir à une forme de “privatisaton de la loi”.

Catherine Trautmann souligne de son côté que l’Acta s’apparente à une Hadopi “deuxième génération”:

Dans sa formule initiale (la version finale a été atténuée), plutôt que de monter une usine à gaz, une sorte de Hadopi mondiale, l’idée sous-jacente d’Acta en matière d’Internet semblait plutôt de faire pression directement sur les intermédiaires (FAI, hébergeurs), en rabotant le principe de “safe harbor” (la présomption de non-responsabilité des intermédiaires techniques vis-à-vis du contenu qu’ils transportent).

Le Parlement européen comme dernier recours?

Si Marietje Schaake rappelle qu’ “un seul vote contre Acta au niveau des États-membres pourrait bloquer le traité pour toute l’Europe”, elle précise également que “le Parlement et le Conseil européens voteront l’Acta dans quelques mois. Il est impossible de prévoir le résultat du vote. Il y a un lobbying féroce en faveur comme contre le traité, qui témoigne de son importance.”

Catherine Trautmann précise:

Dans la négociation, la Commission Européenne a traité de tout ce qui concernait le champ du droit de l’Union mais ce sont les États-membres, via la Présidence tournante du Conseil, qui ont négocié tout ce qui n’en dépendait pas, c’est-à-dire en particulier le volet pénal, rattaché à un accord “commercial”, ce qui pose question.

L’ancienne maire de Strasbourg explique néanmoins que le vote du Parlement est imprévisible: “notre assemblée s’est exprimée à plusieurs reprises au cours de ce feuilleton, pas toujours dans le même sens d’ailleurs, mais en tout cas toujours de façon très nuancée. Difficile de dire comment cela se traduira sur un vote oui/non!”

A la question de savoir si un accord comme Acta menace l’acquis communautaire, Marietje Schaake nous fait savoir que “quelques travaux de recherche [PDF,en] approfondis indiquent que l’Acta n’est pas conforme. Les aspects pénaux sont sans aucun doute en dehors de la compétence de toute régulation européenne”. Avant de poursuivre:

En compilant les différents aspects du traité, on s’aperçoit que l’Acta constitue un autre outil qui étend les droits de l’industrie, et bouleverse ainsi de façon significative l’équilibre fragile du copyright.

Catherine Trautmann souligne la “polémique importante entre experts” sur le sujet, notamment sur “le volet pénal de l’accord”:

En fait, il est possible que le texte “pris dans son ensemble” soit conforme, mais là n’est pas la question. Car il faut nous poser la question de la finalité d’un accord dont les principaux pays visés (les “contrefacteurs”) ne sont pas parties (et n’ont aucune intention de le devenir). En outre, souhaitons-nous vraiment donner un signal accentuant une approche répressive qui a démontré son injustice et son inefficacité dans les 10 dernières années?

“Le traité Acta n’est pas la solution”

Si Acta ne répond pas aux défis majeurs posés par l’évolution de la propriété intellectuelle, d’autres solutions existent. Marietje Schaake insiste sur la nécessité d’une “confiance retrouvée entre les deux parties”, car “les consommateurs perdent confiance en l’industrie culturelle” :

Le traité Acta n’est pas la solution. Il a été négocié en secret avec les principaux acteurs du monde industriel mis autour de la table. Les parlements ont été largement contournés, ainsi que le processus démocratique. Par conséquent, les citoyens vont davantage perdre confiance en l’industrie culturelle. De nouvelles façons technologiques de contourner les dispositions de l’Acta pourraient en être le résultat, au lieu d’efforts pour créer un marché européen du numérique viable, dans lequel les offres légales peuvent être négociées, éradiquant ainsi le besoin d’un encadrement juridique draconien.

Catherine Trautmann, quant à elle, rappelle que “la propriété intellectuelle est un compromis entre un inventeur ou un auteur, et la société. Ce compromis doit réaliser l’équilibre entre innovation et circulation des idées”. Elle souligne également l’idée que “les mesures répressives visant les utilisateurs ne répondent pas à cette problématique. Il faut en règle générale éviter les mesures techniques qui ne font qu’alimenter une ‘course aux armements’ dans l’anonymisation et le cryptage, lesquels peuvent avoir des effets collatéraux très dommageables”.

Sa conclusion est sans appel:

L’idéal serait d’envisager une réforme du droit d’auteur qui soit en phase avec la réalité des usages d’Internet, doublée d’une réflexion sur les mécanismes commerciaux (offre légale) ou fiscaux (licence globale) permettant d’assurer un revenu décent aux auteurs, dans un cadre renouvelé (une “chaîne de valeur” qui leur soit plus favorable). De plus en plus de gens, y-compris au sein de l’Organisation mondiale pour la propriété intellectuelle (OMPI), y sont favorables. Mais c’est un ouvrage ardu, impliquant une multitude de secteurs, et qui demandera une volonté politique forte pour l’initier. Cette dernière semble encore absente à l’échelle de l’Europe.


Illustrations CC FlickR par European Parliament

Retrouvez les articles du dossier :

L’empire Hollywood attaque Internet et
Libérez Justin Bieber

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http://owni.fr/2011/10/19/une-tyrannie-droit-auteur-nommee-acta-propriete-intellectuelle-union-europeenne/feed/ 202
Journalisme scientifique: ne nous précipitons pas http://owni.fr/2011/04/25/journalisme-scientifique-ne-nous-precipitons-pas/ http://owni.fr/2011/04/25/journalisme-scientifique-ne-nous-precipitons-pas/#comments Mon, 25 Apr 2011 13:12:45 +0000 pascallapointe http://owni.fr/?p=58971
Article publié sur OWNISciences sous le titre, Journalistes: une deadline plus longue pour la science?

Cas journalistique typique. Le chercheur X publie sa découverte dans Nature. Quelques heures plus tard, des dizaines ou des centaines de journalistes —et de blogueurs— en ont fait un résumé pour leur site, journal, radio ou télé. Et le public en ressort avec l’impression d’une autre grande avancée.

Les scientifiques, eux, savent qu’une recherche unique ne fait pas une révolution et qu’il faudra attendre qu’une deuxième recherche, et même une troisième, confirment les résultats pour qu’on soit sur un terrain solide. Ce qui peut prendre au moins deux ou trois ans.

Je disais à ce sujet à mes étudiants, il y a quelques semaines, que l’information scientifique s’en porterait sans doute mieux si les journalistes n’avaient pas cette obligation de rapporter une découverte, sitôt qu’elle est annoncée par ceux qui ont intérêt à l’annoncer. Mais bien sûr, c’est utopique : qui serait assez stupide pour s’asseoir sur une grosse nouvelle pendant deux ou trois ans?

Et bien dans certaines circonstances, ce n’est pas complètement utopique. Je viens de découvrir qu’en janvier, John Rennie, ancien rédacteur en chef du Scientific American, a commencé par réfléchir tout haut en écrivant ceci dans The Guardian :

Qu’arriverait-il si tous les rédacteurs en chef et journalistes de la presse scientifique élargie, incluant les légions de blogueurs de science, s’auto-imposaient un moratoire leur interdisant d’écrire sur de nouvelles découvertes jusqu’à six mois après leur publication?

Réalisant peut-être combien déconnectée de la réalité pouvait sembler son idée, il est revenu à la charge une semaine plus tard en offrant cette fois un exemple.

Condenser les informations en une chronologie

Le journaliste britannique Ed Yong, sur son (excellent) blog de vulgarisation, a publié une chronologie interactive de la recherche sur la reprogrammation des cellules souches adultes (les IPSC, pour les intimes).

Inspiré par une nouvelle recherche sur ces cellules souches (qui pourraient être une alternative aux plus controversées cellules souches d’embryons), Yong a d’abord mis à jour un texte qu’il avait écrit précédemment, réalisant du coup combien, depuis 2005, chaque texte sur ces cellules doit répéter encore et encore les mêmes éléments de contexte. Pourquoi ne pas rassembler ce contexte en un seul endroit ?

Le résultat est original, et intrigant. Le sujet ne passionnera pas les foules, mais il illustre ce qu’il est possible de faire avec le logiciel utilisé —Dipity.com. John Rennie y voit, lui, une forme de réponse à son appel du Guardian :

Même si nous [journalistes] sommes tous d’accord pour dire que la meute journalistique conduite par communiqués de presse est chose malsaine, qui agit réellement contre ce phénomène ?

Un autre vétéran du journalisme scientifique américain, Paul Raeburn, y va lui aussi d’un commentaire admiratif face à l’expérience de Yong, mais se fait toutefois rappeler par un de ses lecteurs que ce n’est pas de la nouvelle : cette chronologie, « c’est une jolie façon de présenter la science, mais ce n’est pas un article d’actualité ».

Un second lecteur renchérit en comparant cela à Storify, que Josée Nadia m’a fait découvrir cette semaine : un outil pour raconter l’actualité différemment, en puisant dans les médias sociaux.

Quant à Ed Yong, il raconte qu’il lui a fallu sept heures pour créer cette chronologie, ce qui est tout de même long pour un travail non rémunéré (et qui contient moins d’informations qu’un article équivalent). N’empêche que :

Je pense que la chronologie fonctionne parce que, comme n’importe quelle bonne image, elle raconte une histoire. Vous la lisez et vous saisissez mieux cette intense compétition (beaucoup de gens publiant en même temps dans différentes revues), qui sont les joueurs-clefs (les mêmes noms ne cessent de revenir) et le fait qu’il s’agisse d’un domaine qui progresse lentement. Ça fonctionne parce que la chronologie ajoute quelque chose.

[J’ai remarqué que] les articles journalistiques sur ce sujet sont incroyablement répétitifs. Ils doivent toujours aborder les mêmes éléments pour donner une idée du contexte… Je peux à présent intégrer [à mes textes] mon petit gadget et laisser les lecteurs découvrir le contexte par eux-mêmes.

Mais en effet, tous ceux qui réagissent ont raison, ceci n’est pas de l’actualité. Et tant qu’auditeurs et lecteurs demanderont de l’actu, on aura besoin des journalistes pour rapporter l’actualité d’une façon rapide, efficace… et, malheureusement, classique.

Mais les blogueurs, eux, pourraient se permettre de jouer différemment.

>> Article initialement publié sur SciencePresse.

>> Photo Flickr PaternitéPas d'utilisation commercialePartage selon les Conditions Initiales Stéfan

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http://owni.fr/2011/04/25/journalisme-scientifique-ne-nous-precipitons-pas/feed/ 4
Journalistes: une deadline plus longue pour la science? http://owni.fr/2011/04/14/journalistes-une-deadline-plus-longue-pour-la-science/ http://owni.fr/2011/04/14/journalistes-une-deadline-plus-longue-pour-la-science/#comments Thu, 14 Apr 2011 14:26:33 +0000 pascallapointe http://owni.fr/?p=34566 Cas journalistique typique. Le chercheur X publie sa découverte dans Nature. Quelques heures plus tard, des dizaines ou des centaines de journalistes —et de blogueurs— en ont fait un résumé pour leur site, journal, radio ou télé. Et le public en ressort avec l’impression d’une autre grande avancée.

Les scientifiques, eux, savent qu’une recherche unique ne fait pas une révolution et qu’il faudra attendre qu’une deuxième recherche, et même une troisième, confirment les résultats pour qu’on soit sur un terrain solide. Ce qui peut prendre au moins deux ou trois ans.

Je disais à ce sujet à mes étudiants, il y a quelques semaines, que l’information scientifique s’en porterait sans doute mieux si les journalistes n’avaient pas cette obligation de rapporter une découverte, sitôt qu’elle est annoncée par ceux qui ont intérêt à l’annoncer. Mais bien sûr, c’est utopique : qui serait assez stupide pour s’asseoir sur une grosse nouvelle pendant deux ou trois ans?

Et bien dans certaines circonstances, ce n’est pas complètement utopique. Je viens de découvrir qu’en janvier, John Rennie, ancien rédacteur en chef du Scientific American, a commencé par réfléchir tout haut en écrivant ceci dans The Guardian :

Qu’arriverait-il si tous les rédacteurs en chef et journalistes de la presse scientifique élargie, incluant les légions de blogueurs de science, s’auto-imposaient un moratoire leur interdisant d’écrire sur de nouvelles découvertes jusqu’à six mois après leur publication?

Réalisant peut-être combien déconnectée de la réalité pouvait sembler son idée, il est revenu à la charge une semaine plus tard en offrant cette fois un exemple. Le journaliste britannique

Condenser les informations en une chronologie

Ed Yong, sur son (excellent) blog de vulgarisation, a publié une chronologie interactive de la recherche sur la reprogrammation des cellules souches adultes (les IPSC, pour les intimes).

Inspiré par une nouvelle recherche sur ces cellules souches (qui pourraient être une alternative aux plus controversées cellules souches d’embryons), Yong a d’abord mis à jour un texte qu’il avait écrit précédemment, réalisant du coup combien, depuis 2005, chaque texte sur ces cellules doit répéter encore et encore les mêmes éléments de contexte. Pourquoi ne pas rassembler ce contexte en un seul endroit ?

Le résultat est original, et intrigant. Le sujet ne passionnera pas les foules, mais il illustre ce qu’il est possible de faire avec le logiciel utilisé —Dipity.com. John Rennie y voit, lui, une forme de réponse à son appel du Guardian :

Même si nous [journalistes] sommes tous d’accord pour dire que la meute journalistique conduite par communiqués de presse est chose malsaine, qui agit réellement contre ce phénomène ?

Un autre vétéran du journalisme scientifique américain, Paul Raeburn, y va lui aussi d’un commentaire admiratif face à l’expérience de Yong, mais se fait toutefois rappeler par un de ses lecteurs que ce n’est pas de la nouvelle : cette chronologie, « c’est une jolie façon de présenter la science, mais ce n’est pas un article d’actualité ».

Un second lecteur renchérit en comparant cela à Storify, que Josée Nadia m’a fait découvrir cette semaine : un outil pour raconter l’actualité différemment, en puisant dans les médias sociaux.

Quant à Ed Yong, il raconte qu’il lui a fallu sept heures pour créer cette chronologie, ce qui est tout de même long pour un travail non rémunéré (et qui contient moins d’informations qu’un article équivalent). N’empêche que :

Je pense que la chronologie fonctionne parce que, comme n’importe quelle bonne image, elle raconte une histoire. Vous la lisez et vous saisissez mieux cette intense compétition (beaucoup de gens publiant en même temps dans différentes revues), qui sont les joueurs-clefs (les mêmes noms ne cessent de revenir) et le fait qu’il s’agisse d’un domaine qui progresse lentement. Ça fonctionne parce que la chronologie ajoute quelque chose.

[J’ai remarqué que] les articles journalistiques sur ce sujet sont incroyablement répétitifs. Ils doivent toujours aborder les mêmes éléments pour donner une idée du contexte… Je peux à présent intégrer [à mes textes] mon petit gadget et laisser les lecteurs découvrir le contexte par eux-mêmes.

Mais en effet, tous ceux qui réagissent ont raison, ceci n’est pas de l’actualité. Et tant qu’auditeurs et lecteurs demanderont de l’actu, on aura besoin des journalistes pour rapporter l’actualité d’une façon rapide, efficace… et, malheureusement, classique.

Mais les blogueurs, eux, pourraient se permettre de jouer différemment.

>> Article initialement publié sur SciencePresse.

>> Photo Flickr CC-NC-NDLPaternitéPas d'utilisation commercialePas de modification par Mike Bailey-Gates.

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http://owni.fr/2011/04/14/journalistes-une-deadline-plus-longue-pour-la-science/feed/ 1
La belle histoire de la neutralité des réseaux http://owni.fr/2011/01/07/la-belle-histoire-de-la-neutralite-des-reseaux/ http://owni.fr/2011/01/07/la-belle-histoire-de-la-neutralite-des-reseaux/#comments Fri, 07 Jan 2011 13:23:15 +0000 Andréa Fradin http://owni.fr/?p=38880 L’histoire de la neutralité des réseaux depuis la fin du 18e siècle, quel intérêt ? Si l’on considère cette idée à l’aune du seul réseau Internet, difficile de saisir l’utilité d’une telle remontée dans le temps. Mais si cet embranchement de tuyaux est aujourd’hui au centre de toutes les attentions, il ne faut pas oublier que d’autres moyens de télécommunication, avant lui, ont jeté les bases de la réflexion actuelle sur la neutralité.

Lobbynomics a retracé la sinueuse histoire réticulaire dans une infographie, consacrée au déploiement des lignes de télécommunications américaines et européennes entre 1770 et 2010. Poste, télégraphe, téléphonie et évidemment, Internet: la frise reprend les événements qui ont tissé la trame d’une exigence de neutralité dans les réseaux. Elle nous apprend par exemple que dès 1770, le Service Postal américain, anciennement “Post Office”, est tenu de faire en sorte que les messages “soient transmis à la destination choisie par les expéditeurs, sans être interceptés, lus ou déroutés en cours d’envoi.” Un siècle plus tard, les mêmes impératifs s’imposent au télégraphe, qui doit “transmettre les messages de façon sécurisée, dans l’ordre des réceptions, avec exactitude et sans discrimination.”

Les éclairages historiques laissent rapidement la place à l’étude du seul cas Internet, l’infographie opérant un rafraichissement de nos mémoires salutaire, particulièrement en ces temps d’adoption de la Loppsi en France, dont l’article 4 met un sérieux coup de boutoir à la neutralité, ou de définition du concept de neutralité des réseaux aux États-Unis -nous y reviendrons.

Le constat est saisissant: entre 2005 et 2010, en Amérique du Nord comme sur le vieux continent, les opérateurs n’ont eu de cesse d’imposer à leurs clients une certaine conception du réseau, débarrassée des encombrants -et accessoirement, potentielles menaces- protocoles peer-to-peer et de voix sur IP. Et s’ils se sont globalement saisi de la question, autorités de régulation comme gouvernements n’ont toujours pas réussi à envoyer un message clair plaidant en faveur d’un réseau neutre, libre et ouvert.

C’est d’ailleurs dans cette perspective mi-figue, mi-raisin que la FCC, équivalent de notre Arcep national aux États-Unis, s’est effectivement prononcée, peu avant Noël. Le 21 décembre dernier, l’autorité a en effet adopté des règles relatives à la neutralité des réseaux, attendues de longue date, et dont l’exigence varie en fonction des réseaux. Quand, du côté filaire, les opérateurs n’ont pas le droit de bloquer de services, côté sans fil en revanche, la FCC leur laisse une amplitude d’action beaucoup plus large, en permettant la mise en place de “services gérés” et de priorisation. Tant et si bien que cet entre-deux fâche autant le parti républicain, qui craint que ces règles freinent l’innovation sur Internet, que les partisans d’un concept plein de neutralité des réseaux, synonyme d’une discrimination nulle, quelque soit le réseau.

Pourtant, encore une fois, si ses implications sont nombreuses et expliquent la sensation de confusion qui émane des débats dont elle fait l’objet, l’idée de neutralité des réseaux est simple:

Il s’agit de garantir qu’Internet reste ouvert, libre, neutre, une source d’innovation et de création et un marché concurrent. Soit avant tout s’assurer que les FAI ne privilégient ni ne discriminent pas certains contenus, services et applications.

Des FAI qui ne scrutent pas leurs tuyaux: l’éclairage historique prend subitement tout son sens et l’analogie avec La Poste paraît beaucoup moins surannée et tout à fait à propos, comme le rappelle Benjamin Bayart:

Le facteur n’ouvre pas les lettres, de la même façon les opérateurs n’ont pas à regarder ce qu’ils transportent. S’ils veulent facturer au volume, ils peuvent, mais ils n’ont ni à choisir le niveau de priorité -ce n’est pas leur boulot mais celui des utilisateurs et des serveurs-, ni à regarder ce qu’il y a à l’intérieur.

Infographie initialement publiée sur Lobbynomics.

Illustration CC FlickR: fedewild

]]> http://owni.fr/2011/01/07/la-belle-histoire-de-la-neutralite-des-reseaux/feed/ 8 Une chronologie interactive contre la censure Internet http://owni.fr/2010/04/13/une-chronologie-interactive-contre-la-censure-internet/ http://owni.fr/2010/04/13/une-chronologie-interactive-contre-la-censure-internet/#comments Tue, 13 Apr 2010 08:34:21 +0000 Sami Ben Gharbia http://owni.fr/?p=12117 Ce billet a été publié sur Global Voices Advocacy , l’un des sites de Global Voices, destiné à défendre la liberté d’expression en ligne et à combattre la cyber-censure. Voir tous les billets.

Face à l”ampleur croissante de la répression d’Internet, notamment après la contestation en Iran et  la débâcle Google contre Chine, le site Global Voices Advocacy a voulu collecter les faits et les présenter en une suite chronologique enrichie de liens utiles et de vidéos (chaque fois qu’il y en avait de disponibles).

Comme pour la chronologie et la carte de Threatened Voices, l’objectif de ce modeste projet est bien entendu d’identifier les tendances dans la répression digitale à travers le temps et de mettre en lumière d’autres sujets souvent négligés par les médias.

Les données recueillies et rapportées dans cette chronologie Dipity proviennent de ce tableur Google mis à disposition pour toute utilisation souhaitée.

Tout un chacun peut la visionner et la modifier sans s’identifier. Ces informations peuvent être exportées dans un fichier .xls ou des fichiers d’autres formats, et peuvent être utilisées pour créer des chronologies, des cartes et tout autre mode de visualisation. Il peut aussi servir d’outil collaboratif pour enregistrer les incidents majeurs dans ce domaine.

Alors, merci de nous aider à collecter cette information cruciale et de tenir à jour cette chronologie. Il vous suffit pour cela d’aller sur ce tableur Google et de le compléter des incidents manquants.

Billet initialement publié sur Global Voices en français

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http://owni.fr/2010/04/13/une-chronologie-interactive-contre-la-censure-internet/feed/ 0
Chronologie musique et Internet http://owni.fr/2010/01/05/chronologie-musique-et-internet/ http://owni.fr/2010/01/05/chronologie-musique-et-internet/#comments Tue, 05 Jan 2010 12:54:12 +0000 Babgi (sawndblog) http://owni.fr/?p=6717 A l’occasion de ce changement de décénie, il est intéressant de prendre un instant et de se retourner pour observer ce qu’a été l’histoire de la musique et d’internet au cours des trente dernières année… Cela prend certes un peu de temps de rassembler cette information, mais c’est édifiant …

1980 : invention de la mémoire flash.

1987

Le premier brevet du format MP3 est pris. Plus de soixante brevets auront entouré le célébrissime format musical. les premiers ont déjà expiré, d’autres resteront encore valables jusqu’en 2017 ; ceux de la version pro -bien moins populaires- seront encore en vigueur jusqu’en 2023, voir 2027.

1990

INTERTRUST est crée. Dans un premier temps, cette société commercialise des brevets pour la mise en place de DRM (dispositifs de sécurité sur les CD musicaux). La société fait une introduction en bourse en 1999, puis est rachetée par SONY et PHILIPS. Aujourd’hui encore, INTERTRUST est considérée comme l’une des principales détentrices de brevets liés à la DRM. Elle détient par exemple plusieurs des brevets du format BLU-RAY.

1991

Le MP3 est accepté comme standard de compression/décompression par l’ISO.

1983

sorti du Pentium, premier processeur à pouvoir décoder le mp3 en temps réel, prélude à l’arrivée massive de la musique sur un nouvel appareil : le PC;  L’usage musical en a pourtant été très restreint. D’une part car la plupart des ordinateurs n’étaient pas équipés d’une carte son performante, et d’autre part en raison des contraintes d’espaces mémoires. Premier portable mp3 : le RIO avec 10Mo de mémoire.

1994

Les Rolling Stones sont le premier groupe à diffuser leur musique en live sur internet, en utilisant Real.

1995

création de REALNETWORK, la première start-up dont l’objet consistait (et consiste toujours) à fournir une suite d’outils de compression/décompression permettant l’écoute de musique via internet. REAL a par la suite (en 2001) lancé RHAPSODY, un service de musique en ligne.

1997

Lancement du site mp3.com qui deviendra immédiatement la bête noire de l’industrie musicale.

1999

juin : ouverture de NAPSTER… Qui fermera ses portes sous sa forme initiale (du pear-to-pear pur et dur) en juillet 2001… croulant sous les plaintes de la RIAA (l’équivalent de notre SNEP) et  suite à une injonction du Ninth Circuit Court (l’équivalent de notre Tribunal des Référés) de Washington.

septembre : les licences 3G sont attribués à FranceTelecom Mobile (ORANGE) et à SFR. Dans toute l’Europe, les attributions rapportent plus de 71 milliards d’Euros !

killingmusicindustry

2000

mars : MUSIWAVE (initialement Musiwap) est fondée.

juillet : SIRIUS est le premier satellite musical jamais lancé. Il diffuse sur le territoire US de la musique en qualité CD, son premier client est HERTZ

septembre :  KAAZa se lance.

2001

mai : VIVENDI rachète Mp3.com pour 372 millions de dollars

octobre : APPLE lance son premier IPOD, initialement de 5Go, en février, est lancé un 10Go. ITUNES, sans e-Commerce, avait été lancé quelques mois auparavant.

2002

NAPSTER dépose le bilan, ils seront finalement repris par Roxio.

2003

septembre : la RIAA poursuit 261 personnes pour violation des droits de distribution (usage en pear-to-pear). L’opinion jusqu’alors indifférent, prend rapidement fait et cause pour les personnes incriminées.

avril : ITUNES se lance en version e-commerce. Deux mois plus tard, un millions de titres sont vendus. en décembre 2003, 50 millions de titres auront été vendus.

août : lancement de LastFM.com

novembre : fusion de SONY et de BMG. MP3.com est revendu à Cnet.com

2004

mai : Itunes version e-commerce se lance en Europe.

Cette année là, les ringtones (sonneries de téléphone) rapportent plus de 3,5 milliards de dollars.

2005

décembre : lancement de Youtube.

2006

janvier : Fondation de Ilike

février : Musiwave est vendue à Openwave pour 141 millions de dollars

juillet :  Microsoft lance Zune. un concurrent de l’Iphone.

octobre : fondation de mxp4

décembre : Youtube racheté par Google pour 1,6 milliard de dollars… glups.

2007

janvier : lancement de l’Iphone

avril : APPLE annonce avoir vendu 100 millions d’Ipod

août TERRA FIRMA rachète EMI…

octobre : Amazon lance son offre de musique en ligne.  Radiohead lance son album “In Rainbows” en “pay-as-you-like” (payez ce que vous voulez).

novembre : fondation de SAWND.

2008
(janvier) Apple annonce qu’elle va progressivement retirer les DRM de sa plateforme Itunes.

2009

juin : la mort de Michael Jackson provoque un afflux de requêtes si important qu’Internet ralenti dans de nombreuses régions du monde, particulièrement au Japon et en Allemagne.

octobre : La RIAA -et en France, le SNEP fait le même constat- annonce que le marché de la musique enregistrée a diminué d’environ 2/3 depuis 2000.

décembre Apple rachète Lala.com

et l’histoire continue …

jackson

»Article initialement publié sur Sawndblog

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